LE LION

L’autre jour, au Jardin, je me sentais heureux,

Je flânais du côté de la ménagerie.

Là-bas je vis un lion couché dans la prairie :

Entre nous deux, qui donc était le plus peureux ?

Il bavait et grognait, alors que, généreux,

Des enfants lui tendaient leurs riches sucreries ;

Il avait son bol d’eau, ses viandes équarries,

Quoi qu’il fût aussi las qu’un pauvre cancéreux.

Il sursautait à son piquet, violent, sauvage ;

Quel domestique ingrat, pourtant choyé, en rage !

Enfants, n’insistez pas ! Je connais ces seigneurs :

A force de bâton et d’horribles caresses,

Les fauves se méfient et craignent nos largesses ;

Homme ou lion, il est bon de fuir les faux soigneurs !