Chapitre 1 : Une mystérieux professeur

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Tout commença la veille de mes dix-huit ans. Comme chaque jour, je me rendais en bus jusqu'au lycée des Acacias de l'Éternité à Stella, petit hameau rattaché à la commune de Saint-Leu, ville de l'île de la Réunion.

Ma mère et moi avions emménagé sur les terres Bourbon deux ans plus tôt. Peu après le divorce de mes parents, nous avions décidé d'y habiter, car cette île enchanteresse nous appelait. Dès lors, nous faisions toutes deux face à notre destin et subvenions seules à nos besoins.

Quant à mon père, je ne le revis que très rarement après leur séparation, quand j'allais en vacances chez lui à Paris. Il n'avait guère le temps de me voir, car il était toujours préoccupé par son travail. Il était directeur d'une grande entreprise multinationale qui finançait les plus grands manèges des plus célèbres parcs d'attractions et il aidait également à leur conception.

L'absence de père fut pesante, mais je finis par m'y habituer avec le temps.

Bon, revenons-en à mon récit : je me dirigeais vers cette fameuse institution. Assise dans l'autocar, je regardais les paysages défiler devant moi. La commune de Saint-Leu se dessinait peu à peu derrière les vitres. De nombreuses cases créoles et boutiques composaient l'agglomération, et à l'entrée de celle-ci on repérait la mairie. Elle ressemblait à une immense chaumière comme celles représentées dans la plupart des contes de fées. Ses deux bâtiments jumelés, avec leurs murs de pierres et leurs toits en tuiles grises, rassemblaient différents secteurs d'activité. L'église Saint-Leusienne « Notre-Dame-de-la-Salette », célèbre dans toute l'île, se trouvait dans la rue parallèle à l'Hôtel de Ville. Toute personne, souffrante ou non, qui entrait dans le cloître obtenait la bénédiction des prêtres afin d'être sauvée par la sainte Dame de La Salette.

Le chauffeur s'arrêta à plusieurs reprises pour laisser passer les piétons et prendre de nouveaux passagers. Nous passâmes ensuite devant le commissariat et nous continuâmes à tracer notre route. Nous prîmes la direction du musée Stella, localisé après la commune des Quatre Robinets. Nous circulions à travers le canton, la caserne des pompiers et l'immense pharmacie avancèrent à vitesse grande V sous mon regard attentif. Après avoir tourné à gauche de l'officine, nous nous dirigeâmes en direction des champs de canne à sucre. Dix minutes plus tard, j'apercevais le gigantesque établissement scolaire, dissimulé entre les gigantesques herbes d'un terrain vallonné.

Le lycée des Acacias de l'éternité nous attendait !

Le conducteur arrêta son véhicule à l'emplacement qui lui était réservé, sur le parc à voitures de l'établissement situé devant un immense édifice blanc, au toit rouge pointu, dans lequel une horloge était encastrée. Un hôpital colossal, dont le toit plat faisait office d'aire d'atterrissage pour les hélicoptères uniquement utilisés en cas d'urgence, se camouflait derrière l'institution.

Une rumeur circulait à propos de cet hospice : plusieurs patients qui entraient n'en ressortaient vivants.

Je me levai de mon siège et pris mon sac à dos turquoise, assorti à ma tenue. Pour cette nouvelle journée, j'étais vêtue d'un chemisier à lacets blancs à manches courtes, serré dans le dos, et une minijupe en jeans. Je portais à mes pieds une paire de ballerines aux couleurs arc-en-ciel. J'avais laissé ma longue chevelure bleu nuit encadrer mon visage pâle.

J'avançai péniblement dans l'allée étroite du car, en direction de la sortie. Je descendis en silence les trois paliers, et alors que je posais le pied sur la dernière marche, un jeune homme me tendit chaleureusement la main.

Il s'agissait de mon meilleur ami, Jacy Hoopeur. Il mesurait un mètre soixante-dix, avait la peau hâlée et le torse musclé, ainsi que de magnifiques cheveux courts châtains aux reflets dorés qui encadraient son visage carré. Indéniablement beau et séducteur, il faisait chavirer le cœur de nombreuses demoiselles.

