Éternité
Éternité : durée sans commencement ni fin.
J'ai atteint l’Éternité dans le manque. J'ai aussi atteint la certitude que rien d'autre n'y conduit. Par le passé, j'ai connu ces moments interminables : des après-midi entières passées à guetter la fin de la journée, les yeux rivés sur le cadrant de l'horloge ; les matinées pluvieuses où le bus était en retard ; les nuits vouées à l'insomnie, dans mon lit d'hôpital, alors que le matin semblait fuir sans relâche,... Tout cela, c'était long. Très long. Pas infini.
Le manque creuse un gouffre bien plus vaste. On ne peut pas véritablement parler de commencement, lorsqu'on l'évoque. Certes, il n'existait pas avant son objet. Il est difficile de définir le début de l'amour, même en cas de coup de foudre, parce que les sentiments s'imposent toujours de façon progressive. Mais le point de départ du manque est bien plus difficile à établir encore. C'est comme si ce vide existait par défaut, avant même que quoi que ce soit ne le comble. C'est même nécessaire. Seulement, le manque n’apparaît à la conscience qu'une fois le vide comblé, qu'une fois le vide revenu. Là, le néant prend forme. Là, le temps se dilate pour lui donner naissance. L’Éternité se crée.
Il y a un stade, bien au-delà de la Douleur. C'est l’Éternité. Le Fatalisme y est pour quelque chose. Quand la Peine a pris trop d'ampleur, elle déforme l'esprit. C'est là que le vide, le néant qui par défaut se tient logé dans notre cœur, commence à s'élargir. Une fois qu'on a accepté que tout ce qui nous blessait, dans ce gouffre, n'était rien d'autre qu'une partie intégrante de nous, alors on parvient à ne plus rien ressentir. Rien du tout. Et à ce bref instant, au bord du déchirement, comme planté au centre de l’œil du cyclone, il nous est donné de goûter l’Éternité, dans tout son exotisme et sa subtilité. Et si tout ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort, alors un jour, peut-être, deviendrons-nous immortels.
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