La lumière douce du matin glissait sur les pavés humides de la vieille ville, illuminant les façades blondes des maisons à colombages. Delphine Marcereau avançait d’un pas léger sous les arcades du vieux quartier, un carnet de croquis à la main, son regard absorbé par la danse insaisissable des ombres sur la pierre.

Depuis son arrivée à Tours, elle avait fait de ces ruelles son atelier à ciel ouvert, s’imprégnant du silence feutré du petit matin avant que la ville ne s’éveille complètement. Aujourd’hui, une nouvelle effervescence habitait son esprit. Elle sentait en elle une urgence invisible, une soif de création qui la poussait à capter chaque nuance du jour naissant.

C’est au détour d’une placette qu’elle le vit pour la première fois.

Adossé à la rambarde d’un petit pont de pierre, un homme esquissait des notes sur un carnet semblable au sien. Ses doigts fins suivaient un rythme lent, comme s’il traçait les contours d’une idée encore floue. Le vent du matin soulevait par instants quelques mèches brunes de ses cheveux, et son visage, baigné par la lumière oblique du soleil, portait l’ombre d’une rêverie.

Delphine s’arrêta à quelques pas, fascinée par cette image. Il y avait dans sa posture quelque chose de familier, une tranquillité qui résonnait avec la sienne. Un artiste, peut-être ? Un écrivain ? Elle hésita un instant, puis se décida à s’approcher.

— Vous cherchez l’inspiration ou l’avez-vous déjà trouvée ? demanda-t-elle avec un sourire, brisant la quiétude du moment.

L’homme releva la tête, surpris, avant qu’un éclat malicieux n’illumine ses yeux sombres.

— Un peu des deux, répondit-il. Mais j’ignorais qu’on pouvait être surpris en flagrant délit d’inspiration.

Delphine rit doucement.

— À Tours, tout se capte dans l’air, même l’inspiration des inconnus.

L’homme referma son carnet, le glissant dans la poche de son manteau avant de tendre la main.

— Adrien Di Zanetto. Et vous ?

— Delphine Marcereau.

Leurs doigts se frôlèrent, et un frisson imperceptible parcourut Delphine. Il y avait dans cette rencontre une évidence, une simplicité troublante qui laissa un instant suspendu entre eux.

— Vous êtes peintre ? demanda Adrien en désignant son carnet.

— Disons que j’essaie de l’être.

— Alors nous avons déjà quelque chose en commun. J’essaie d’être écrivain.

Elle le fixa, curieuse. Un écrivain. Elle se demanda quel genre de mots naissaient sous sa plume, quelles histoires il construisait dans le secret des pages.

— Et qu’écrivez-vous ?

— Pour l’instant, une scène qui vient de prendre vie.

Il la regarda avec un sourire énigmatique, et Delphine comprit qu’il parlait d’eux.

Le bruit lointain des cloches de la cathédrale brisa l’instant, marquant le passage du temps. La ville s’éveillait autour d’eux, mais pour Delphine, tout semblait suspendu. Elle savait déjà qu’elle voulait en savoir plus.

Et peut-être que, sans le savoir encore, elle venait de trouver la première lueur de ce qui serait sa plus belle œuvre.