Futur Passé

10 minutes de lecture

Celle-ci est un peu plus longue. De base, elle est prévue en plusieurs partie, mais c'est plus simple de les réunir pour ce recueil.

Découverte

C'était il y a une semaine, soit le 21 janvier de l'année 3045. Je me souviens, ma mère m'avait emmenée dans un musée d’Antiquités. C'était une visite libre. Nous nous promenions dans ces galeries incroyablement spacieuses. Nous observions d'étranges êtres vivants, des girafes, des éléphants, des chats, des chiens. Ont-ils vraiment existé ? Je crois qu'ils appelaient ça des « animaux ». Oui, c'est ça, des animaux.

Il y avait deux catégories, sauvages et domestiques. Les domestiques, ils vivaient parmi nous autrefois, dans nos maisons. Aujourd'hui, vu la taille de notre espace vital, ils auraient du mal, surtout étant donné qu'ils ne sont plus là. Les sauvages, eux, vivaient dans la nature, enfin, autrefois, il y a longtemps. La nature, avec ces « plantes », ces trucs verts qui poussaient naturellement. Aujourd'hui, on essaie de les replanter, en vain, cela ne pousse pas, même pas un petit « brin d'herbe ». J'ai d'ailleurs eu la chance d'en admirer un dans ce fabuleux musée.

Nous avions également observé un tableau représentant une forêt. C'était si magique ! Les feuilles étaient rouges, jaunes, oranges, vertes, ou absentes. Les arbres s'élevaient au-dessus de tout derrière eux, soit le lac, les maisons, les hommes. Si on regardait bien – ce que je ne me suis pas privé de faire – on pouvait apercevoir un écureuil sur une branche. De tous les animaux qui ont existé auparavant, celui-ci est mon préféré. Il est également le premier que j'avais vu en entrant dans la galerie des « animaux empaillés ».

Pendant cette visite, ma mère se souvient surtout de la galerie « électronique ». Nous avions entre autres contemplé un ancien « téléphone ». Aujourd'hui, on n'a plus besoin de ce genre de choses ! On nous plante une puce électronique dans le bras, et on est joignables n'importe où, c'est bien plus pratique ! Mais nos ancêtres, eux, utilisaient des « téléphones portables ». Celui qui m'avait énormément impressionnée, c'était celui nommé « I phone ». Je le trouvais très joli. Etais-je la seule ?

Durant cette journée, une galerie en particulier m'avait frappée. C'était la galerie « archives ». Dans celle-ci, des lettres, des carnets de voyages, des documents et quelques morceaux de journaux s'empilaient derrière une gigantesque vitrine. Cette collection contenait, par exemple, un document, qui était glissé dans une bouteille. En dessous de celui-ci, sur une plaquette, il était écrit son résumé. Cela racontait l'histoire d'Ebola. Je me demande ce que c'est, mais ma mère a refusé de me laisser le lire, ni même me l'expliquer.

Mais, ce n'était pas le plus important. Un seul, entre tous, m'avait fascinée. C'était un peu comme s'il m'appelait, comme si, je devais le lire, j'en étais contrainte. Et c'est ce que je fis. Je m'approchai d'une enveloppe marquée d'une étoile à sept branches. Que ce symbole pouvait-il signifier ? J'ouvris l'enveloppe délicatement, pour ne pas l'abîmer. L'opération dura un moment, mais au moins, elle était en bon état. Lorsque j'eus la feuille entre les mains, je me sentis tout de suite captivée par ce texte écrit avec une main habile, dont les mots avaient été longuement réfléchis et soignés.




Première lecture

« Journal de bord, Sylice, 2192

Quel jour sommes-nous ? Quelle heure est-il ? Je ne sais plus. J'arrive à peine à retenir mon nom, ou bien l'année. Celle-ci me semblait importante, alors je l'ai gravé sur le mur de pierre qui m'entoure, au cas-où ce petit bout de papier est retrouvé, bien plus tard, on ne sait jamais. Armé de mon couteau, quelques carottes et une veste de militaire, je lutte pour ma propre survie. Je suis seul, au fond d'une grotte, loin de tout. Je n'ai pas abandonné les miens, j'ai sauvé ma peau. De toute façon, en ce moment, c'est pareil pour tout le monde.

C'est la Troisième Guerre Mondiale.

Tout ça parce que la Lituanie se trouvait trop petite. Alors la Lettonie et l'Estonie se sont ramenés. Des pays se sont défendus, et on demandé de l'aide aux alliés, puis aux alliés des alliés, et enfin au monde entier. C'est ainsi qu'elle débuta. N'importe quel homme trouvé est amené de force sur un terrain de bataille quelconque. Tu ne sais pas avec ni contre qui tu te bats. C'est ce qui est arrivé à mon frère. Sur le front, il y a des gamins qui se battent, entre douze et seize ans. Le reste est principalement composé d'adultes, encore heureux !

