Comment tu vas bien ?

2 minutes de lecture

Le genre de question qui me met de travers, direct.

Décryptons.

D’abord une histoire rapide de cette expression de politesse s’enquérant bienveillamment de la santé de son interlocuteur. Le meilleur indicateur de santé au Moyen-âge était de l’état des selles, donc tout logiquement on demandait comment ça allait de ce côté-ci, vu qu’on n’avait pas tout à fait les mêmes pudeurs. Si l’on ne se préoccupe plus trop aujourd’hui de ce qu’il se passe au water-closet chez les autres, l’idée générale reste la même, la marque d’attention porter à l’autre, et qui passe par la santé, physique ou morale.

Et il ne me paraît pas très attentif à l’autre justement de l’enfermer dans une question à réponse unique. Où on lui interdit direct d’être d’humeur maussade, voire tristoune. Non ! Il faut impérativement que ça aille bien, bon sang de bois ! Ou l’happycratie dans sa forme la plus irrespectueuse. Car interdire à l’autre de porter à notre connaissance ses états d’âmes, fussent-ils pessimistes, n’est effectivement qu’une marque de mépris de ce qu’est l’autre, avec ses hauts et ses bas.

Mais d’où vient cette expression qui a le don de me mettre à l’envers ? La Langue française sur son site donne déjà cette définition : salutation interrogative familière et amicale avec l’espérance d’une réponse positive. Depuis 2010 jusqu’à 2016, Stéphane Bern animait une émission de consommation consacrée au bien-être et à l’art de vivre (source Wikipédia) sur France 2, Comment ça va bien ! Et de l’exclamatif, on est passé à l’interrogatif dans le langage courant. Cœur de cible, les classes populaires qui n’ont qu’une envie, échapper à leur grisaille, ce qui reste assez naturel, voire même est plutôt sain. Donc ces personnes ne sont pas très disposées à l’effet Jokari qui les ramène à leur vie pas toujours très rose. Ce qui peut expliquer cette appropriation, quitte à en faire une question définitivement fermée.

Reste que j’ai du mal avec cette question biaisante. D’autant que, pour qui a le malheur à être dans les problèmes, ce qui en définitive arrive plus souvent qu’on ne le pense, il ne lui reste pas beaucoup d’options en définitive pour vivre en société. Vite l’impression d’être relégué en marge des autres. Je préfère quelqu’un qui exprime ce qu’il est, même pudiquement, mais sincèrement, que quelqu’un enfermé dans un faux-self et dans un positivisme forcé. M’agace.

Et qu’a-t-on vraiment à perdre en acceptant les états d’âme parfois amochés des autres ? À faire plus attention à eux. Le bout du monde quoi ! À les écouter ? Je n’ai jamais trouvé que c’était une perte de temps, bien au contraire. Parfois, parce que justement, on les a écoutés ces personnes, on arrive à trouver des solutions en adéquation avec ce qu’ils peuvent faire et à leurs désirs. Là encore, le bout du monde ! Et quand une bonne nouvelle arrive, je dois dire qu’on est encore plus heureux en sachant par quoi elle est passée. On est plus heureux, ensemble, parce qu'il se partage ce moment-là.

Écoutez les autres, même dans leurs instants pas drôles. Sortez de cette question étriquante, même si j’en comprends les ressorts, vous avez tout à y gagner. En humanité déjà.

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