Son charme ne m'était pas indifférent. J'étais séduite par son sens de l'humour, sa passion dévorante pour le slam, sa manière d'être attentionné et d'aider les personnes qui l'entourent. J'aimais sa présence, sa tendresse, son réconfort et sa protection. Je me sentais toujours en sécurité auprès de lui, toutefois, je n'aurais jamais osé lui avouer mes sentiments à son égard. J'étais tombée amoureuse de lui dès le premier jour de la rentrée, l'année dernière. Depuis, je n'avais jamais cessé de l'aimer.

Au moment où Jacy déposa un baiser sur ma joue pour me saluer, je me mis à rougir.

— Bonjour, Juliette, tu vas bien ? me demanda-t-il timidement.

— Oui, et toi ? répondis-je en lui retournant la question.

Je plongeai mes yeux azur dans les siens. Habituellement, ses prunelles étincelaient de joie. En ce jour, elles étaient ternes, emplies de haine et de rancœur.

— Pas trop... En ce moment, j'ai des problèmes importants à régler, et pour l'instant, je ne peux en parler à personne..., répliqua-t-il avec amertume. Mais, ne t'inquiète pas, tout va s'arranger. ajouta-t-il d'une voix radoucie pour me rassurer.

J'ignorais si ses derniers mots étaient vrais, car j'avais le pressentiment qu'il me cachait quelque chose. Jacy renfermait toujours d'innombrables mystères qu'il ne dévoilerait sans doute jamais. Même en ma compagnie, il demeurait très énigmatique.

Soudain, du coin de l'œil, je vis ma meilleure amie courir dans notre direction.

— Juliette ! Jacy ! nous interpella-t-elle joyeusement. Nous avons un nouveau professeur !

— Je sais. Je suis l'un des premiers élèves de notre classe à être au courant. Et, je ne suis pas du tout satisfait de notre nouveau précepteur.

— Tu n'as pas l'air de l'apprécier ? remarquai-je d'un ton surpris.

En tant que délégué de classe, il avait l'obligation de nous montrer le bon chemin à suivre, en commençant par un comportement exemplaire devant nos enseignants. Son expression renfrognée n'était pas le bon exemple.

— Pas, vraiment... je le connais mieux que quiconque et j'éprouve une certaine rancœur envers lui. Méfie-toi de lui, il n'est pas celui qu'il prétend être.

— Juliette , viens, voir, il est super mignon et je suis certaine qu'il te plaira ! m'invita ma meilleure amie, concluant ainsi la conversation entre Jacy et moi.

Elle se nommait Judith Castle, mais on l'appelait Judie. Elle était constamment à l'affût des beaux garçons, et j'étais la seule à connaître ses préférences en matière d'hommes. Ils devaient être bruns, musculeux, et surtout ténébreux.

Judie était le genre de fille qui se focalisait sur ses études, mais, c'était une adolescente très à l'écoute de ses amis, sensible, attentionnée, calme et réserver. Une véritable amie à qui l'on pouvait facilement se confier. D'après les lycéens, elle avait un physique très agréable à regarder. Ses cheveux roux formaient de magnifiques anglaises descendant jusqu'en bas de son dos. Son visage couleur porcelaine était parsemé de taches de rousseur, et son regard émeraude mettait sa beauté en valeur. Elle était vêtue d'un short en jeans, d'un débardeur rouge vif légèrement décolleté, elle avait enfilé des guêtres assorties à son haut par-dessus ses baskets blanches.

Judie avait aménagé un mois après mon arrivée et nous étions voisines.

Ayant les mêmes points communs, nous étions tout de suite devenues amies. Nous adorions échanger nos livres, nos séries préférées, nos secrets, et nous étions toutes les deux captivées par les chevaux.

En très peu de temps, elle devint ma meilleure amie.

— Allez viens ! Tu verras, il est adorable ! insista-t-elle en m'emmenant de force vers l'entrée du lycée où se trouvait notre enseignant.

Nous gravîmes donc les marches du bâtiment pour parvenir à deux portes translucides qui s'ouvrirent à notre arrivée. Nous avançâmes dans le vestibule turquoise où l'accueil se situait à notre gauche de la pièce. À côté, un escalier menait vers les bureaux du proviseur et du secrétariat. Nous nous dirigeâmes ensuite vers le seuil de la cour.

Dans la cour, les élèves formaient plusieurs rangs. Judie et moi nous frayions un passage pour atteindre la première ligne pendant que notre directeur annonçait.