Tous les jours, les scientifiques se cassent le cul pour trouver de nouvelles armes, ou des nouvelles techniques d'utilisation pour les anciennes. Dernièrement, ils ont trouvé une façon répugnante de bombarder l'ennemi. Si je me souviens bien, ils prennent un oiseau, un pigeon voyageur ou bien une pie, sa race leur importent peu. Ils lui font manger une sorte de pâte jaunâtre, très appétissante, et l'emmènent sur le champ de bataille. Une fois tous les oiseaux envolés, les ennemis leur tirent dessus, réflexe logique. Donc, les volatiles tombent, et, une fois au sol, BOUM. Et voilà trois mètres carrés de soldats morts à cause d'un stupide rapace.

Bientôt, ils ne trouveront plus d'oiseaux, à force de les exterminer ainsi. D'ailleurs, ils ne trouveront plus aucun animal ! Des nouveaux tanks ont été construits, et ils détruisent tout, pour le « confort des soldats sur le terrain en temps de guerre ». Les animaux sont anéantis, les forêts sont rasées, les rochers sont éclatés, les eaux sont pompées et stockées dans des usines. La race humaine ne devrait pas survivre de cette guerre sanglante, question de principe. J'espère que l'homme futur aura des idées plus lumineuses que celles-ci ! »


Je m'attendais à une suite, mais je n'en vis aucune. Cette lettre ne peut pas se conclure ainsi, ni maintenant ! Et bien en effet, elle ne peut pas. Sylice ne s'était pas arrêté là. Je pense que le conservateur – ou bien un métier qui ressemble – du musée m'a aperçue, déterminée à savoir la suite. Il m'a pointé du doigt ce petit bout noir, en hauteur dans la vitrine. Je me mis sur la pointe des pieds, espérant l'atteindre. C'est alors que, de sa grande main fripée mais pleine d'assurance, il m'offrit ceci, avec un immense sourire sur le visage.

Ce bout de feuille semblait différent. Il s'effritait dans mes doigts, plus foncé, plus petit. J'avais du mal à distinguer les écrits de cette personne, dont je ne connais toujours pas le sexe, mais, après réflexion, je crois que c'est un homme.

Je ne pouvais être plus heureuse. Avec l'envie mortelle de savoir la suite, je commençai à dévorer des yeux ce papier à la texture étrange.




Récit Historique

« Journal de bord, Sylice, 2193

Ça doit faire environ une année entière que je me cache dans ce trou à rats. J'ai gravé le nombre de jours, avec mon couteau, sur les quatre cailloux qui m'entourent. Je ne sais pas si j'arrive encore à compter, mais je crois qu'il y a quelques sept cent traits. Si quelqu'un trouve ce papier avant ma caverne, je vais décrire son endroit, on ne sait jamais.

Elle se situe à quelques kilomètres vers l'Est d'un laboratoire qui cherche un remède aux zombis, qui n'existent toujours pas. A peut-être trente kilomètres au Sud, il y a un petit lac, mais je ne sais pas son nom. Je sais juste qu'entre l'eau et mon antre, il y a des arbres, de grands arbres, immenses, on dirait presque qu'ils touchent le ciel.

Cette description ne doit pas beaucoup servir, vu qu'ils sont en train de tout raser. Quand je dis ils, je parle bien entendu des hommes. Cette race d'être vivant a-t-elle faite une seule chose de bien pour notre planète ? Non. Elle a réduit les océans, organisé le réchauffement planétaire, percé la couche d'ozone qui nous permet de vivre, abattu plantes et animaux, qui n'ont rien demandé. Si les dieux nous avaient réellement crées, cela ferait un moment qu'ils nous auraient exclus de la stratosphère !


Journal de bord, Sylice, 2193

Trois semaines sont passées, je vis actuellement dans un désert. Plus aucun arbre, plus aucun étang, plus aucune trace de vie. Serais-je le seul survivant ? Quel triste paysage. J'aurais préféré mourir bravement à la guerre, plutôt que d'être obligé de voir cette réalité chaque matin. Je pense que la guerre devrait bientôt se terminer, il n'y a plus beaucoup d'hommes capables de se battre. Et de toute façon, on devrait se consacrer à faire renaître notre magnifique Terre, qui, pendant des années, s'est acharnée pour faire apparaître la vie.

Selon un espion engagé, il y a une réunion aujourd'hui. En ville, ils disent que nous sommes le 13 août, vrai ou faux, ça pourra toujours aider. Malheureusement, cet espion est mort il y a quelques minutes, je tiens tout de même à le remercier pour les informations précieuses qu'ils m'a délivrées.

