6.    Confrontation

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L’attente était horrible et interminable. Le vieux mage avait exigé d’être sûr que son rival soit mort avant de générer le portail vers les terres d’Alyth. Laureley avait profité de ces heures inoccupées pour convaincre Styx de ne pas la suivre dans cette aventure. Elle s’apprêtait à rejoindre le temple d’Alyth pour… pour quoi au juste ? Libérer Khamsin ; ça, c’était certain, mais comment ? La déesse n’allait pas lui rendre tout simplement, car la jeune femme serait parvenue jusqu’à sa demeure en quelques jours. Elle devrait, sans doute, à nouveau combattre Alastor, pouvait-elle vraiment le vaincre ? Et si tout ce voyage était vain et qu’il n’y avait aucune fin heureuse à son histoire ? Une lueur de courage s’alluma dans son esprit embrumé de mélancolie : au moins, elle aurait fait tout ce qui était en son pouvoir pour libérer le prince. Peut-être le reverrait-elle, une dernière fois. Qu’il sache les sacrifices qu’elle était prête à faire pour l’aider. Quand elle y repensait, Laureley se sentait sale, les remords de ses actes lui rongeaient le cœur comme un odieux ver. Elle avait gratuitement tué quelqu’un. Un homme qui avait une femme et sans doute même, des enfants. Lorsqu’elle était dans le flot de la bataille, elle ne se posait jamais ce genre de question, car les faits étaient simples : c’est tuer ou être tué. Là, la donne était différente, elle a ôté la vie de quelqu’un dont elle n’a jamais vu le visage et qui n’a jamais vu le sien. Il était tombé sans même savoir ce qui s’était passé, pour quelle raison ? Seul le vieux mage la connaissait, elle n’avait été que son exécutante. Une odieuse nausée s’empara d’elle quand apparut auprès d’elle le vieillard en question. Il jubilait, se réjouissant de la mort que Laureley avait causée. En quelques secondes, il créa une porte irisée et invita la jeune femme à la traverser. Elle hésita cependant ; et si c’était un piège ? À moins qu’il ne la conduise vers un funeste sort, elle pourrait toujours revenir à Perlé se venger. Elle engloba du regard la pièce où elle se trouvait du regard. Styx n’était visible nulle part. Elle s’apprêtait à l’abandonner sans un merci. D’un autre côté, si elle lui faisait ses adieux en bonne et due forme, il essayerait une nouvelle fois de la convaincre de l’accompagner. Un raclement de gorge lui permit de comprendre que le mage s’impatientait, elle repoussa donc ses doutes et s’armant de tout son courage, traversa le portail.

***

Ce qui frappa Laureley lorsqu’elle eut franchi le portail fut le froid qui régnait en ces lieux. Elle se trouvait entourée de montagnes, les pieds profondément enfoncés dans la neige. Un vent violent secouait ses cheveux dans tous les sens et le peu de vêtements qu’elle portait ne la protégeait pas des bourrasques glacées. Devant elle se dressait un immense édifice en marbre noir qui jurait au milieu de l’étendue immaculée. Un colossal escalier menait à un perron sombre encadré d’impressionnantes colonnes et d’une gigantesque porte. Dès qu’elle posa le pied sur la première marche, la tempête stoppa brutalement, comme si le monument était entouré par une barrière de protection. Les certitudes de quitter ce lieu en vie s'étiolaient à mesure qu’elle s’avançait vers l’entrée. Une profonde angoisse la saisit lorsqu’elle toucha les deux battants. Elle pressentait signer son arrêt de mort en les poussant. Elle repoussa avec violence ses craintes et entra. L’intérieur était au moins aussi immense que l’extérieur, le noir et le blanc se mêlaient harmonieusement. Au bout de la pièce, une estrade montait vers une sorte de trône ; un savant mélange d’assise en velours et d’accoudoirs en marbre, le tout rehaussé par un dossier finement travaillé qui représentait un splendide dragon, les ailes ouvertes qui hurlaient silencieusement vers le firmament. Quand elle fut au milieu du temple, Laureley sursauta. La voix douce et mielleuse d’Alyth venait de retentir sur sa gauche.

  • Laureley Garrick, je t’attendais.

La jeune femme tourna machinalement le regard vers l’origine du son et son cœur se figea dans sa poitrine quand elle constata que la déesse n’était qu’à quelques pas d’elle.

  • Tu as fait vite, reprit cette dernière. Moins de cinq jours pour rallier Nazgat à ces lieux, c’est impressionnant. Et tout ça pour libérer le prince régnant sur le pays qui t’a condamnée à mort. Il reste des choses que je n’ai toujours pas comprises. Pourquoi tant de ferveur à vouloir le sauver ?

Laureley repoussa ses craintes pour afficher un air digne et déterminé.

  • Je suis général des armées, commença-t-elle…
  • Tu étais général des armées, contredit la déesse. Et si Alastor n’était pas intervenu, tu ne serais rien de plus qu’un cadavre putréfié se décomposant lentement à la chaleur du soleil d’Eranshar.

Alyth avait raison et cette vérité, aussi simplement énoncée, troubla Laureley plus qu’elle ne se l’était imaginée, mais la suite de ses paroles l’acheva :

  • Et je ne comprends toujours pas. Tu as traversé le désert au péril de ta vie, tu étais prête à vendre ton corps pour obtenir une traversée de la mer, tu as tiré un trait sur tes valeurs en tuant de sang-froid un inconnu, tout ça pour sauver le prince d’un pays qui t’a renié. Pourquoi ?

Laureley avait à cet instant fermé les yeux pour ne rien laisser paraître de ses sentiments, mais la déesse semblait lire en elle comme dans un livre ouvert :

  • Parce que tu l’aimes, énonça-t-elle tout simplement. Comme c’est touchant.

Elle lui posa une main compatissante sur l’épaule puis retourna à son trône tout en déclamant :

  • Khamsin Khaan est un vil personnage. Tu n’as aucun futur avec lui. Je sais comment votre relation va s’achever. Tu le libèreras, tu vivras quelques mois merveilleux à ses côtés puis un jour, il partira et plus jamais tu ne le reverras. Tu mourras seule dans la misère et la pauvreté tout en maudissant son nom.

Elle arrivait à son trône lorsqu’elle se retourna théâtralement pour lui proposer :

  • Je peux t’offrir un sort bien plus enviable. Rejoins mes rangs, accepte de me servir et je ferai de toi le général en chef de mes armées. Tous apprendront à te craindre et tu reverras Nazgat en conquérante.

L’offre était des plus alléchantes, mais le cœur de Laureley ne céda pas à la tentation. Elle tira sa lame au clair et somma :

  • Rendez-moi le Prince Khaan.

Alyth se fendit d’un sourire amusé et lâcha dans un haussement d’épaules.

  • Soit.

Elle prit place sur son trône tandis qu’à sa gauche, Alastor apparaissait. Il semblait encore plus impressionnant en ces lieux. La pointe de son épée trainait au sol dessinant un sillon sur le marbre puis, se positionnant en face de Laureley, il l’empoigna à deux mains, invitant son adversaire à l’affronter si elle voulait sauver son prince.

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