Chapitre 16

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Kita glissa ses gants de fer dans un sac ainsi que quelques vivres dans un pour quatre cycles. Passé ce délai, ils se nourriraient de la nature. Vêtue de cuir fin et souple prêtée par Cerralion, elle enroula une veste. Elle soupira alors que les griffes de son animal fourrageaient ses cheveux. Son sac sur une épaule, elle rejoignit ses compagnons et ses Dames dans la cour. Valia la salua, quelques hommes lui sourirent.

—Restez sur le chemin. Ne bifurquez pas. Des dangers invisibles vous guettent.

Elle s’entretint quelques instants avec Arment et Aroa, son visage n’exprimait aucune chaleur. Nous sommes l’avenir de cette ville. Elle a peur pour nous. C’est pour cette raison qu’elle a envoyé une si grande compagnie. Si nous mourrons, personne ne lui ramènera ni les pierres ni les morceaux de dragons. Valia ne fait qu’augmenter ces chances. Les deux frères s’inclinèrent et les deux Dames leur firent face une dernière fois. La plus jeune, belle et froide, solennelle. Lady Celyse, toute d’or vêtue, régnait dans ce château tel le soleil dans le ciel. Malgré les ridules pliant sa peau aux commissures de ses lèvres, aux coins de ses yeux, elle demeurait belle, royale. Elle a dû souffrir à la perte de son rang. Elle troquait son rôle de Reine contre celui d’une Dame, commandant son fief mais ne pouvait dicter ses ordres à ses sujets. Les simples gens avaient au moins repris ce droit en se rebellant. D’esclaves abrutis, de sujets inexistants, ils s’élevèrent en hommes reconquérir leur liberté. Aujourd’hui, ils n’hésiteraient pas à clamer leur désaccord.

—Revenez vivants.

La vermine ne crève pas aussi facilement qu’elle le devrait.

—Ma Dame, s’inclina Reikoo.

Il avait échangé sa robe contre pantalon et chemise qui dévoilaient des avant-bras musclés. La jeune femme les imaginait sans mal s’enrouler autour de sa nuque, broyer sa trachée, glisser sa hallebarde le long de sa jugulaire. Inconsciemment, elle recula d’un pas.

—Si vous n’êtes pas revenus d’ici trois lunes noires, j’enverrai une seconde équipe.

—Vous n’en n’aurez pas besoin, ma Dame. Ces hommes-là seront heureux de retrouver leur or promis.

—J’ai foi en vous, Reikoo. Partez maintenant. Profitez de l’aube.

Le point de jour promettait bonne fortune pour le jour à venir. Nombreux voyageurs contaient l’importance d’égrener le maximum de pas alors que le rouge du ciel les couvrait. La Déesse Seïka bénissait les voyageurs.

—La Déesse vous montre la voie, les salua la Dame régente.

Ils s’inclinèrent avant de s’engager dans l’escalier creusé à même la falaise. Les planches vibraient sous leurs chausses. Reikoo, chef de la troupe, prit la tête. Suivirent les deux frères, Kita, Xaelio, Galtriel, les deux mercenaires et Maketa. La dernière fois que Kita avait foulé le ponton, elle avait goûté l’eau. Sous les rougeoiements du firmament, la rivière se teintait de pourpre et de rose.

—A se demander si Ix n’a pas sa propre humeur, s’amusa Xaelio.

—Avance.

Les yeux sombres de Galtriel les foudroyaient. Avec ses cheveux noirs, sa peau verte, ses dents taillés, il aurait pu effrayés n’importe quel enfant. Kita pivota, accéléra la cadence pour que ses jambes puissent avaler la distance creusée entre les trois hommes et elle. Là où les mercenaires esquissaient un pas, la cavalière en faisait deux. Sa petite taille l’obligeait à choisir un rythme à la croisée de la marche et la course. Xaelio n’avait aucune difficulté à se maintenant à sa hauteur. Tâches de Myosotis volait en silence au-dessus de leur tête.

—Ralentissez, Reikoo, le héla Xaelio. Certains n’ont pas de jambes aussi longues.

Le garde ne leur accorda pas un regard mais ralentir.

—Merci.

—Vous vous seriez écroulée de fatigue avant la fin de la journée. Manque de chance, c’est au terme du voyage que nous avons besoin de vous.

