Chapitre 4: la soirée
Hier j’ai bu une bière au bar, après les cours. C’est Alexandre qui a proposé. Toute la classe venait, et je me suis laissé tenter. Pendant une heure, peut être deux, les gens parlaient des cours, de leur vie, et d’autres choses sans importance. Moi j’étais là, j’écoutais. Je ne sais pas si cela se voyait que je n’étais pas vraiment là, je ne sais même pas si les gens savaient que j’étais là d’ailleurs. Et puis à un moment, je suis parti. Deux personnes s’en allaient, alors j’ai prétexté un rendez-vous, et je me suis enfui. Dehors, dans le froid, je n’avais pas envie de rentrer. Alors j’ai pris le bus, et je me suis retrouvé en ville. Il y avait ce bar PMU au coin de la rue, de ceux qui sont toujours pleins d’habitués. Je me suis approché, j’ai entendu des rires et je suis entré.
Là, au milieu des piliers de bar et des amateurs de football, j’ai commandé une bière. Puis une autre. Et encore une autre. Et là, je ne sais pas trop pourquoi, j’ai décidé de changer de personnage. J’étais devenu un pilier de bar moi aussi. Entre Jacques, le vieux bourru qui avait déjà trop bu avant même que j’arrive, et Edmond, le fan du LOSC, j’étais à ma place. J’ai crié avec eux, j’ai chanté avec eux, j’ai insulté l’arbitre avec eux, et, évidemment, j’ai bu avec eux. Et un peu avant minuit, quand tout le monde est parti, je suis revenu au monde réel.
Je me suis rappelé que je n’aimais pas le foot, que je n’aimais pas l’alcool, et que je n’avais pas tant d’argent à dépenser dans une soirée au bar. Mais ce qui est sûr, c’est que le retour chez moi et le temps qu’il m’aura fallu pour m’endormir après ne m’auront jamais paru aussi courts.
Matttthieu Noël me casse le crâne en deux. La radio ne m’a jamais paru aussi forte. Quand j’ai voulu lever la tête à mon réveil, j’ai cru qu’on y avait attaché une enclume. J’ai regretté une première fois les quatre bières d’hier. Une deuxième fois quand dans un instant de lucidité j’ai consulté mon compte en banque. C’est fou comme l’alcool donne l’impression que l’on peut dépenser tout son argent, que tout ira bien quand même.
Péniblement, je me suis levé. J’ai tellement mal au crâne que je décide de prendre une douche glaciale. Je regrette tout de suite, mais ça m'a permit de reprendre mes esprits. J’ouvre mon chocolat. Encore un tout petit œuf de rien du tout. Certainement une mauvaise journée. Avant de partir, je prends un Doliprane, pour éviter le retour du mal de tête.
Fauché pour fauché, et vu mon retard déjà conséquent, je m’arrête à la boulangerie prendre un petit dèj’. C’est cher, mais c’est bon. Au lieu d’aller en cours, je m’assoie sur un banc face à l’école, et je regarde les gens passer. Au début, des étudiants en retard. Puis le paysage change avec le temps qui passe. L’heure est entamée, et les étudiants se transforment en ouvriers allant fumer une clope. Je change de banc, je déteste l’odeur. Puis une ambulance passe. Des gens qui courent. À neuf heures et quart, je les envie un peu. Et je me rappelle qu’actuellement, je suis assis sur un banc à ne rien faire, alors je me dis que c’est tout comme. Un gars qui promène son chien, ou un chien qui promène son gars. Des policiers à cheval, qui me regardent de haut comme s’ils voyaient un déchet. Il faut dire que je suis habillé comme un sac. Une calèche, conduite par un majordome au chapeau melon. Deux dames en sortent, vêtues de robes de princesses et parées de diamant. La calèche s’en va, mais ce n’est plus une calèche, c’est une citrouille. Le majordome est un rat, et il fouille dans les poubelles. Les éboueurs ne sont toujours pas passés. Et un groupe de soldats arrive en courant, la baïonnette au fusil. Ils embrochent les ouvriers en pleine pause, sous le regard horrifié des dames. Les policiers s’interposent en sifflant, et un arbitre signale le hors-jeu. Mais Dupont arrive, et transforme l’essai, directement dans la cage de la grue du chantier. La grue vacille et s’affaisse sur l’école. Des débris tombent dans la rue et une des dames se fait écraser net, dans un bruit terrible. Il y a du sang partout sur la chaussée. Je reçois un message d’alerte. Le couvre-feu vient d’être annoncé, les Russes nous tirent dessus. Ma brioche est presque finie, alors je rentre chez moi. Je ne voudrais pas être en infraction.
Arrivé chez moi, je vois la boite de Doliprane sur mon bureau. J’ai la tête qui se remet à tabasser, alors j’en reprends un. Je m’allonge dans mon lit, je tourne la tête, Yoda veille sur moi. Je ferme les yeux. Je vois des lumières violettes, des vertes et des bleues. Puis je ne vois plus rien, et je tombe dans un coma profond.
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