Champs d'amour (les nuits de l'insomniaque)

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La longue chevelure rousse qui noie ton visage dans une ombre furtive, jette sur l'herbe alentour un reflet flou - invitation lascive aux tremblements futurs... l'œil caché se devine dans le mouvement brisé de la mèche sanguine... L'autre œil ; iris bleuté - troublé, flottant - qui semble me demander quoi faire, se jette sur moi - fascinant, langoureux, insistant... Je sens venir le temps du renoncement... La chair luit sous le ciel bas, le corps frappé de lourde pluie, corps brillant, satiné ; vision de stupre décadent... Tes pieds blancs, piqués de grains vaporeux, forment une ponctuation charnelle qui invite à relire tes jambes ; jambes lisses, veloutées de peau diaphane que mes yeux caressent avidement... Je livre à mon âme la folle déraison des sens... Ta bouche entrouverte semble pousser un dernier soupir - attente fébrile du corps en apnée... Tes seins frissonnent sous la brise, légère, foisonnante des odeurs nacrées, portées par l'envie lascive... Je veux ton ventre - chrysalide soumise ; fleuve endormi attendant la tempête - je veux ton ventre jusqu'au terme du voyage, finissant sur l'entrée interdite... La pluie arrête sa course violente ; laissant en suspend les nuages noirs de mystères... La buée épaisse et acre qui sort de ma bouche, vient glisser le long de ta nuque - frêle enfer que je frôle de mes lèvres... La boue s'est formée entre nos peaux huileuses ; son contact froid et visqueux réveille mes membres érectiles... Le ciel - soudain percé d'une lumière évanescente - est témoin de nos ébats mortifères...

Le nez vissé dans ta crinière rouge ; d'une main tremblante, je parcours l'espace de chair du bas ventre à ton cou... Un trouble vicieux - sudation dorsale - me tend et me ronge... Ce sang qui bat dans mes tempes ; le râle obscur que j'entends dans mes veines ; vertiges nauséeux qui dirige ma main vers la voie de la vie... Chair rosée, peaux ciselées pour mes doigts ruisselants... Mon corps se noie dans la tension du moment ; perclus de soubresauts ; pesant sur l'eau fangeuse et boueuse... J'aime, soudain ce marais qui nous entoure ; formé par l'eau ruisselante des pluies abondantes... Ma bouche se tord pour capter ton visage ; ouvre tes lèvres que je sente ta langue froide... Tes joues sont pâles mon amour ; comme vidées de leur sang... Mes baisers sont le venins qui glissent sur l'ombre de tes pommettes blanchies... Mes doigts venimeux entrent en toi ; voyageurs troglodytes... Je ressens le besoin ; l'envie de fusion... Je décolle ma peau striée des rigoles de boue formées par la pluie, et m'étends sur ton ventre rigide... L'animal furieux qui me lacère le cerveau bondit devant mes yeux rougis... J'abandonne le monde ancien, pour furieusement tendre mon sexe vers le néant...

Mes mains témoignent de la violence qui électrise chaque gémissement que je laisse échapper... Ton visage se tourne et se retourne, balbutiant le vide en direction de la terre humide... Chaque entrée dans ton corps abandonné libère les lumières vacillantes qui croupissaient au fond de mon âme malade... Me monte à la tête des chocs austères... Du sang en rafale ; tels une armée de chevaux grotesques qui me piétinerait de l'intérieur... Des chevaux fous ; labourant mes veines de milles sabots aiguisés... Ta vie n'existe plus ; ton corps est une enveloppe dans laquelle il faut remplacer l'air par la semence acre et fétide... Tes cheveux, sous l'effet des coups nerveux de ma chair possédée, se lamentent ; se couvrant des glaires échappés de ta gorge... Je sens venir la fin du voyage épileptique... Ton ventre ouvert est un autel terrifiant sur lequel je dépose tous mes chiens ; toutes mes vipères écarlates... Je transpire du sang, des farceurs globuleux me fracassent les reins - provoquant des pulsions écœurantes que je ne maîtrise pas... La pluie acide redouble d'ardeur ; frappant ta poitrine comme autant de pics acérés qui chercheraient à te transpercer - pluie qui foudroie mes épaules... Des spasmes organiques - essaim morbide de frelons ravageurs - montent jusqu'à ma tête et viennent se perdre dans l'infinité de mon être... Je jette un œil à ton visage livide et me vide entièrement entre tes jambes ouvertes...

