Le loup sauta dans sa direction. Pas le temps de dégainer son arc. Les crocs se dirigeaient vers sa gorge. Elle pivota sur sa jambe droite, avança la main sur la bête. Lorsqu'elle toucha sa fourrure, elle activa son sort. Un éclair violet déchira les chairs putrides. Le loup s'effondra sur le chemin de terre. Annah continua sa route sans plus jeter un regard en arrière. Même si elle n'avait fait que se défendre, son cœur était empli de regrets. Pourquoi avait-elle reprit sa marche aussitôt ? Elle aurait dû dire une prière pour cette pauvre créature. La Folie s'était emparée de ce loup, il n'était pas responsable de son attaque. En tant que druidesse, elle aurait dû apaiser son âme avant son voyage dans les limbes. Mais ses pas la portaient ailleurs sans qu'elle ne le veuille. Encore une fois, elle suivait un chemin sans vraiment le désirer.

Parfois, elle se demandait si la Folie ne s'était pas aussi emparée d'elle. L'idée la fit frissonner et un malaise l'envahit. Elle ne savait plus contrôler ces sensations par la simple force mentale. Elle voulait s'en débarrasser. Sans cesser d'avancer, la jeune fille sortit une bouteille de terre de la besace de cuir qui pendait à sa hanche et ôta le bouchon d'un coup de dents. En levant la tête pour avaler sa boisson, elle remarqua que le soleil n'était pas encore à son zénith. Elle qui n'avait jamais avalé une goutte d'alcool avant le début de sa quête buvait de plus en plus tôt. Tant pis. L'alcool lui brûla l'œsophage, la fit tousser. Encore quelques instants et son esprit serait suffisamment embrumé. Son malaise et de manque de contrôle disparaitraient de sa conscience pour quelques heures.

La plaine se changea en vallon. La route se rapprocha d'une rivière transparente. On pouvait même y voir les poissons remonter le courant à la recherche de leur frayère. De l'autre côté de la rive, un ours à la fourrure noire rayée de brun observait ce manège aquatique sans prendre ombrage de sa présence. Un peu plus loin, une petite cascade frémissant derrière un arc-en-ciel. L'endroit était idyllique. Un cerf magnifique sortit du sous-bois, la vit et s'approcha à pas élégants et confiants. Cette rencontre la fit sourire : elle n'avait pas perdu son aura de druidesse. Elle se sentait à nouveau elle-même. Peut-être la paix de cette vallée y était pour beaucoup. Sa main plongea dans sa besace : un biscuit salé ferait plaisir au cervidé. Lorsqu'elle leva le bras, elle réalisa que sa flèche venait d'être encochée.

— Non.

Le souverain des bois approchait tranquillement. La corde se tendait.

— Va-t'en ! hurla-t-elle.