—Seulement si nous rencontrons un vrai dragon.

—N’y croyez-vous pas ?

—Les dragons ont disparu il y a des centaines d’années et seul un peuple de sauvages l’a vu. Nous dorakkars volent loin, sont vus de beaucoup. Pourquoi un dragon se contenterait d’un territoire aussi petit que celui d’une forêt ? Croyez-vous vraiment à cette fable ?

—La vie est pleine de surprises, sourit-il.

Ils suivirent la rivière sous un soleil ardent. Contrairement aux précédents jours, le vent se mourrait, sa bouche demeurait scellée et la chaleur l’écrasait. Des gouttes de sueur ruisselaient le long de ses tempes, sa vision se brouillait par l’effort soutenu. Malgré les températures tropicales habituelles, Kita peinait.

A la prairie et aux herbes courtes et sèches, craquelant sous leurs chausses, succéda un bois, petit, sombre et lugubre. Les troncs gémissaient dans un silence assourdissant, oppressant, qui vrillaient leurs tympans de leurs multiples voies inaudibles. Pas un animal et milles yeux les observaient, s’encerclaient alors que Reikoo intimait l’ordre de la pause. Kita remercia la Déesse et déplora l’absence de dieu des douleurs musculaires. Ses cuisses la tiraient, ses talons la brûlaient. A peine, ses jambes se détendirent-elles que Galtriel, l’œil aux aguets et corps aussi tendu que les cordes d’une harpe, conseilla au garde de repartir sans tarder.

Maudit soit-il, fulminait la cavalière et d’une courbette vacillante, elle retrouva appui sur ses genoux. Xaelio chemina en compagnie des deux frères. Maketa saisit l’occasion :

—Je pourrai leur demander d’attendre encore un peu.

—Tu as entendu Galtriel, nous devons repartir.

La dresseuse enjamba quelques racines blanches, pressa la cadence malgré les protestations de ses muscles, rejoignit le groupe. Ils ne nous attendront pas si nous peinons. Je dois être un allié et non un poids. Sur cette réflexion, elle se tut et pour tromper l’ennui, sonda les arbres et les nombreuses ombres dansantes. Peu d’explorateurs prenaient le temps (ou ne considérait cette tâche comme essentielle) pour noter ces observations. Si bien que de multiples données se perdaient. Ce qu’elle savait des forêts, elle ne le connaissait que de la bouche d’étrangers ou des conteurs. Seul son instinct jugeait, tranchait et comme toute chose nouvelle, l’ignorance bridait la curiosité de découverte. La morsure cruelle du doute la glaça.

La fraîcheur de la forêt rendait sa course plus supportable et la mousse sous ses pieds diminuait le choc de la rencontre entre l’articulation et le sol. Malgré l’inquiétude constante qui la berçait, elle regretta de la quitter. Le soleil continuait sa course descendante, tendait vers l’horizon, rougeoyait comme au matin. Reikoo ordonna la levée de camp. Ils piochèrent dans les vivres, mangèrent assemblés en cercle, d’abord dans le silence. Coincée entre Aroa et Galtriel, elle sirota sa potée et grignota son pain avec timidité. Si le premier n’hésitait pas à s’esclaffer, à raconter leurs aventures, le second ne lui accordait aucune attention. Le seul à qui il s’abaissait d’adresser la parole n’était autre que le chef de groupe.

—Ce stupide noble voulait que je lui ramène sa fille mariée. Il trouvait son gendre particulièrement stupide de ne pas l’engrosser. Il voulait la céder à un autre seigneur, plus âgé et gros connus pour ses nombreux enfants, de ses nombreuses femmes.

A ses côtés, Arment ricana, réalisa un geste obscène à son frère.

—Cette femme était une vraie diablesse. Elle nous a aidés à assassiner son mari.

—Elle a couché avec toi ? Demanda Xaelio.

—Pas qu’avec moi. Elle avait le feu au derrière.

—Ce qui était compréhensible vu la carrure du mari, renchérit Arment.

—Et ensuite ? S’enquit Maketa.

—Elle nous a baisé tous les deux.

—En même temps, s’esclaffa Arment. Tu te souviens de ses seins, mon frère. Petits mais si tendres, si doux. Ils ne cessaient de rebondit alors qu’elle glissait ma queue en elle.

Un sourire carnassier étira la bouche d’Aroa.