La réunion vient de se terminer, la paix a été signée, la guerre est finie ! C'était la plus courte de l'Histoire, mais également la plus ravageuse. Le trou dans la couche d'ozone s'est agrandit, plus personne n'ose mettre un pied dehors. Mis à part les ouvriers qui essaient en vain de faire pousser des arbres juste à côté de ma caverne depuis plusieurs jours. Néanmoins, cela ne fonctionne toujours pas. Il fait trop chaud, il n'y a plus d'eau, plus aucun nuage. On voit constamment un magnifique ciel bleu, qui ne convient pas du tout à la période que nous sommes en train de vivre.

Cette Troisième Guerre Mondiale a tué notre Mère à tous.




Assimilation

Journal de bord, Sylice, 2230

J'ai actuellement 60 ans et je viens de retrouver ce journal, chez moi, au fond d'un tiroir. A l'époque où j'ai noté les premiers jours, je devais avoir dans les 35 ans. Comme j'étais jeune ! Je vivais la pire époque de ma vie, la plus terrifiante, et la plus seule. Maintenant, j'habite dans une boîte.

La ville de Paris. Capitale de la France. C'est répugnant. Nous n'avons plus aucun animal, plus de viande. Nous n'avons plus aucun arbre, plus d'oxygène. Nous n'avons plus d'océans, plus d'eau. Il y a des laboratoires de partout, ils nous font à manger chaque jour, on ne sait pas vraiment ce qu'ils mettent dedans, mais cela nous nourrit. Ils parviennent à nous créer de l'eau, et personne ne sait comment. L'oxygène, par contre, il n'existe plus. Dans nos boîtes – ce sont vraiment des boîtes, pour ne pas utiliser trop de place sur l'extérieur – ils nous injectent un gaz qui vous retourne l'estomac. Sa puanteur est abominable, mais cela nous maintient en vie. Tout le monde reste cloîtré chez soi, l'extérieur est pire qu'abominable. On a chaud, il n'y a aucune odeur de fleurs ou autres, aucun petit œil curieux. Le paysage est détruit.

Les anciens, qui connaissent la véritable histoire de l'homme, n'osent la raconter, car eux-mêmes n'osent y croire, comment l'être humain que nous convoitons tous peut-il être si cruel ? Moi, je vais offrir ce calepin à un musée, n'importe lequel, et lui montrer ma grotte. Je veux que l'Humanité future sache à quel point l'être humain est effroyable. A cause de lui, les enfants ne pourront plus jamais courir dans l'herbe avec un sentiment de liberté. Ils ne pourront plus jamais découvrir le bonheur de caresser le poil tendre d'un animal. Ils ne sauront jamais la vérité.

Les autorités locales ont un projet qui sera prévu pour 2240. Je ne sais pas ce que c'est, mais je crois qu'ils veulent cacher ce paysage désolant. J'aimerais être projeté dans le futur, juste pour voir quelle est, encore, cette idée détestable.

Cher journal, c'est ainsi que se termine la trace de Sylice. J'espère que les générations futures auront l'effroi de connaître les faits réels de la vie de l'Homme.

Sylice, 31 septembre 2230 »


Je remarquai une larme qui s'échappa de mon œil. Cela affola ma mère, qui me pris dans ses bras et me susurra des mots doux, pour me calmer. Me calmer ? Comment aurais-je pu après ce que je venais de lire ? Sylice a raison, il faut que les générations futures le sachent, il faut leur dire.

L'idée dont parlait Sylice à la fin de son journal de bord, je sais ce que c'est. Quand ma mère me libéra enfin, je me dirigeai vers l'une des fenêtres du musée. Je ne vis aucun arbre, aucun animal, ni même un petit coin de ciel. Le gouvernement a fait construire des sortes de tunnels, de partout, je ne sais pas si c'est comme ça également ailleurs. Nous ne voyons plus le soleil, la neige, la pluie, plus rien de tout ceci n'existe.

Quand ma mère m'amène à l'école tous les matins, dans la voiture, quand je regarde par le double vitrage de la portière arrière, je ne vois que du noir, de partout. Les murs des tunnels sont noirs, tristes, sales. La seule fois où j'ai vu l'extérieur, c'était lors d'un anniversaire d'une amie.

Je me souviens. Nous avions roulé, sans suivre la carte et au final, nous nous étions perdus. Nous étions sortis du tunnel, et nous avions vu le ciel ! Il avait fait chaud, mais nous nous amusions tant ! Mes parents m'avaient fait croire que c'était un cinéma en quatre dimensions. Mais, maintenant j'en suis sûre, c'était la réalité.

Ce paysage triste. Je te comprends, Sylice.


Ce matin, ma mère me demanda ce que je voulais faire plus tard, et je pensai à ce musée d'Antiquités que j'avais visité la semaine dernière, et à l'inconnu qui me révéla tout. Je sais ce que je vais faire.

« Maman, plus tard, je veux devenir professeur d'histoire. » avais-je répondu.

Je ne sais pas si mon choix lui plut, mais je crus apercevoir un sourire au coin de ses lèvres.

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