Au sein de la lampe
J’éprouve un étrange sentiment de satisfaction à ne pas être balloté dans tous les sens au sein de ma petite sacoche. Lucie, la jeune fille que nous avons recueillie me transporte avec un grand soin alors que nous nous dirigeons vers le Puits des vœux. Elle avance aujourd'hui d'un pas déterminé mais une longue nuit fut nécessaire au sorcier pour la convaincre de l’accompagner. Je crains que pour elle tout soit déjà perdu, la curiosité est trop forte.
Nous sommes partis tôt ce matin pour gagner le Puits des Vœux où Edward espère glaner quelques informations. L’accès se fait par le métro parisien. Nous suivons le mage qui manque de nous semer plus d’une fois, fendant la foule avec imprimé sur le visage l'expression d'une immense lassitude. L’envie d’en finir rapidement avec cette histoire qui, à peine commencée, attaque déjà sa maigre patience. Une fois traversés de nombreux couloirs et franchie une porte de service, nous débouchons sur une vieille voie désaffectée. Ici les murs sont noircis par le passage du temps et l’on entend au loin les pas d’Edward ricocher contre les murs. Une fois la porte refermée, c’est dans le noir complet que nous progressons. Je sens Lucie manquer de trébucher à plusieurs reprises alors qu’elle tente de se repérer grâce aux bruits.
Après des minutes qui semblent des heures, l’on aperçoit au loin la lumière crachotante d’un lampadaire avec, bloquée là, une vieille rame de métro. Sur le mur dessiné à même la roche la devanture d’une boutique : le puits de vœux. Edward l'y attend, son regard transperçant la pénombre :
_Ne lambine pas, j’ai des affaires urgentes à régler, et ouvre bien les yeux, c’est dans ce genre d’endroit que tu comprendras dans quel monde tu as mis les pieds.
***
Ce bar, connu seulement des habitants par-delà le voile, règne une ambiance jazzy mixée avec une décoration ostentatoire et gothique. L'on y entre par une ouverture dans une façade de pierre où sont sculptées différentes créatures mythologiques regroupées autour d’un puits. Une fois le seuil franchi, l’on pénètre dans un lieu sombre baigné par la lumière tamisée de quelques spots incrustés dans le sol et de quelques appliques qui dessinent des arabesques sur les murs.
Le son envoutant d’un saxophone nous parvient de la gauche où perché sur un tabouret un homme au teint basané se tord au rythme de la musique qu'il joue. A chacune de ses expirations la multide de tatouages qui recouvrent son corps luisent d'une lumière bleutée.
En face de l'entrée trône le bar, en bois d’ébène, couvert de runes dorées. Derrière lui se tient une jeune femme au sourire avenant et au regard pétillant. Les vitraux présents dans son dos la baigne d'une lumière violacée se teintant par endroit de la couleur des bouteilles suspenduent derrière elle. À droite de l'entrée se trouve un jardin intérieur garni de fleurs et de champignons bioluminescents d’où émane le doux bruit d’une cascade miniature qui se jette dans un étang recouvert de nénuphars tellement blancs qu’ils semblent produire de la lumière :
_Edward ! Cela fait un moment que je me languis de ta présence, qu'est-ce qui t'amène ici ? Le sourire avenant d'Hélène la tenancière s'éteins vite face au regard du sorcir.
_ Je cherche If, c'est encore le Bordel dehors..., soupire Edward, Tiens, le voilà.
Le mage se dirige à une table dans le fond ou l'on distingue un homme en costume penché sur sa table, Hélène s'apprête à répondre mais retiens sa phrase un air de dépis sur les lèvres.
Quand mon attention se focalise à nouveau sur Lucie, celle-ci se dirige d'un pas mécanique vers la table de Marie une habituée du bar. Dans sa main, la vieille femme tient un fil du Wyrd qu'elle entortille nonchalamment autour de son index, tirant vers elle la jeune fille. Un sourire illumine son visage et le bord de ses yeux ambrés se couvre de ridules qui se déployent tels des éventails, laissant apparaitre un visage empli de bienveillance ;
_Bonjour jeune fille, asseyez-vous. Je suis Marie, une amie d'Edward.
