Chapitre 2

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J’ai commencé à faire de la muscu. Et des exercices de respiration. Comme si cela pouvait changer quelque chose. Jour après jour, inlassablement, j’ai poussé, j’ai tiré, j’ai soufflé. Mais je ne ressentais toujours rien. Aucune douleur. Comme si j’étais déjà mort.

Maintenant, j’ai ma morning routine, que je fais sans même y penser. Je ne dors déjà pas à cause du chantier, autant utiliser ce temps. Je me sens un peu comme Patrick Bateman. À la différence que moi, je ne tue personne. Pas encore, du moins.

Je ferais bien la danse. De l’escalade. Des randonnées sans fin. Mais je n’ai pas tout ce temps, alors je me contente de ça.

L’autre jour, j’ai regardé Mamma Mia. En fin de compte, je ne l’avais jamais vu. Le film avait quelque chose de nostalgique, et j’ai pleuré dès le générique de début. Et puis un peu après. Et encore plus loin. Avant que je le sache, j’avais fini une boite de mouchoirs, et je n’avais plus de larmes. Il faut croire que j’en avais besoin.

Ce matin, j’ai mis un verre d’eau à remplir. Ce soir, quand je suis rentré dans l’appart, tout était inondé. Je suis allé voir la dame de l’accueil. Elle a paniqué, elle avait l’air vraiment énervée. Je n’ai pas réagi. Je trouvais ça bête, toute cette eau gâchée. Mais dans le fond, je m’en fichais bien. Tout le monde s’affolait, et puis j’en ai eu marre, alors j’ai viré tout le monde, et je me suis couché. Mon lit au moins n’était pas mouillé.

Seul dans ma barque de matelas, au milieu des mangroves, je me suis réveillé. J’entendais des cris d’oiseaux que je n’avais jamais vu, et je ressentais une chaleur humide qui n’existe pas à Paris. J’ai ouvert les yeux, pour voir un ciel étoilé qui ne me disait rien, et une forêt touffue aux arbres exotiques, m’entourant de part et d’autre, éclairés par une lune qui aurait trop mangé.

Mon matelas glissait doucement au milieu des arbres, emporté par une rivière invisible. Le clapotis de l’eau, les cris des oiseaux par moment, et quelques autres bruits étranges.

Et soudain, je suis aveuglé par une lumière vive. Je me cache les yeux un instant, et me voilà au milieu d’un désert sans fin. Le vide, à perte de vue. Et toujours cette lune, gigantesque. Pas de bruit, pas de vent. Juste ce sable, et moi sur mon matelas. Je me mets debout, puis j’esquisse un pas pour sortir du matelas. Et je tombe. Tout à coup, tout est noir. La chute est infinie. Je sens ces guilis dans le ventre que l’on peut ressentir dans les manèges. Le temps est long, si long…

Et je me réveille, dans mon lit. Matthieu Noël à la radio, qui raconte des choses que j’ai l’impression d’avoir déjà entendu mille fois. Les grues, les travaux, inlassables, qui se réveillent. Pas de sable, pas de mangrove. Le sol est sec. Il n’y a jamais eu d’inondation. Et la même journée qui commence.

Je suis là, allongé dans mon lit, à regarder le plafond. Si blanc. Si lisse. Si lassant. Je le déteste. Il ne change jamais, lui. Il ne bouge jamais. Il ne peut pas ; c’est un plafond. Il est chanceux dans un sens ; et c’est si triste par ailleurs. Mais peu importe, c’est un plafond. Ou un plancher, cela dépend du point de vue. Enfin peut être pas, je suppose, comme j’habite au dernier étage. C’est marrant quand on y pense, pourquoi les toits d’immeubles sont-ils plats ? Toutes les maisons ont des toits penchés, est-ce que les immeubles sont immunisés face à l’eau de pluie stagnante ?

Je me lève. Aujourd’hui, j’ai le droit à une barre Kinder. C’est une bonne journée qui commence. Je me lave le visage, puis les dents. Je passe aux toilettes, l’eau devient verte, c’est joli, je tire la chasse, l’eau redevient bleue. La vie est un éternel recommencement.

J’enfile mes chaussettes. Des chaussettes chaudes, aujourd’hui il fait froid. Puis je m’habille. Je remarque la peau de banane sur mon bureau. J’ai encore oublié d’aller à la poubelle. Je la prends entre deux doigts, comme s’il elle allait me contaminer. Je la jetterais dehors, en passant.

J’arrive aux portes de l’école. Je ressens comme un sentiment étrange face à l’entrée. Peu importe. Je rentre.

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