Chapitre 23 - Ennemi en Vue
Anario, Cirth et Sauron quittèrent le château pour se diriger vers le marché de la ville. Quelques gardes insistèrent pour les accompagner mais le prince refusa. Il voulait marcher librement dans la ville aux côtés de ses compagnons et passer un bon moment avec eux. Ils descendirent le chemin de pierre menant au château et avancèrent vers le centre, quelques fois interrompus par des marchands ou des aristocrates qui saluaient Anario.
— On ne peut pas s'aventurer aussi loin sans se faire arrêter toutes les deux minutes. Ce n'est pas pareil avec Vorondil, remarqua Cirth en souriant.
— Désolé, je sais que c'est contraignant. Dès que nous serons au marché, la foule sera trop occupée à observer les marchandises et à se faire distraire par les clowns pour prendre le temps de venir me parler.
Ils arrivèrent rapidement sur les lieux et se faufilèrent entre les passants. Ils se trouvaient vers le haut du marché où se situaient la plupart des stands de nourritures. Beaucoup d'hommes étaient postés devant de gros tonneaux où deux d'entre eux vendaient de la bière brassée par leurs soins. Il y en avait des blondes comme des brunes, de la mousseuse et quelques-unes sans pour satisfaire ceux qui n'aimaient pas ça. L'un d'eux était debout sur un tonneau, criant de belles phrases pour attirer les clients, bien qu'ils fussent déjà nombreux.
Quelques mètres plus loin, une dame rôtissait du poulet, de la cuisse, des ailes, grillées ou froides, épicées ou non. Il y avait de quoi choisir. Cirth fut tout de suite hypnotisé par cette douce odeur. Il courut vers le stand en tirant ses deux camarades.
— Prenons du poulet épicé, nous n'avons rien mangé depuis ce matin ! s'exclama Cirth.
— Beurk, je n'aime pas quand c'est épicé, répondit Anario.
— Comment ça ? Mais c'est meilleur voyons ! Ça relève bien le goût !
— Prenons-le nature, ce sera mieux pour tout le monde !
— Et toi Sauron, tu préfères quoi ? Épicé, hein ?
— Comme vous voulez, ajouta-t-il, indifférent.
Cirth et Anario argumentèrent longtemps sur le choix qu'il fallait faire, bien qu'il fût plus simple et rapide de prendre un peu de chaque. Sauron était insensible à ce sujet-là. Tant qu'on lui donnait quelque chose à manger, il était content. Il leur tourna le dos tout en restant près d'eux, admirant toute la foule qui s'était réunie ici. Quelque chose survolait les têtes des passants, attirant son attention ; c'était une délicate ombrelle en dentelle. Il se mit sur la pointe des pieds, espérant apercevoir qui était en dessous, mais il restait toujours plus petit que les autres. Soudain, une fenêtre lui permit de jeter un rapide coup d'œil, il reconnut le corset d'Isil mais n'en était pas vraiment sûr.
Isil ? Qu'est-ce qu'elle ferait là ? se demanda-t-il. Sa curiosité avait été nourrie. Il avança d'un mètre pour mieux voir et confirma ainsi ce qu'il avait vu. Il se retourna rapidement pour faire signe à ses deux compagnons mais ceux-ci n'y firent pas attention. Ce n'est pas bien grave. Je suis juste à côté. Je vais faire vite. Il s'avança en se faufilant difficilement entre les passants devenant de plus en plus nombreux. Soudain, il aperçut Vorondil qui marchait aux côtés de la jeune femme. Mais qu'est-ce qu'ils font ensemble ?
Tandis que Sauron les suivait de près, il remarqua qu'un homme faisait de même. Celui-ci était habillé d'une sorte de veste sans manches en cuir serrée au niveau du torse par plusieurs crochets en argent, semblable à un corset pour homme, un gilet en coton en dessous avec une capuche légèrement pointue qui cachait son visage, un pantalon un peu large serré au niveau des chevilles et des bottes noires arrivant au niveau des mollets. Il avança silencieusement derrière eux et les suivit jusque dans une rue écartée du marché et de ses visiteurs. Sauron était là pour observer chacun de ses mouvements. Il le vit sortir une lame de sa veste. Il s'approcha rapidement derrière en pensant au pire.
— Vorondil ! cria-t-il.
Au même moment, l'inconnu tourna dans la ruelle de droite à toute vitesse. Sauron s'approcha d'elle en courant pour voir où il était parti, mais lorsqu'il l'examina, il n'y avait déjà plus personne. Vorondil, interpellé par une voix qui lui était familière, se tourna vers Sauron. Il était surpris de le voir ici.
— Sauron ? Que fais-tu là ? lui demanda-t-il en marchant vers lui.
— Vorondil, tu devrais faire attention. J'ai vu quelqu'un de suspicieux qui vous suivait.
— Ne t'inquiète pas. Je suis prêt à me battre si besoin, répondit Vorondil en examinant ses alentours.
— Tiens... Où est Isil ?
Vorondil se retourna comme si Sauron avait prononcé une question idiote, mais effectivement, la jeune femme n'était plus là. Ils étaient seuls au milieu de la rue, recouverts par l'ombre des bâtiments, créant un petit vent glacial.
