La solitude
La voilà qui se tient, droite devant moi, à me fixer dans les yeux. Bien au fond des yeux. L'air frais remue les plis de sa sombre robe. Elle n'est pas fraiche, pas comme l'air. Elle est froide, comme un matin d'hiver. Ces matins brumeux où le monde baigne dans l'obscurité, où le givre fige et efface la verdure. Elle me fixe avec cet air grave. Je connais la raison de sa venue; la venue de l'imposante, de l'indomptable Solitude. Elle me tend la main. Je l'agrippe. Elle est froide, comme la pierre en hiver. Elle me tient, fermement. Puis, soudainement, son buste fond sur moi, et elle m'enveloppe dans son voile sombre. La belle Solitude, à la fois douce et vorace, voilà qu'elle me pénètre. Elle est partout en moi : dans mes jambes qui s'entrechoquent, dans le bas de mon ventre, dans ma lourde poitrine et ma gorge nouée. Elle impreigne mon être. Mon petit corps a froid.
Alors, c'est ça que ça fait, quand ça vient ? C'est ça que je ressens ? J'ai mal.
Je savais que ce moment viendrait. J'avais peur. Les craintes ont laissé place à l'instant. La réalité me blesse. Si je pouvais retrouver mes souvenirs, un jour, au détour d'un chemin...
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