Où les Tarbelli sont sans peur et sans reproche
Nous sommes amenés dans un immeuble non-loin. Eric est à moitié inconscient. Tout en le portant sur mon épaule, je fais compression de ma main droite sur sa blessure pour qu’elle arrête de saigner. Il souffre probablement le martyre mais au moins saigne moins abondamment. Puis on nous fait rentrer dans un appartement au deuxième étage, nous pousse dans une salle à droite et nous sommes attachés sur une chaise. Eric vient de perdre connaissance. A mon avis, s’il ne reçoit pas des soins dans la prochaine heure, c’est fini pour lui. Merde !
Je suis ligoté comme un saucisson sur ma chaise. Mes ravisseurs nous ont laissé seuls dans la pièce faiblement éclairée par une petite lampe du bureau. En entrant, en plus des deux hommes de la rue, il y en avait un troisième dans le salon. Si j’assume qu’il y a aussi celui que poursuivait les Tarbelli, ils sont quatre au minimum. Mais ce n’est pas ce qui m’inquiète le plus : sur les murs de la pièce où je suis sont accrochés des croquis et des cartes. L’une d’entre elle est celle de la ville de Dax, avec un gros cercle en rouge autour d’une zone. Au cours de mes pérégrinations avec Eric, j’ai un peu compris comment était organisée la ville. Si je me souviens bien, le cercle se trouve sur les berges de l’Adour, à côté de l’hôtel Le Splendid. C’est pas bon !
Le croquis à côté sur le mur me laisse présager quelque chose de bien plus funeste : c’est le schéma d’une bombe artisanale ! Décidemment, je me demande dans quoi je me suis embarqué. Il y a aussi une heure écrite dessus : 22h55. Une bombe va exploser ce soir !
Je jure. De rage, je me débats aussi fort que possible mais mes liens sont trop serrés. Comme dit précédemment, c’est pas bon !
Mais ma bonne étoile ne m’a pas abandonnée. J’entends quelque chose à la fenêtre et je vois un visage à l’extérieur. Un homme est en train de grimper. Il pousse fort et la fenêtre cède facilement. Le nouvel arrivant porte aussi un t-shirt des Tarbelli, doit avoir quarante ans passés et a les cheveux rasés courts. Il met le doigt sur sa bouche pour me faire signe de me taire et avance sans faire de bruit dans la pièce. Arrivé à la porte, il l’entrouvre faiblement et regarde par l’interstice. Puis il revient vers moi, sort un canif et coupe mes liens. Il me dit en chuchotant :
« Je ne sais pas qui vous êtes mais un de mes amis est retenu prisonnier ici comme vous. Mes autres amis sont dans le couloir et ils attendent que je déverrouille la porte. Je vais vous libérer et vous allez vous occuper de l’autre gars blessé derrière vous. Et surtout, ne vous mettez pas dans notre chemin !
- Mais ils ont des flingues, m’exclamais-je en chuchotant.
- Je sais, répondit le Tarbelli en souriant. Nous, on a mieux. »
Il me donne le canif pour que je m’occupe d’Eric. Puis, il retourne à la porte, observe à nouveau le couloir, puis sort.
En faisant au plus vite, je détache Eric. J’en profite pour augmenter la compression sur sa blessure. Sa peau est déjà partiellement décolorée.
« Accroche-toi, p’tit ! Tu vas t’en sortir ! », lui dis-je.
Tout à coup, le Tarbelli revient en courant dans la pièce, claque la porte et se jette à terre.
« Bouchez-vous les… »
Je ne comprends pas la fin de la phrase tant la déflagration est forte. Une flashbang vient d’exploser dans la pièce d’à côté ! Le Tarbelli doit être habitué car il se relève aussitôt et se précipite dehors. J’entends aussi d’autres bruits dans le couloir, des éclats de voix et des cris. Mais heureusement, pas de coup de feu. Je me redresse à mon tour et je passe ma tête par la porte pour voir ce qu’il se passe. Le spectacle est ubuesque : cinq Tarbelli, incluant celui qui m’a libéré, se battent contre les trois hommes en noirs qui ont été étourdis par la flashbang. Les Tarbelli ont l’air de savoir se battre : deux d’entre eux enchaînent les techniques de Krav Maga, un autre se bat à l’arme blanche style ninjutsu, le quatrième a les poings levés, probablement un pratiquant du noble art de la boxe, et le dernier, moins conventionnel, donne des coups de boules et des coups de pieds dans les parties génitales. Mais les hommes en noir se remettent rapidement de leur étourdissement et ce sont des pros : ils se défendent comme des lions et leurs techniques de combat avancées leur permettent de reprendre le dessus. Heureusement, leurs armes à feu ne sont pas à portée. Soudain, deux Tarbelli supplémentaires rentrent dans l’appartement. Un peu hésitant, ils jettent quand même dans la mêlée, prêtant main forte à leurs amis. Malheureusement, l’un d’eux est accueilli par un coup de pied qui le met K.O. directement. Mais l’autre ne se laisse pas décourager, attrape la jambe de l’homme en noir responsable et le mord au sang. Celui-ci hurle et jure en langue balkanique.
Je repère rapidement une arme à feu dans une pièce à côté, un fusil à pompe, m’en saisit et tire un coup en l’air. Tout le monde se fige, sauf un homme en noir qui saute par la fenêtre. Pas de chance pour lui, il tombe de six mètres directement sur la tête et se brise la nuque. Il n’y aura pas de lendemain pour lui.
Les trois hommes en noir restants hésitent mais ne font aucun mouvement. Les Tarbelli au contraire n’hésitent pas une seconde : ils les tabassent à coup de poings et de pieds. Rapidement, les adversaires sont hors d’état de nuire.
D’autres Tarbelli sont rentrés entre-temps. Une jeune fille ressort d’une pièce adjacente avec un jeune homme qui est salement amoché. Probablement l’ami mentionné par mon sauveur.
D’ailleurs, celui-ci se retourne vers moi :
« Tu vas bien ?
- Oui, merci. Je vous dois une fière chandelle. Mais il faut encore que vous m’aidiez. »
Ils me regardent tous d’un air soupçonneux. Je m’explique :
« Je ne sais pas qui sont ces hommes mais j’ai trouvé dans la chambre les plans d’une bombe, une carte avec les berges entourées en rouge et une heure indiquée : 22h55.
- La cérémonie de clôture !, s’exclame un des Tarbelli. La foule sera rassemblée sur les berges !
- On doit y aller !, m’exclamais-je. Il faut empêcher que cette bombe explose à tout prix !
- Mais nos amis sont blessés, objecta l’une des filles. »
Un temps de pause. On peut voir que chacun réfléchit à la meilleure chose à faire. C’est mon sauveur qui prend le premier la parole :
« On va se séparer. Marjo, Charlie et Jeff, vous allez emmener Pat et le copain du monsieur à l’hôpital. Deux autres vont rester ici et attendre la police. Le reste, on va sur les berges. »
Puis il se retourne vers moi :
« Tu viens avec nous ?
- Bien sûr, répondis-je sans hésitation. »
Il sourit. Tout le monde se met en branle.
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