— Elle a dû partir en entendant ton cri.
— Ce n'est pas son genre, répondit Sauron en souriant.
— Tu as raison. Allons voir au bout de la rue pour être sûrs. Je passe tout droit et toi par la ruelle de droite. On arrivera au même endroit.
— Entendu, faisons ça rapidement.
Sauron prit la rue de droite avec précaution. Il savait que l'inconnu était parti par là, même s'il ne pensait pas le retrouver. Vorondil continua tout droit. Les deux chemins menaient sur une petite place à l'écart de l'activité de la ville. Sauron avança pas à pas. Il arriva sur cette place en seulement deux minutes. Là, un homme l'attendait, semblable à celui qu'il avait vu. Oui, il en était sûr, c'était bien l'inconnu qui suivait le prince dans la rue. Pourquoi est-il encore là ? se demanda-t-il. N'importe qui aurait fui pour ne pas se faire attraper.
— Je sais que tu veux t'en prendre à Vorondil, mais je t'en empêcherai.
Sauron, méfiant, saisit le manche de sa claymore et se mit en garde. L'inconnu souleva lentement son capuchon à l'aide de ses deux mains, tout en redressant son visage. Il avait les cheveux argentés en bataille. Il était jeune, sans doute aussi âgé qu'Anario. Il ouvrit les yeux et dévoila une couleur sanglante virant au brun. Sauron fut assez surpris par cette couleur. Il était sûr que nul homme ne possédait un tel regard.
— Il est vrai que j'en veux à ton ami. Il a quelque chose en sa possession qui m'appartient, et je compte bien le récupérer.
— Vorondil n'est sûrement pas un voleur. Tu dois forcément te tromper !
— Vous avez rallongé ma route en prenant mon grimoire. J'ai perdu beaucoup de temps.
Cependant, l'homme n'avait pas remarqué que Vorondil s'en était séparé le jour même et ne le portait plus sur lui.
Non loin de là, Vorondil ne se doutait pas qu'il était une cible. Il longea la rue jusqu'à un tournant où, curieusement, il sentait une ombre pesante qui l'observait. Il s'arrêta quelques instants et prit sa large épée dans ses deux mains. Il regarda sur la droite, sur la gauche, mais il n'y avait rien. Sûr de lui, il releva soudainement la tête, pensant à une petite embuscade mais... personne. Pourtant, il y avait bien des yeux qui l'observaient. Il était prêt à attaquer et ne faire qu'une bouchée de son prédateur. Vorondil entendit le cri de son agresseur venant de derrière lui. Il se retourna brusquement et positionna son arme devant lui pour se défendre, bloquant son adversaire. C'était un wendigo qui l'attaqua de plein fouet avec ses longs bras aux griffes pointues. Son cœur de glace lui éblouissait un peu les yeux, reflétant la lumière. Il ne pouvait croire à une telle situation. Un wendigo en pleine capitale, en plein jour ? Sans hésitation, il repoussa la bête de toutes ses forces et, avant que celle-ci ne le charge à nouveau, lui trancha la poitrine à l'aide de sa lame. Malgré le fait que la bête soit réellement en ces lieux, il n'en revenait toujours pas. Il courut jusqu'à la place, craignant que Sauron en croise lui aussi.
Rapidement, il arriva à destination. Là, il vit Sauron et l'inconnu face à face. Il fut envahi par un sentiment d'incompréhension. Il regarda l'homme de haut en bas puis se tourna vers Sauron qui se tenait en garde. Ce dernier savait qu'il voulait s'en prendre à son ami, et il dégaina rapidement son arme.
— Vorondil, ne t'approche pas ! cria-t-il.
— Qui es-tu ?!
— Je t'attendais, répondit l'inconnu en souriant.
Sans même que les deux garçons ne s'en rendent compte, l'homme se déplaça à une extraordinaire vitesse aux côtés de Vorondil et lui frappa la nuque d'un coup sec. Le prince fut désorienté. Il n'avait pas eu le temps de se défendre et tomba par terre, inconscient, sous les yeux écarquillés de son compagnon. L'inconnu le retourna sur le dos à l'aide de son pied et constata qu'il n'avait pas le grimoire qu'il recherchait.
— Merde, il n'est pas là. Tous ces efforts pour rien.
— Écarte-toi de lui !
Sauron courut vers eux, sa lame en avant. L'homme s'écarta d'un bond. Il se mit devant son ami pour le protéger. Une certaine haine s'empara de lui. Maintenant que j'ai quelque chose à protéger, je ne faillirai pas à ma tâche ! L'inconnu concentra son aura autour de lui. Elle avait la même couleur rouge que celle de Sauron, en moins intense.
— J'aimerais tout de même lui demander où il l'a mis, mais vu que tu m'en empêches, je vais tout d'abord devoir me débarrasser de toi.