—Je me souviens surtout de son sexe. Et de sa langue.

Voilà d’où leur vient cette drôle d’obsession. Cette noble savait l’utiliser s’ils en conservaient un tel souvenir. Son mari n’aura jamais su ce qu’il laissait dépérir dans son lit. Beaucoup d’hommes pensaient les femmes prudes au lit et pourtant, elles avaient des appétits voraces. Maketa refila sa potée, prit de haut-le-cœur. Quel pleutre, songea-t-elle. L’accouplement est une loi essentielle. Quelle honte d’y éprouver du plaisir ? N’en prenait-il pas alors qu’il me besognait ?

—Que faisait-elle avec cette langue ? S’enhardit-elle.

Elle dévisageait l’amant éconduit du coin de l’œil, guettait sa réaction, le pli de sa bouche, le froncement de ses sourcils.

—Elle susurrait des promesses, s’amusa Aroa.

Les fils d’argent perdus dans sa chevelure scintillaient et rehaussaient l’éclat de ses yeux pétillants.

—Quel genre de promesses ?

—Celles qui sont sulfureuses.

Seul Xaelio connait la longueur de la liste de mes méfaits. Ils la soupçonnaient de n’être qu’une frigide cavalière, ne desserrant les cuisses que pour y accueillir la coupe d’un dorakkar. Elle avala une nouvelle cuillerée de potée. Certains aliments n’étaient broyés qu’à moitiés et donnaient une consistance plus solide à la soupe. Le pain, dur, mais ramolli par la potée calmait les contractions de son estomac affamé. Je dois m’habituer à manger moins. Mais la faim ne la quittait pas, se tapit dans l’ombre.

—Les femmes aiment les aventuriers et les histoires. Surtout quand on occis quelques monstres ou qu’on leur raconte quelques vérités sur leurs seigneurs adorés.

—Elles ronronnent pour nous en arracher certaines.

Xaelio ricana, se torcha le menton d’un revers de main.

—Les putes savent ronronner, confirma-t-il. Une d’elle le savait si bien qu’elle a réussi à voler ma bourse : trente-cinq pièces d’or.

—Et tu souris toujours.

—Sa prestation valait les trente-cinq pièces.

—Donne-moi son nom pour que je puisse jouir de cette merveille.

—Elle s’est sans doute rachetée une nouvelle vie avec ma paye.

—Quel dommage ! J’aime toujours connaitre les putes qui connaissent leur métier.

Kita repensa à l’adolescente, à son corps fin, prépubère, dépourvue de formes féminies. Les aurait-elle aussi convaincus ? Quelques-uns demeuraient silencieux, sourds aux commentaires hasardeux. Sans surprises, Galtriel et Reikoo en faisaient partis. Maketa se risquait à quelques commentaires, Xaelio ripostait à leurs remarques graveleuses et Kita les écoutait, le sourire aux lèvres. Elle-même avait déjà couché avec plusieurs femmes, confirmaient leurs dires par des hochements de tête, des exclamations et quelques rires. Interloqués par les récits sur le corps féminin, le plaisir et la volupté, elle se justifia :

—J’ai aussi payé des catins.

—Ce sont les femmes qui vous intéressent ? Demanda Arment l’œil brillant.

—Je savais comment les hommes baisent mais j’ignorais comment les femmes traiteraient mon corps.

La dresseuse connaissait les coups de reins, la giclée libérée dans son con, l’intérêt des hommes porté sur son sexe et ses seins. La pute semblait aussi excitée qu’elle. Après quelques baisers, des lèvres entremêlées, des mains pressées de découvrir une anatomie nouvelle. La langue qui traçait de brûlants sillons sur la nuque, les clavicules. La douleur dans sa poitrine quand la chair appelait la chair. L’entrejambe humide, la crispation des cuisses et les halètements qui berçaient l’acte d’amour.

—C’était une expérience… intéressante.

Et pas de risque d’enfanter. Seuls les peuples Horziens et les Harpies se libéraient autant sur les arts érotiques. Dans de nombreux autres pays, le sexe se limitait aux mariages, aux couples de sexes différents, à l’engrossement. C’était plus un devoir qu’un plaisir partagé.

