9 mai

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7 h 00. La jeune femme se leva, la tête encore dans le vague. Elle avait donné les fiches à Deker. Il s'occupait de faire des copies. Ainsi, il pourrait rajouter des passés de partisans du régime à tout le groupe. Elle, était partie se coucher directement après. Toutes les émotions ressenties la veille l'avait épuisée. Elle n'avait rien dit aux autres. Pas question qu'il se fasse des idées, qu'ils la pensent faible. Elle n'avait peut être pas l'âme d'un grand combattant comme Ric, mais elle était capable de faire quelque chose. Elle n'était pas qu'un être fait d'abstrait et d'idées. Elle était également capable d'actes concrets. En parlant d'actes concrets, la journée allait être longue aujourd'hui. Se tirant soudainement de cette transe, elle but son café qu'elle savoura avec un plaisir intense. Rien n'était plus beau que cette boisson. Alyson inspira un grand coup, avant de regarder autour d'elle. La jeune femme semblait redécouvrir son appartement à chaque café du matin. Elle regarda son plafond tâché, semblant y trouver des réponses. La seconde d'après elle attrapait ses vêtements, s'agitait, prenait ses pages, ses crayons et la porte claqua.

Alors qu'elle était en chemin, la tête légère, elle réfléchissait à la pièce qu'elle était en train de monter. Il fallait que le comédien qui interprète le personnage principal masculin donne plus de corps. Un homme qui se retrouve au milieu d'un conflit qu'il n'avait pas choisi, pris entre deux camps. Entre deux sentiments aussi...

- Mademoiselle Dale !

Alyson sursauta.

- Ca fait trois fois que je vous interpelle. Tenez, une missive de Monsieur Mann pour vous.

Encore surprise, elle se contenta simplement de prendre l'enveloppe. Le facteur avait disparu quand elle releva les yeux. Elle s'aperçut qu'elle était alors juste devant le théâtre. Déchirant l'enveloppe la porte poussée, Alyson n'en revint pas ses yeux.

Mademoiselle Alyson Dale,

Vous êtes mandatée par Monsieur Mann au département de l'Information et de la Communication, demain à la première heure.

Aucune absence tolérée.

Gloire à Horace Miles. Vive la République.

République, tu parles ! Les artistes avaient besoin d'un permis, et les missives de la part du gouvernement se finissaient par "Gloire à Horace Miles". La jeune femme savait qu'elle aurait dû se réjouir, car cette invitation comportait une opportunité incroyable pour la Résistance, mais elle ne put s'empêcher se sentir vaciller. Plus elle était loin du régime, mieux elle se portait.

Le soir, elle alla annoncer à tout le groupe le message qu'elle vait reçu. La diversion provoquée par Caleb et Frédéric avait fonctionné à la perfection. Après avoir déclenché l'incendie, ils avaient réussi à s'enfuir sans encombre, car Ric était arrivé en premier sur les lieux de l'attaque. Les deux hommes pouvaient chaleureusement remercier le militaire d'être parvenu à arriver avant ses collègues.

Cette première mission avait été un succès. Mais maintenant, il fallait se voir encore plus prudents qu'ils ne l'étaient. Les fiches allaient aider à les faire oublier de la garde.

Tout le monde partit une fois le début de soirée entamé, excepté la jeune comédienne.

- Tes fiches avancent-elles ?

Ils n'étaient que tous les deux, enveloppés dans cette obscurité que n'importe qui aurait trouvé alarmante. Pour eux, elle possédait le plus grand charme, la plus grande sécurité.

- Je n'aurai pas fini à temps pour demain.

- De toute façon, si quelque chose s'était encore passé lorsque j'étais là bas, j'aurais paru suspecte.

Deker acquiesça.

- Pour la suite, il faudra voir avec Ric.

- Evidemment, que ferions nous sans le grand, l'unique, l'irremplaçable Ric.

