Il pense donc je suis

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Bordel... Une autre faille... Une c'est déjà trop

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La fille... où est-elle... dans les limbes... sur le fil

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Ecrit sur mes pages, comment ça ! Quelqu'un m'a écrit dessus ? : "Scrib, je t'abandonne à la maison, on ne peut pas se permettre de laisser la faille s'incruster, remets-toi vite et surveille la fille"

La fille ? quelle fille ? Mon essence se rassemble, l'énergie fourmille sur mes pages tandis que mon esprit redécouvre le lieu qui l'abrite. Seuls quelques traits de lumière éclairent la pièce, filtrant au travers de lourds rideaux de velours rouge. De curieux symboles brodés de fils d'or ornent le tissu, des runes. Parmi elles se trouvent Elhaz et Thurisaz, la corne et l'épine. Ces deux signes forment la signature d'Edward. Présente dans tout le XVIe arrondissement, elles marquent son territoire, avertissent les autres mages qu'il veille sur cet endroit.

  L'on trouve sur les tortueuses bibliothèques qui bordent la pièce, un ensemble d'objets hétéroclites : des livres enveloppés d'épaisses chaines, des plantes à l'aspect malingre, rampant hors de leurs pots et dégoulinant le long du bois noir des étagères, des bouteilles qui semblent abriter des microcosmes complexes et miniaturisés. L'une d'elles, posée à l'horizontal, contient une forêt tandis que l'on aperçoit dans une autre, une caverne emplie de champignons bioluminescents. Cet environnement bien qu'étrange m'est familier. Il s'agit de notre maison, un sanctuaire en plein coeur de Paris protégé par des barrières et des sortilèges. Imperméables aux dieux, bons comme mauvais, aux anges comme aux démons, une zone neutre en quelque sorte...

Posée avec négligence sur la table basse près de l'âtre se trouve une jeune fille, tel un cadavre désarticulé ses membres ploient vers le sol tandis que ses cheveux blancs, presque translucides, ruissellent en une cascade argentée. Malgré ses cheveux et sa peau diaphane, la demoiselle ne semble pas âgée de plus de vingt printemps et ses doigts perdus dans le vide s'agitent par intermittence de minuscules soubresauts.

Quelques minutes passent sans que le sommeil de l'intruse ne soit troublé, tant mieux, avec un peu de chance Edward sera de retour avant son réveil.

Cela me laisse un peu de temps pour une annexe, en tant que livre des ombres je me dois de transmettre aux générations futures, le fruit des recherches de mon maître. Je commencerai donc par parler de ma personne car... Je suis un être artificiel, un égrégore pour être clair, être éveillé en grec. Contrairement à vous qui me lisez je n'ai pas d'existence propre. Les êtres comme moi se forment en général suite à des prières, nous sommes le fruit des volontés conjointes d'un nombre important d'individus. Certains se manifestent sous la forme de miracle, d'autres sous la forme de malédiction. Pour ma part, je suis la réponse à la peur d'un être puissant de finir dans le néant, je suis né pour qu'il demeure quelque chose d'Edward en ce monde, lié à lui sa mort sera la mienne, nous ne laisserons derrière nous que cet écrit.

D'ordinaire la vie d'un égrégore est éphémère, volatile. Chaque sorcier peut grâce à des formules influer sur la majeure partie du spectre de la magie, allant de l'évocation à la nécromancie. Chaque Mage dispose cependant d'un domaine qui lui est propre, sa sphère. Une facette de son pouvoir qui le marque jusqu'à devenir son identité. Les capacités d'Edward résultent de sa perdition dans le néant dont il n'est jamais vraiment revenu, il est le lien, la barrière, la chaine qui relie, qui emprisonne, éternellement perdu entre les mondes. C'est grâce à ce pouvoir qu'il m'a ancré dans la réalité, que je suis devenu une entité stable.

_Qu'est-ce que ?...

Une silhouette sombre commence à se découper sur le mur nord de la pièce devenant chaque seconde de plus en plus nette.

_Bonjour Scrib, tu a bien dormi ?

Déclara Edward d'un ton rieur tout en tapotant ses joues blafardes qui reprennent peu à peu des couleurs.