Ils conversèrent jusqu’à ce que le noir de la nuit les enveloppât. Le sommeil alourdissait ses paupières et si la journée était chaude, les nuits se voulaient froides. La jeune femme s’enroula dans le manteau prêté par Valia, s’écarta du cercle pour s’allonger. Malgré le sommeil, elle fut encore éveillée alors que le dernier de ses compagnons s’endormit. Elle avait beau se tourner, coincer son sac dans le creux de son cou, compter le nombre des épouses-dragons, les souvenirs de son frère la hantaient.

J’ai commencé à éprouver des sentiments pour lui quand j’avais quatorze ans. Quelque chose, j’ignore quoi, m’a toujours attiré chez lui. Sa beauté peut-être, un visage doré de longs cheveux blonds qu’il teignait en mauve. Il avait hérité du physique de notre mère et moi, celui de notre père. Il m’accordait toujours un sourire, une plaisanterie, ne me fusillait jamais du regard, m’apprenait, m’aimait. Elle se rappelait de la première fois où son cœur s’était emballé sans raison, où une douce chaleur avait échauffé ses joues. La cavalière ne s’y trompait pas.

Durant ces derniers mois, elle s’était liée d’amitié avec plusieurs gamins de son âge, avait même trouvé dans le forgeron du village voisin, un père de substitution. Il l’avait élevé, transmis ses valeurs. Kita retrouvait Meorwen le soir, l’aidait avec son dorakkar, chevauchaient ensemble avec leurs montures.

Je ne l’ai pas considéré comme mon père et à mes yeux, il restait toujours mon frère. Comment avons-nous pu tomber amoureux ? Il rentrait d’une journée de dressage, crotté, débraillé. Je l’avais rejoint dans l’écurie, bichonnait nos deux dorakkars, les nourrissait. Les palefreniers n’étaient pas aussi bien organisés qu’ils l’étaient quand je suis partie. Ils m’avaient remercié en ébouriffant mes cheveux, à la manière d’un grand frère taquin. Je me souviens avoir râlé, repoussé sa main et caressé Sapin à l’encolure. Je voulais lui faire payer le fait de me décoiffer. Devant de tels souvenirs innocents, elle ne pouvait empêcher un souvenir d’éclore sur son visage.

Je voulais voler ses vêtements lorsqu’il irait se rincer à la rivière. Je l’ai suivi me cachant derrière les arbres, me déplaçant sur la pointe des pieds. Je me rappelle la belle journée que c’était : l’ombre des feuilles sur l’herbe d’or, les gazouillements des oiseaux et une fillette malicieuse qui souhaitait jour un mauvais tout à son frère. Sans se douter qu’une sœur l’épiait, il s’avançait vers la rivière grondante. Il s’agenouilla, incurva ses mains en corolle pour recueillir de l’eau et la verser sur son visage et ses cheveux. De ses longs doigts habiles, il délassait sa chemise. J’étais comme hypnotisée, découvrais une nouvelle vision. Ses vêtements tombèrent et mon regard erra sur son corps musclé par l’exercice du vol. Ses lèvres me rappelaient les pétales de tulipes. Son dos, le creux de ses reins, ses cheveux…

Il pénétra dans l’eau, s’immergea jusqu’à la tête, coiffa sa crinière en arrière. Le soleil jouait avec ses mèches d’or, des gouttes s’accrochaient à sa bouche, ruisselaient sur ses bras et son torse. J’avais oublié pourquoi j’étais venue, ses vêtements me paraissaient si dérisoires. Il était mon frère et pourtant j’imaginais sans mal mes mains dessiner ses pectoraux, mes ongles pianoter sur ses omoplates, ses lèvres à la dépression entre ma nuque et mon épaule, sur ma joue, à la commissure de ma bouche. Je me voyais plonger dans la rivière à sa suite, presser ma poitrine contre son torse. C’était le début de mon attirance lubrique, je découvrais l’appel de la chair, le pouvoir qu’exerçait un corps masculin sur le mien. Mon cœur s’emballait dans ma poitrine, mais pour moi, ce n’était pas dû à mon frère, ce n’était que l’effet de la virilité, sa découverte. Je ne comprenais pas en quoi c’était mal de souhaiter à ce que ma langue capture ces gouttes d’eau. L’idée de me déshabiller, de le rejoindre me taraudait mais je savais qu’il ne jetterait pas un seul regard à mes seins bourgeonnants. Pourquoi s’arrêterait-il sur sa sœur alors que de nombreuses femmes le désiraient ?