Aussitôt, la jeune femme sentit un regard faussement accusateur se poser sur elle. Elle savait que Deker ne croyait pas un mot de ce qu'elle venait tout juste de dire. Elle appréciait passer du temps avec le chef de la Résistance, inspirant, sage et réfléchi, elle avait l'impression de trouver quelqu'un qui la comprenait. Ayant été peintre, elle le voyait comme un allié dans ce monde. Non qu'elle ne fût pas cartésienne, mais peu arrivait à comprendre qu'art et rationalité puissent être associés et utilisés comme une force.

- Tu devrais y aller, la comédienne va toujours saluer son public au pub le soir, pas vrai ? Mais c'est bien aimable à toi de me tenir compagnie.

- Ne prends pas la confiance, je voulais juste m'assurer de l'avancement des fiches.

- Bien sûr.

La jeune répondit avec un de ses délicieux sourires. Deker leva les yeux au ciel et lui intima de sortir.

Lorsqu'Alyson se retrouva dehors, il faisait déjà très sombre. Elle prit rapidement le trajet jusqu'au pub dans lequel elle avait l'habitude d'aller. Alors qu'elle poussa la porte, certains applaudirent. La dernière représentation d'Alyson Dale avait été un succès. Elle accueillit les remerciements avec un sourire chaleureux, puis aperçut Ric, au comptoir. Elle commanda, puis s'assit à côté de lui.

- Bonsoir monsieur le héros.

- Ca te déplait hein ?

Alyson soupira avec dédain. Elle prit une grande gorgée de son breuvage.

- Excuse moi, mon ami était vraiment bavard...

La comédienne se tourna, et fut face à une jeune femme, les cheveux noirs de jais, poser sa main sur l'épaule de Ric. Elle dévisagea Alyson pendant quelque secondes.

- Oh euh, Alyson, je te présente Liana.

Elle était grande, fine, belle, avec des yeux de jade envoûtants. Son visage fin aurait fait tomber sous son charme n'importe quel être humain normalement constitué. Alyson reconnut alors la jeune femme de l'autre soir, qui avait essayé d'attirer l'attention de Ric.

- Alyson, enchantée, lâcha-t-elle enfin.

- Oui je te connais, c'est toi Alyson Dale, l'artiste qu'on voit sur scène en ce moment. Ric ne m'avait pas dit qu'il connaissait des célébrités !

- Oh tu sais, c'est un bien grand mot... répondit-elle avec un ton amusé.

Liana s'appuya avec plus d'insistance sur Ric avant de s'écrouler maladroitement sur une chaise.

- Oh excuse moi Ric, je crois que c'était le verre de trop !

Maladroitement, non pas de manière maladroite, mais maladroitement imité. Alyson tenta de chercher dans les yeux de Ric une quelconque trace d'explication, mais il semblait éviter de rencontrer son regard.

- Bon, et bien je vais vous laisser, je ne voudrais pas interrompre quelque chose. Bonne soirée, Dom Juan, fit-elle, espiègle.

Elle but d'une seule traite le reste de son whisky avant de tourner les talons et de sortir du pub.

Le contraste brutale entre l'ambiance chaleureuse du pub et la fraîcheur de la nuit fit immédiatement tomber son masque. Son sourire agréable s'était effacé au profit d'une phase intense de réflexion qui l'empêchait de contrôler son expression. Alyson n'avait aucun problème avec le fait que Ric sorte avec des femmes, mais son comportement semblait étrange, non ? Ses contacts avec Ric étaient prémédités, et voulus. Quoique, elle était un peu saoule, évidemment que ses mouvements n'étaient pas normaux. Alyson fut prise entre son intuition qui lui disait de se méfier de cette femme, et sa fichue manie de pragmatisme qui lui ordonnait, au contraire de ne pas se fier aux apparences.

Le temps de passer en revue plusieurs fois tous ces points de vue, elle fermait la porte de son petit appartement. Elle alla passer de l'eau sur son visage, et regarda son reflet dans le miroir.

Elle y vit une jeune femme, avec des cheveux blonds qui descendaient jusqu'à ses épaules. Un visage fin, et des yeux gris. Elle était maigre, ne mangeant pas beaucoup. Elle était fatiguée, ne dormant pas beaucoup. Ses mains étaient pleine de traces d'encres.

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