Le proviseur se nommait Orson Hoarau. Plutôt âgé, son visage pointu et maigre était encadré par des cheveux courts argentés, et ses iris couleur gris étaient cachés par des lunettes dorées. Ses traits affaissés par la vieillesse et ses épais sourcils ébène lui donnaient un air menaçant. Il était vêtu d'un costume damier noir et blanc confectionné dans un tissu luxueux, et d'une chemise blanche ornée d'une cravate noire en soie.

J'avais peur de lui.

— Bonjour à tous. Vous êtes rassemblés pour souhaiter la bienvenue au nouveau enseignant d'éducation physique et sportive, que je suis fier de vous présenter. Voici le professeur John Adams ! Il va également assurer le poste de professeur principal des Premières Littéraires de la classe « Flamboyant ». À compter de ce jour, monsieur John Adams prend le poste d'assistant de direction pour une période d'essai au Lycée des Acacias de l'Éternité. Je vous annonce par la même occasion qu'un nouveau règlement intérieur entrera en vigueur très bientôt. À cet instant précis, je demande à tous les élèves de cet établissement d'avoir un comportement exemplaire. Dorénavant, les termes « ordre » et « justice » seront au cœur de votre vie de lycéens dans cette institution. La sonnerie va retentir d'ici quelques minutes, je vous laisse profiter de ses derniers instants de liberté avant de rejoindre vos salles de cours.

Le directeur mit fin à son discours tout en se rapprochant d'un homme aux cheveux bruns bouclés. Lorsqu'il lui serra la main d'une poignée ferme, je le vis lui chuchoter quelque chose. Soudainement, ils lorgnèrent dans ma direction. Ils se mirent à m'observer. J'étais terrifiée. Je ne comprenais pas leurs agissements envers moi.

Sauvée par le gong, la cloche sonna. Je reculais de plusieurs pas, pour me dissimuler vers le milieu de mon rang. Cachée derrière deux grandes gigues, je restai en retrait à la vue de mon professeur et du proviseur. Ainsi fondue dans la masse des élèves de ma classe, je me rendis dans ma salle de cours.

Parcourant le corridor du rez-de-chaussée, nous nous arrêtâmes devant la deuxième porte à gauche. Or, celle-ci était déjà grande ouverte. Nous entrâmes. À ma grande surprise, celle-ci avait été aménagée, les bureaux avaient été remplacés par des tatamis. Sur le tableau vert était écrit : « Bienvenue au cours des arts du combat, enseigné par votre gentleman, le professeur John Adams ».

Génial, moi qui n'aimais pas le sport en général, j'allais être servi.

Positionnée au fond de la salle, j'observais les allées et venues des élèves. Les jeunes filles étaient sous le charme du beau précepteur qui me paraissait mesquin et prétentieux. Celui-ci était situé au centre de la pièce et placé tout autour de lui, les étudiants qui l'écoutaient attentivement. Après avoir retiré son t.shirt noir devant son nouveau fan-club, il exhibait ses puissants pectoraux. Il était vêtu d'un jogging bordeaux retroussé dans le bas. Je remarquai qu'il ne portait pas de chaussures.

John Adams passa fièrement sa main droite dans ses cheveux pour se recoiffer. Il m'agaçait et il le savait, car il ne pouvait détacher ses prunelles obscures des miennes.

Très vite, mes deux amis me rejoignirent. Jacy n'avait absolument pas envie d'être là.

— Alors, comment le trouves-tu ? s'empressa de demander joyeusement ma meilleure amie.

Contrairement à moi, Judie était complètement en extase devant lui.

— Il est pas mal, mais très hautain à mon goût ! répondis-je aigrement.

— Pourquoi dis-tu cela ? me demanda-t-elle, surprise.

— Son attitude narcissique me déplaît ! lâchai-je malgré les remords que j'éprouvais à l'avouer.

Cependant, je trouvais que j'étais tout de même allée beaucoup trop loin. Dès que je détournai mes mirettes de ma meilleure amie pour venir croiser celles de mon instituteur, un frisson me parcourut. Il me lança un regard terriblement noir avant de se retourner vers son public.

— Bonjour, je vous souhaite à tous la bienvenue à votre nouveau cours de sport, intitulé « les arts du combat ». Je me nomme John Adams, et comme vous l'avez certainement compris, je vais vous apprendre les différentes techniques d'attaque et de défense pour se sortir d'une situation difficile. Bien... Pour votre première leçon, je vais choisir un étudiant qui travaillera en collaboration avec moi. En chaque début de séance, je vous ferai une démonstration des exercices à réaliser lors des entraînements. Alors, lequel d'entre vous aura le courage de lever la main pour devenir mon coéquipier ? nous demanda-t-il avec un enthousiasme non partagé.

