Mon Homme
Ce matin, comme tous les matins, mon homme m'accrocha un fil noir dans les cheveux, rien que ça, ce tout petit geste, me donnait la force. Ensuite, il me prit gentiment et m'assit délicatement sur le bureau, à côté d'une photo de nous deux. Je me souviens très bien de ce moment-là, c'était un jour où il ne faisait pas très beau, et sa meilleure amie était confinée chez elle, à cause d'un rhume. Il était sorti avec moi, il tenait ma main. Nous nous promenions à la plage, cette même plage où nous nous étions rencontrés deux mois plus tôt, il m'avait dit que j'étais son plus beau cadeau, je l'avais comblé. Nous nous assîmes sur un banc, il me prit dans ses bras, et me serra très fort. Un photographe professionnel passait par là, et il trouva ce spécimen particulièrement beau. Ma moitié accepta avec plaisir et me mit en évidence. L'inconnu nous vendit sa photo, et, à mon goût, beaucoup trop cher. Mais elle était si jolie, mon homme se trouvait si beau, et moi si belle.
Quelque chose vibra, un appel de sa meilleure amie. Mon copain décrocha. C'était cette fille, sa meilleure amie. C'était cette fille, la petite blondinette absolument magnifique qu'il connaissait depuis la maternelle. C'était cette fille, que je détestais. Non pas parce que je savais qu'elle était amoureuse de mon mec, mais par son caractère, sa façon de s'habiller, de me dévisager quand j'étais seule avec elle, sa façon de me rejeter. Mais je n'avais jamais su sa raison à elle. Je suppose qu'elle était juste jalouse. Cette fois, elle voulait l'inviter au cinéma pour voir le tout dernier film d'horreur, une technique d'approche assez banale. Il me dévisagea, puis tourna la tête vers l'heure, et pris celle-ci comme excuse, il était trop tard, et il avait des courses à faire. Alors il me prit la main et m'entraîna dans la voiture, sans me demander mon avis, et de toute façon il savait que j'étais d'accord. Je me posai sur le siège passager, et il démarra.
J'adorais prendre la voiture avec lui, il conduisait si bien, si gentiment, si doucement. Il respectait tout, les panneaux, les limites, les priorités. Il connaissait toutes les routes, leur départ, leurs destinations, les petits passages secrets, où parfois il s'arrêtait et commençait à me tripoter. Je l'entends encore dire ''Elle est très chère à mes yeux, je ne peux pas vivre sans.'' J'étais vraiment comblée. Il connaissait tous les meilleurs endroits de la ville où des fois il allait avec ses amis, mais peu importe avec qui il y allait, j'étais toujours là, même quand j’insistais pour rester, et cela me rendait heureuse.
Il me demanda ce que nous devions acheter pour remplir le frigo, pas grand-chose en fait, mais il voulait éviter sa meilleure amie, et je n'avais pas osé demander la raison pour laquelle il faisait ça. Nous nous promenions dans les rayons du Supermarché, à la recherche de quelque chose que nous adorions manger. Nous avions les mêmes goûts, pour tout, la nourriture, la musique, les couleurs... Il me complétait vraiment, c'était vraiment ma moitié. En quelque sorte, il était le coulis au chocolat posé sur la poire qui la rend si exquise, même si je ne suis pas vraiment une poire. Il me traitait vraiment comme sa reine, sa seule et unique, son plus beau trésor.
En sortant du magasin, deux filles nous regardaient. Enfin, elles zieutaient plutôt mon mec que moi. Cela a toujours été comme ça. Mon homme, c'était le plus beau, le top du top, l'incroyable modèle. Mais moi, je n’étais qu'un accessoire de sa vie quotidienne, je n'étais pas belle, pas gentille, je ne servais à rien. Mais mon copain réagissait vite à ce genre de choses, il me serra contre lui, me murmura des mots doux, il ne me lâcha pas la main, mais l'empoigna encore plus fort. Il ne regardait pas ces filles qui, pourtant, lui faisaient des grands gestes. Elles ne cherchaient qu'une seule chose, et elles ne l'avaient pas trouvée. Alors que mon tendre ouvrait la voiture, je jetai un coup d’œil vers les deux nanas au fond là-bas. Leur visage se rida de désespoir, de tristesse, de honte, la honte d'avoir perdu une si belle occasion. J'avais juste envie de leur crier qu'il y en aura d'autres, mon homme n'était pas le seul aussi parfait, ça, je le savais bien. Mais pour l'instant, je devais en profiter.
Je m'endormis dans la voiture. Normal, il conduisait si bien. Le vrombissement du moteur me berçait, et mon amour ne pouvait s'empêcher de me regarder toutes les cinq secondes, que je dorme ou non. Je me réveillai deux minutes plus tard. En ayant marre de la radio, il l'éteignit, puis il me demanda de chanter. Quelle drôle d'idée ! Pour se justifier, il me dit que les chanteurs à la radio ne méritaient pas d'être écoutés, et que ma voix était bien plus belle. Cela me rendit tellement heureuse, que je me mis à chanter de ma plus belle voix ses chansons préférées. Toutes. Puis, commençant à avoir mal à la gorge, il me permit de me rendormir.
Ce que j'aimais être avec lui. Je préférais largement être avec lui qu'avec mes propres parents, quand même ! Bien que mon père ne me voyait pas beaucoup, et que ma mère était partie il y a bien longtemps, je les aime quand même. Mais mon homme, je l'aime, je l'adore, je le complète, il me complète. Il m'avait totalement comblée.
Mais tout changea très vite.
Le mois d'après, il n'avait d'yeux que pour cette inconnue, présentée par un de ses amis. C'était une top model, la canon des canons. Plus élégante, plus grande, plus belle, plus intelligente, plus gentille, plus tout. Elle avait aussi moins de boutons que moi, mais ça, je n'y pouvais rien. Il me laissait seule des fois, dans son petit appartement de vingt-cinq mètres carrés. Seule, dans un lit double, sous une couette froide. Le fil qu'il avait l'habitude de m'accrocher, il n'était plus là. Il ne me tripotait plus comme avant. Et cela avait duré une, deux semaines. Un jour, il rentra avec elle, pour me l'annoncer. Bien sûr, cela me mit hors de moi, mais lui, il la voulait, elle. Alors, il passa aux choses sérieuses. Il me jeta littéralement à la poubelle et la tripota, elle, pas moi.
Son nom n'était pas très différent du mien, elle s'appelait ''I Phone 5s''.
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