Chapitre 3

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L'élue alla chercher sa flèche puis déboucha une nouvelle bouteille de gnôle. Alors qu'elle finissait de boire, le sentiment d'une profonde plénitude l'envahit. Elle n'avait pas vécu cela depuis plusieurs jours. C'était comme une sphère de lumière verte phosphorescente qui émanait de ses entrailles et grandissait jusqu'à l'englober toute entière. Aucune lumière n'était pourtant visible mais c'étaient les seuls mots que la druidesse arrivait à mettre sur cette sensation. C'était agréable mais annonçait une nouvelle amertume. Un espoir l'étreignait pourtant. Peut-être que cette fois-ci serait différente. Après tout, ne venait-elle pas de vaincre facilement deux spectres de Dève ? C'était la première fois qu'elle les avait anéantis sans mal. Elle avait gagné en expérience, elle était devenue plus forte, elle avait tué suffisamment d'êtres, de créatures innocentes. La druidesse était devenue pire, plus mortelle encore, que le Source qu'elle devait tuer. Il était temps. Six mois depuis l'élection des haut-prêtres. Six mois qu'elle parcourait le pays pour s'améliorer. La jeune fille voulait reprendre sa vie d'avant.

Annah leva la tête. Au sommet de la montagne se trouvait la forteresse qui abritait son ennemi. Elle projetait une lueur bleue sinistre sur les nuages qui s'écrasaient contre elle. Des contreforts avaient été construits sur les flancs, comme les pattes d'une araignée de pierre. Le reste du château semblait plutôt avoir été creusé dans la roche, comme une bête creuse son terrier, lui donnant l'impression d'avoir été construit avec plus d'instinct diabolique que de logique. Par endroits, la roche formait des coussins rebondis comme des bubons sur la peau d'un pestiféré, dans d'autres, elle s'effritait en pointes acérées. Elle vit l'une d'elle tomber dans le vide puis s'écraser en mille échardes au pied des versants. Elle n'en était plus loin, il fallait en finir. Elle fit un pas qu'elle ne termina pas. Dans l'espace d'une seconde, l'amertume était apparue : à nouveau, elle avait ce vilain sentiment de déjà-vu. Elle secoua la tête alors que l'angoisse nouait les muscles de son dos. Il fallait avancer.

Elle se mit à courir vers l'antre. Ce chemin qu'elle n'avait jamais vu lui était familier. Passer à droite de ce rocher, à gauche de l'arbre, sous le portique de pierre qui indiquait l'entrée, se baisser pour éviter l'éclair magique de ce mort-vivant qu'elle n'avait pas détecté, avancer encore. Elle tendit la main devant elle, un bouclier transparent aux reflets verts se matérialisa devant elle, juste à temps pour stopper un autre sort. Elle sortit son arc et décocha une flèche empoisonnée. Le cadavre animé eut un mouvement de recul avant de sauter vers elle en trois bonds démesurés. Elle tomba en arrière, déséquilibrée par sa puissance. Annah eut le temps de poser son avant-bras contre sa gorge. Elle pouvait à nouveau sentir son haleine fétide qu'elle n'avait jamais sentie auparavant. Encore ce déjà-vu. Comme à chacun de ses pas et de ses mouvements depuis les ruines de l'Ancien Temps. Cette sensation la révulsait plus que la vue du corps décomposé et décharné, puant et suintant contre qui elle luttait. Annah glissa sa main gauche à sa botte et en sortit un poignard d'argent. Elle trancha la gorge du mort vivant. Une substance visqueuse verdâtre s'en échappa et se déversa sur son visage. Elle eut un sursaut de dégoût et se dégagea le plus rapidement possible de la dépouille qui s'était effondrée sur elle. La druidesse essuya la matière visqueuse du revers de sa manche. Le déjà-vu avait disparu mais elle était trop écœurée pour le remarquer. Elle voulait se débarrasser de ce liquide poisseux au plus tôt. Elle recula d'un pas mais glissa sur les asticots qui quittaient le cadavre. À demi-aveuglée par le sirop du mort, elle tomba à genoux. Ses mains écrasèrent les vers blancs et gras. Elle eut un haut le cœur et vomit. L'odeur de l'eau de vie à demi digérée la fit rendre plus violemment encore. Après quelques minutes, elle se releva et s'essuya la bouche avec son autre manche. Elle se dégoûtait. Ses vêtements étaient couverts de crasse, déchirés par les ronces, brûlés par les pièges des tombeaux qu'elle pillait contre son gré. Elle n'avait plus envie que d'un bain pour se débarrasser de ces immondices. Mais la Source se trouvait là, dans la forteresse.

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