Mais ici...

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Mais ici, il faut entrer dans le réel, tâcher de lui donner quelque consistance. Aujourd’hui, 24 Mars 2020, j’écris depuis ce lieu familier, mon bureau qui, le plus souvent, se donne pour ce lieu fictionnel du Causse qui traverse la plupart de mes récits. Mais peu importe la fiction, peut-être ne sommes-nous que des êtres de papier et d’encre, quelques mots disséminés au hasard des pages ! Le silence est grand car le confinement impose de rester chez soi. Etrange impression que cette image d’un monde désincarné qui ne semble plus avoir d’orient. C’est un peu comme si la Terre ne connaissait plus son Soleil, si elle fonçait dans la galaxie sans repère, sans autre raison que de se perdre en direction d’un illisible destin.

Alors, est-ce que j’écris pour témoigner ? Mais de qui ? De Moi, des Autres, du Monde ? Tout à la fois ? Sur les étagères de ma bibliothèque, parmi l’amoncellement des livres, les 13 tomes de « La chair du milieu » qui regroupent la totalité de mes écrits à ce jour : quelques 10 000 pages que nul ne lira jamais, hormis quelques amis, quelques lecteurs rencontrés ici et là, sur mon Blog, sur Facebook. Autrement dit du confidentiel et, peut-être, est-ce mieux ainsi. De toute façon je n’aimerais pas une large diffusion au travers de laquelle j’aurais l’impression que mon écriture se diluerait, se disséminerait dans un espace dont je ne connaîtrais ni les tenants, ni les aboutissants, seulement une bizarre vibration au large de ma conscience, une insolite rumeur de fond.

Combien il est heureux d’avoir quelques lecteurs fidèles, en réalité des amis avec lesquels échanger par le biais de nouvelles, d’articles divers qui, sans doute, ne sont que le reflet de mes propres préoccupations. Partager quelques affinités avec quelques Autres qui éprouvent de la même manière est déjà pur bonheur. Combien il est agréable d’écrire et d’y trouver du sens, en pensant à tel Ami ou tel autre à qui on destine en secret sa création, pensant trouver en eux, les lecteurs, une caisse de résonance, un lieu de réception positif, peut-être un identique état d’âme, parfois même une pensée rebelle, une émotion esthétique, une irisation érotique. Parfois, au contraire une critique, un désaccord, une remise en question. Alors, c’est ceci qui perce symboliquement, cet antagonisme masculin/féminin, cette ligne de partage qui ne parvient à trouver le lieu de son unité, seulement cette césure qui est comme une cicatrice zébrant la peau de l’humaine condition.

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