Des papillons folâtraient par milliers dans mon estomac, mes joues s’échauffaient. Jamais, je n’avais vu mon frère sous cet angle nouveau. La nuit suivante, j’avais rêvé qu’un homme me chevauchait et même si je n’avais pu sentir la pression de son corps contre le mien, je ne ressentais pas moins le désir m’étreigner la poitrine. Et ce personnage fantasmé ne portait pas le visage de Meorwen.

Peut-être que ce souvenir apaisa son esprit, peut-être que la fatigue de la journée eut raison d’elle, peut-être encore que l’ennui se métamorphosa en sommeil. Un cri la réveilla quelques secondes avant qu’une main ne la secoue. C’était Maketa, le regard fou. Une flèche s’arquait au-dessus de sa tête, descendait dangereusement. La cavalière repoussa le palefrenier, roula sur le flanc. L’arme se planta à un pouce de son visage. Elle se releva parfaitement éveillée. Une cinquantaine d’hommes munis d’arcs les assaillaient. Ils beuglaient des borborygmes dans un langage incompréhensible.

—Nous sommes sur leur territoire, hurla Arment en égorgeant un homme en pagne. Dégagez.

Kita glissa son sac sur son épaule, chercha ses gants de fer.

—Dépêche-toi ! La pressa Maketa.

Quelques pas plus loin, un homme la visait, décocha sa flèche. Mets-toi à couvert. Seul un rocher lui offrait cette opportunité. Elle se jeta à terre, ses ongles griffant la terre, son visage rencontra le sol. La jeune femme revêtit ses armes, risqua un coup au-delà de sa cachette de fortune et rencontra Maketa au corps à corps avec un de leurs ennemis. Son ancien amant tentait de bloquer ses poignets meurtriers : entre ses doigts brillait de l’acier. Guettant le ciel du coin de l’œil, Kita se précipita hors de sa cachette. En comprenant son plan, le jeune homme pivota de manière à ce qu’ils soient de face, seulement séparés par le sauvage à la tête rasée. Alourdi par un poids inhabituel, sa main dé via et frappa la nuque plutôt que l’arrière du crâne. L’assaillant lâcha un cri mais la cavalière réitéra son geste. Il s’affala dans un gargouillement de sang, ses vertèbres cervicales serpentant sous sa peau d’une bien curieuse manière. Des vaisseaux avaient dû se rompre sous la violence de l’impact.

A quelques pas, Galtriel égorgeait un quatrième homme si l’on supposait que les trois cadavres à ses pieds étaient de son fait. Quelle belle arme, songea-t-elle. Il maniait entre ses mains vertes un bâton sertis de deux lames d’une finesse extraordinaire. Sur le manche, des dizaines de piques et un pommeau taillé pour le confort de ses doigts. Le manche virevoltait, dansait tandis que les corps inanimés s’amoncelaient à ses pieds. Le fouet de Keïdan claquait avant de s’enrouler autour de la gorge de ses victimes. La corde serrait, serrait, serrait toujours alors qu’il les tirait à lui pour les accueillir d’un coup de poignard dans le ventre. Reikoo les empalait sur sa hallebarde, Xaelio couvrait son étincelante flamberge de rouge et le fléau de Ferol s’écrasait sur des visages, ravageant et muscles

Maketa désigna son poignard, Kita resserra ses poings. Ils ne survivraient pas à cet assaut au cœur de la mêlée. Personne ne les protégerait et si ses gants de fer lui étaient utiles, elle ne pourrait en embrocher autant que ses compagnons.

Les quelques survivants se ruèrent vers eux. Sans réfléchir davantage, elle détala, son sac rebondissant dans son dos ralentissait sa course. Les flux d’adrénaline dans son corps accéléraient ses mouvements et réflexes. Un seul but : survivre. Quelques pas devant elle, le palefrenier jouait des mains.

Une flèche siffla au-dessus de sa tête. Elle s’écarta de justesse et pensa trop tardivement à avertir son ami. Alors qu’il se retournait, l’arme de fer traversa son torse, sa pointe écarlate par le sang de ses boyaux. Kita eut à peine le temps de s’arrêter que son ancien amant s’affaissa sur elle, mort.

Un hurlement monstrueux, inhumain, vrilla ses tympans

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