Je reste ainsi... Longtemps allongé sur la douleur qui transperce le crépuscule naissant ; crachant les derniers lombrics qui lustrent nos esprits vides... Je redresse ma carcasse démontée qui ruisselle du liquide boueux... Je scrute tes yeux... N'y vois que le feu éteint du sommeil catatonique ; l'absurde délivrance... Mon pouls ne ralentit pas ; tremblements païens qui forment des crevasses de chair... Le silence est pesant ; l'abandon temporel plante ses griffes angoissantes sur le monde qui se dresse autour... Mon chibre pendu n'est plus qu'un vers putréfié ; vomissant ses derniers excréments sur tes cuisses bleuies... Je suis tout l'univers ; j'absorbe le temps et délivre lentement les souillures qui rongent les dieux comateux - l'absolu chronophage... Les ombres ont entièrement disparues ; faisant place au noir contagieux qui digère nos corps refroidis... Je rejette ma tête en arrière, laissant le vent de nuit arracher la sueur puante qui glisse sur mon cou... Mon ventre, brûlé de l'intérieur - chaos de mélasses volcaniques - se détache dans la résonance du soir... Le fiel voluptueux me caresse le dos ; sensation libératrice... Je suis vide et moite ; mon jouet détraqué reposant sur le sol humide...

Les pieds vissés dans la glaise ; je glisse encore un peu mes doigts dans les pores béants de ta peau ; léchant le sel sur tes bras charnus... Les plaies cautérisées sont lavées, sucées, vitrifiées, blanchies par le foutre inconscient... J'essuie des larmes de sang ; coule une perle écarlate - un jet de lune rougie... Je m'allonge alors un peu plus près de ton corps ; bruit de sussions ; la boue éclate en paquets froids - je laisse tomber mes mains sur tes seins ; je te serre, je te serre ; bruit de tempe, le sang tape : lourd, efficace ; fièvre lancinante ; le sang se bat... Je peux sentir le souffle, le vent venu des ténèbres ; le vent brûlant qui s'étouffe ; le vent violent de l’Armageddon... La sombre rumeur nécrophage déverse sa bile sur nos membres gémissant... Le cri que je pousse est celui des immortels ; des anges pervers, fardés de pluies charbonneuses... Mes muscles se bandent sous le joug de l'ivresse ; mon âme entière s'étire dans une danse scabreuse qui n'en finit pas... La sueur épaisse qui me colle à ton flanc, scintille comme mille diamants ténébreux ; unissant tes hanches à ma chair adipeuse... Le soleil immonde à jouit ses rayons lépreux entre tes lèvres agonisantes... Je suis l'amour ancillaire ; le chien ardent qui ronge les ventres osseux ; le vers qui pénètre l'au-delà du plaisir ; la bête incendiaire de Lautréamont - l'entrave absolue... Ma main s'enfonce dans l'aréole éclaté, pour prendre appui et dégager mon corps repu du terrain de jeux maudit... Je reste un temps accroupi, et caresse une fois encore, ta face empourprée ; griffé ; lacéré... Je passe un doigt sur ton cou; traçant une ligne de sang sur le sillon profond laissé par le fil de nylon...

La nuit totale éclipse le monde des vivants... De l'autre côté de la route inondée, le temps n'existe plus; les corps n'existent plus... Tel un sac pourrissant ; gisant dans des flaques d'eau fangeuse, tu t'enfonces lentement dans les entrailles de la terre... Tu ne seras plus que le cadavre trouvé au hasard d'une promenade ; rogné par les vers... Lambeaux nauséabonds mêlés au cheveux arrachés ; os blanchis par des becs de corbeaux... Tu étais l'amour vital ; insouciante rousseur angélique ; l'anneau protecteur a été déchiré ; transpercé... Une mère - quelque part - mêle ses larmes à mon foutre ; alchimie poisseuse qui nous unit à jamais ; par-delà les frontières de nos vies... Une mère que je vois de mon antre sublime ; les cheveux rouges, luisant d'une lumière plus sombre, que je touche mentalement... Un ventre en attente qui te ressemble mon amour ! Que je lècherai, et qui aura le goût de ta peau ; que je percerai d'une nouvelle jouissance... J'enfouirai ma langue au creux de sa nuque pour m'approcher un peu plus de ses souvenirs ; de sa longue souffrance... Je creuserai sa tête inerte pour y découvrir tout l'amour qu'elle avait pour toi ; je mangerai sa bouche... J'étalerai la terre autour de nous pour mieux la couvrir de mes assauts... Ainsi nos corps unis t’apparaîtront dans un prisme érotique ; violé par les chiens schizophrènes... J'irais alors voir ta sœur pour enfin livrer au ciel un bouillon de chairs violacées...

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