Toutes les filles de notre classe étaient bien trop intimidées pour lever la main. Prenant mon courage à deux mains, je me portais volontaire. À dire vrai, j'étais motivée par l'idée de découvrir pourquoi il était si étrange vis-à-vis de moi. Et le seul moyen d'y parvenir, c'était de devenir son bouc émissaire.

— Mademoiselle Andrews nous fait l'honneur d'être volontaire ! C'est avec joie que je vous accepte comme collaboratrice. Approchez-vous ! m'ordonna-t-il avec une satisfaction non dissimulée.

Je m'avançais à présent en direction du grand attroupement d'élèves. Je me glissai discrètement entre ma meilleure amie et une jeune fille à la longue chevelure bouclée couleur blé, au visage angélique et possédant des yeux couleurs églantines. Elle était vêtue d'une mini jupe noire à volants, d'un corset à lacets assorti à son bas sur lequel elle avait enfilé une veste rayée de noir et blanc. Elle était chaussée d'escarpins noirs vernis. Son cou était orné d'une croix gothique. J'ignorais son nom, mais selon certaines rumeurs, elle était l'arrière-petite-fille du proviseur.

Plus qu'à quelques mètres de mon professeur, je fus interrompue par Jacy.

— Je t'interdis d'y aller ! C'est beaucoup trop dangereux ! me dit-il fermement en m'agrippant le bras.

— Pourquoi ? le questionnai-je surprise.

— Tu ne sais pas ce qu'il est capable de te faire subir, ni qui il est réellement, fit-il d'un ton préventif.

— Jacy, on vient de m'offrir la chance de faire mes preuves aux yeux de la classe. Je ne vais absolument pas passer à côté. Je sais que tu veux me protéger, mais je suis capable de me débrouiller toute seule comme une grande. Fais-moi confiance et accepte ma décision, répliquai-je, exaspérée.

— Très bien, fait comme tu veux ! Mais, je t'aurais prévenue !

Sur ces mots, mon meilleur ami me lâcha à regret.

Je réussis à atteindre enfin le professeur Adams. Celui-ci m'accueillit.

— Je suis heureux de vous avoir comme partenaire ! annonça John Adams d'une voix chaleureuse.

— Moi, également, monsieur... rétorquai-je.

— Bien, nous allons enfin pouvoir commencer notre premier cour. Pour débuter, mademoiselle Andrews, vous allez reculer de quelques pas. Ensuite, vous allez suivre mes indications au fur et à mesure, c'est compris ? me demanda-t-il d'un ton beaucoup moins amical.

— Oui, monsieur ! acquiesçai-je avec vivacité.

Je reculai légèrement pour laisser un espace suffisamment grand entre lui et moi.

— Tout d'abord, en gardant les bras tendus, vous posez vos mains sur mes épaules et vous avancez votre jambe gauche tout en reculant l'autre. C'est votre position d'attaque.

— Entendu, professeur !

Comme un bon petit soldat, je fis les mouvements que l'on demandait. Une fois en position, la cloche sonna, annonçant le début de l'affrontement.

— Voyons ce dont vous êtes capable... Que votre supplice commence ! déclara-t-il d'un rire sadique.

À partir de cet instant, une lutte sans merci commença. Soudain, mon enseignant enchaîna une clé de bras inversée et un jargon martial. Mise à sa merci, il me murmura dédaigneusement des sermons.

— Vous n'avez rien dans le ventre, mademoiselle Andrews. Je ne comprends toujours pas pourquoi, vous avez été choisie pour être l'une de ces élus...

— L'élue ? demandai-je essoufflée.

— Les révélations seront prochainement dévoilées. Vous devez certainement vous demander pourquoi je vous maltraite ainsi. Bientôt, vous l'apprendrez... Aujourd'hui est le début d'une longue entente entre nous qui promet d'être riche en émotions ! prédit-il d'un air maléfique.

À la fin de cette conversation, mon professeur me donna un violent coup de pied dans les reins. Je trébuchai sur le coin d'un tatami, puis me fracassa la tête sur le sol. La plaie béante causée par la chute saignait abondamment. Ma vision se troubla petit à petit. J'étais ébranlée par la violence du choc.

Sentant mes forces me quittaient, je perdis connaissance.

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