Chapitre V — Conclusion
La foule parisienne commençoit a deprecier le Roy Pentagruel ; plus encore, son ministre Panurge lui donnoit de l'uticaire tant et si bien qu'on la voyoit se grattans le cul nuyt et jour telle une armee de chimpanzes. Cela devoit cesser : desja les escoliers se sacrifioient par pacquets de douze devant les presfectures, ce qui donnoit des heures suppes au personnel de mesnage.
On fist des maniffes et moult revoltes pacificques afin de supplier le doux Panurge d'abandonner son poste ; mais Eusthenes estoyant le ministre du Guet, icelui descidoit la repression. Pour ce faire, Panurge le conseillans, il preparoit une mixture a base d'huyle de roche, de vitriol, d'esprit de sel et de pisse d'elephant, qu'il enfermoit dans les boulets creux dont il canonnoit les manifestans. Tant et si bien que Paris puoit tant bientost de carogne et de fluides divers que l'on desveloppa de nouvelles maladies qui se respandirent dans toute la France.
L'une d'elles rendait vert et obese, en tout poinct semblable au pois chiche ; une austre faisoit peter tant et si bien qu'il vous envoyoit dans le monde sublunaire ; certaines destraquaient vos humeurs au point que votre bile se teintoit de grumeaux qui menoient une existence prospre, d'autres vous faisoient dire qu'il falloit rembourser la dette publicque. Enfin, l'une d'elles, touchant les cerveaus les plus derangez, leur fist songer a un systeme plus juste, ou le roi despouillez de tous ses privileges se voyoit simple administrateur de la volontez commune, laquelle s'exprimeroit par le suffrage des nobles ou pire encore des gueux.
(C'estoit d'ailleurs en cette periode qu'un enfans de Sarlat fust gravemens atteint, et ne s'en remist jamais complestement. Il escrivit un petit livre sans grand interet sur les tyrans, du moins d'un interet bien moindre que les formidables aventures du gros geans Gargantua.)
Au bout d'un moment, elle contaminoit tant de monde que Pentagruel se demandoit s'il estoit bon de regner sur ce pays plus longtemps, tant il avoit d'habitans irascibles, et surtout de fromages, ce qui le rendoit tout bonnement ingouvernable. Enfin nostre geans, recevant une lettre de son pere lui disans qu'il estoit combattans les Dipsodes, conçut le dessein d'exercer ses pouvoirs de monarche dans un pays plus monarché. Il annonça ainsi sa desmission aux Françoys, qui pour le remercier le convierent a un dernier grand festin ou tous danserent la farandole et oublierent leurs vieilles querelles, escoliers, enseignans, ministres, conseillers, moines, curez, et austres saltimbanques, et s'empiffrerent de poules au pot, de ragout de mouton, de bouillabaisse, de ratatouille, de pieces montees, de montagnes de champagne, et de vins de toutes sortes ainsi que d'une ou deus petites verrines pour les quelques adolescens vesganes.
Panurge cependant ne fust poinct conviez aux festivitez. Les parisiens en effet estoient agacez de s'estre faits plumer, humilier, obligez de parler dans le vide, et enquiquiner l'avenir de leurs enfans. C'est pourquoy l'on vinst le chercher alors qu'il estoit ivre, l'on le ligota à une meule avec de lourdes chaines, tout en s'arrangeant pour mettre son croupion bien en apparence. Et l'on vinst ainsi le fesser, avec cravache, baston, fouet, martinet, enfans comme vieillards, jusqu'a ce que ses fesses albatres se fassent de cramoisi, le chatimens le plus inventif revenans a la petite-fille de Charlotte d'Albret, un fouet a laniesres fait d'un baston et d'anguilles electricques, au poinct qu'on la nomma "la Charlotte aux Fesses".
Et toutes les bonnes choses ayant une fin sauf le saucisson du lesgendaire guerrier Bellecaroste qui en avoist deus, il nous faut terminer par un sonnet nostre histoyre :
A vous puyssans seigneurs, orgueilleuses maistresses
Jalousans les secrets pour garder panse espaisse
Soyez nobles et bons, et tel un grand seisme,
Au programme mettez le Pantagruelisme.
A l'image du gros, grand, gras et fort geant,
Enseignez dans la joie, ripaillez grandement
Et pour ne poinct finir fessez comme Panurge
Tous ces enseignemens, n'en faites poinct des purges.
Donnez donc votre oseille aux estudians, aux prophes
Offrez-leur les moyens d'être des philosophes :
De besles formations, et plus d'humanitez.
Et dans l'Esducation, que vous soyez d'Angiers,
De Paris ou de Lyon, de Charentes ou de Sevres,
Mesfiez-vous toujours de tout parent d'eleve.
FIN
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