Les fils du Wyrd sont distendus par l'attraction qu'elle exerce. Hésitante, Lucie s'avance et s'assoit devant la vieille femme,
_Qui êtes-vous, que m'avez vous fait ? vous m'avez hypnotisé ?
_Oh non, j'en doute ! ce doit être le destin qui vous tire vers moi demoiselle, Marie cligne d'un oeil l'air joueur, vous êtes étrange jeune fille, le seul lien qui vous retient en ce monde vous lie à Edward ? Que-vous a t'il fait ? Le visage de l'arpenteuse se fait soudain soucieux et ses yeux se teintent de blanc au fur et à mesure que des filaments apparaissent dans son regard.
Voyant la situation déraper, je décide de prendre la parole, mes pages bruissant au fond de ma besace :
_Marie ! ça suffit ! Qu'est-ce que vous avez tous à tourmenter cette pauvre petite, moi et Edward nous en nou...
Brusquement, Lucie se lève de sa chaise et plaque ses mains sur la table, soulevant quelques osselets posés là :
_Arrêtez de vous comporter comme si je n'étais pas là, tait-toi le livre, racontez-moi, qu'est-ce que ça veut dire, expliquez-moi !
_Tu vois Scrib, laisse la jeune fille faire ses choix. Je fais partie des êtres capables de percevoir le destin dans sa forme disons brute, celui-ci se présente comme un amas de filin reliant toute chose. Certains se nouent et se dénouent au cours de la vie d’une personne, mais d'autres existent bien avant sa naissance. Ces fils représentent pour nous le destin. Normalement ils lient un individu à ses parents, à ses enfants ou à d’autres éléments capitaux de leur vie mais toi, ton seul destin te lie à Edward, ta vie n’est déterminée que par rapport à son existence, c’est étrange tout de même, La délectation se lie sur le visage de Marie quand elle s’adresse à moi.
_Mais qu’est-ce que ça implique ? ça n’a pas de sens…je ne suis pas née hier qu’en est-il de ma famille et du reste ? Les mains de Lucie tremble alors que l'angoisse commence à imprégner son visage.
_Je crains que ça implique ta disparition, s’il venait à disparaitre. Pour les raisons je n’en sais rien c’est la première fois que je vois ça, Marie se frotte le front l’air soucieuse, mais reviens me voir si tu as des soucis.
_Tiens Marie…, Edward soupire, encore à fourrer ton nez dans mes affaires, c’est fou le temps que te laisse ta retraite… Viens Lucie, j’en ai fini ici, nous ferions mieux de retourner chez moi, le mage jette un regard froid à l’arpenteuse qui le soutient avec un air de défi.
_ Bien, à une autre fois Marie. Je vous remercie pour votre aide, répond lucie penaude.
Après un dernier coup d’œil à Marie, Lucie se retourne pour suivre Edward qui a presque déjà franchi le seuil du lieu. Sur le chemin du retour j’entends une voix raisonner dans mon Esprit :
_Scrib ? Je peux te poser une question ?
Je reconnais la voix de Lucie, mais je dois dire qu’à cet instant je suis assez surpris qu’elle arrive à communiquer avec moi de cette manière.
_Oui bien sûr jeune fille, mais comment arrives-tu à faire ça ?
_Je n’en sais rien, c’est venu instinctivement, je ne pourrais pas l’expliquer, tu peux me dire qui est Marie pour Edward ?
_Marie est une arpenteuse, comme elle te l’a dit, elle a un contact particulier avec les fils du destin qui parcourent la création, et conçernant d’Edward elle fait partie de ceux qui l’ont maudit et condamné à veiller sur le XVIe arrondissement de Paris.
_Comme je suis condamné à suivre Edward ?
_Oui en quelque sorte, mais ton lien est moins définitif, Edward finira par trouver une solution quand nous aurons retrouvé qui tu étais et quelle était ta vie avant de tomber dans le néant. Je crains que tu aies à patienter, Edward me semble inquiet…
Sur la marge du texte en bord de page vous remarquez une série de petits points et de lignes :
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