L'homme recula son pied droit et sa main vers l'arrière. Il concentra sa puissance dans son poing. Il va utiliser l'ondo ! comprit Sauron. Que faire ? Il savait que si lui ou Vorondil étaient touchés par l'aura de leur adversaire, ils n'auraient aucune chance de s'en tirer indemne. La seule chose qui lui vint à l'esprit était de le contrer avec sa propre aura. Vite, il lâcha sa claymore à terre et concentra la sienne de toutes ses forces. Au moment où son adversaire avançait son poing, il fit de même et libéra sa puissance devant lui. À la vue de celle-ci, particulièrement sanglante, l'homme fut surpris et perplexe.
Au moment où il vit l'aura de Sauron arriver vers lui, il se retira sur le côté très rapidement, sans même libérer la sienne. Elle passa à côté de lui comme un jet d'air et brisa un mur déjà à moitié en ruine se trouvant derrière. De gros morceaux de pierre tombèrent sur le sol, relevant la poussière dans les airs. L'inconnu observa l'étendue des dégâts, impressionné et en même temps heureux. Il se tourna brusquement vers lui en marchant. Il souleva ses bras dans les airs et, avec un grand sourire jusqu'aux oreilles, lui dit :
— HAHAHA, COMME SI JE M'ATTENDAIS À ÇA ! ricana-t-il lugubrement. Dire que tu étais juste devant mes yeux. Cette impressionnante aura sanglante ne me trompera pas ! Je t'ai longtemps cherché, fils de Dovahkiin.
La poussière se dissipa peu à peu. La silhouette de Sauron se distinguait à nouveau. Un coup de vent emporta soudain les résidus, laissant apparaître deux étincelles rouges. C'étaient les yeux de Sauron qui avaient revêtu des reflets rouges, comme lors de son combat contre la bête du château, mais cette fois-ci, plus intense, comme si la lune sanglante avait conquis complètement son regard.
— Comment ça ? demanda Sauron, curieux. Tu dois te tromper.
— Non, je suis sûr de moi, c'est impossible de faire erreur. Tu es bien son fils.
— Dovahkiin serait mon père ? Qui est-il ? Où est-il ? De quoi tu parles ?
— Je ne suis pas obligé de te répondre. Après tout, les membres de la Guilde seraient plus que satisfaits si je te ramenais à eux. Malheureusement, ce ne sera pas encore pour aujourd'hui.
— Mais qui es-tu ?
— Mon nom est Dagnir, membre de la Guilde Nocturne. Je viens d'Evralar.
— Evralar ? Ce nom ne me dit rien. C'est quoi ? C'est où ?
— C'est un territoire très lointain, ou plutôt tout un monde obscur.
Dagnir était proche de Sauron à présent. Il le regardait avec un grand sourire, comme un prédateur observant sa proie. Pour une raison encore inconnue, il semblait éprouver un immense sentiment d'admiration envers le jeune homme et en même temps, une intense haine le rendant complètement fou. Soudain, des bruits de pas de course venant par ici se firent entendre de plus en plus forts. C'étaient Cirth et Anario qui, après avoir perdu Sauron de vue et entendu le fracassement du mur, avaient accouru dans cette direction.
— Malheureusement, il semblerait que je ne puisse pas rester davantage. Si tu veux en apprendre plus sur ton père, retrouve-moi à la cité perdue de Done.
Au même moment, Anario, criant le nom de Sauron, arriva sur les lieux. Les deux jeunes hommes se regardèrent dans les yeux un bref instant, mais cela avait été suffisant pour ne pas remarquer que Dagnir était miraculeusement parti. Cirth arriva quelques secondes après. Tous deux s'approchèrent de Sauron et Vorondil, inquiets. Anario releva son frère en l'asseyant incliné contre un mur avec l'aide de Sauron. Cirth tenta de le réveiller en le secouant légèrement et en parlant à très haute voix, tandis qu'Anario observait discrètement les dégâts qu'avait causés Sauron.
— Tu ne dois pas utiliser l'ondo n'importe où. Cela aurait pu être dangereux et tuer des gens, lui chuchota-t-il en haussant légèrement le ton.
— Désolé, je ne savais plus quoi faire. Je voulais protéger Vorondil à tout prix.
Lorsqu'Anario comprit que Sauron avait été déboussolé par cet événement, il n'insista pas davantage, même s'il n'en pensait pas moins. Utiliser l'ondo en pleine ville était très dangereux. Si aujourd'hui, ce n'était qu'un mur en ruine qui avait été détruit, cela aurait pu être celui d'une maison abritant une famille innocente.
Malgré le fait que Cirth agitât Vorondil, celui-ci ne se réveillait pas. Dagnir avait frappé vraiment très fort pour s'assurer qu'il perde connaissance, et si ce dernier était mort sur le coup, cela ne l'aurait pas dérangé. Cirth et Sauron le soulevèrent pour le mettre sur le dos de son frère qui fit un léger bond pour le remonter correctement et avoir une bonne prise pour le transporter jusqu'au château. Ensemble, ils repartirent au château de leur père en empruntant les rues calmes afin que le moins de personnes ne les remarquent.
Histoire écrite par A.L MATHERS ♥ IG @a.l_mathers
Illustrée par Noémie DUMONT ♥ IG @la_noun
Corrigée par Mélany BIGOT
Actuellement disponible sur Amazon en version papier !
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