Je t’en prie. Si je suis au bord du gouffre, tends-moi la main.
Combien de fois me suis-je posé cette question ? Es-tu heureuse ? Le bonheur semble juste devant moi, mais quand je tends la main il m’échappe. Peut-être que c’est ce que je veux, être malheureuse, être prise en pitié. Pourtant, dès que je le peux, je crie que je suis forte sans faiblesse. Je vacille sur cette ligne entre bonheur et paresse. J’aimerais vivre au travers des pages d’un roman, mais je préfère rester dans ce cocon imparfait. Les yeux rivés vers le passé et les fautes commises, plutôt que de regarder l’avenir avec ambition. Tellement de contradiction que mon esprit se perd, divague vers le désespoir. Je veux du changement, mais je reste figée dans le présent. J’aimerais être une autre, mais je remets tout à plus tard. J’essaie de m’aimer, mais je n’arrive qu’à me haïr. Trop bête, trop laide, trop triste, trop indécise, trop flasque, trop insouciante, trop de travers pour être une bonne personne. Comment être heureuse, si la personne dans le miroir est un monstre. J’ai essayé de me battre, de croire au changement. Je cours après la lumière, alors que le gouffre grandit à chacun de mes pas. Et si je décide d’arrêter de courir ; et si cette lumière était simplement impossible à atteindre ; que se passerait-il ? Ce gouffre que je n’arrive pas à combler qui s’étend de plus en plus. les années sont passées pourtant je les entends encore : « C’est moins bien que tes frères et sœurs. » « Tu ne comprends rien, t’es bête. » « Tu es banale, tu n’as rien d’exceptionnel. » « Je n’ai pas celle que je pensais. Je pensais que tu étais une fille joyeuse. » J’entends leurs rires. Je suis fatiguée d’essayer, j’ai besoin d’être cette personne que je rêve d’être : gentille, douce, conciliante, déterminée, sûre, forte, intelligente, Heureuse… Seulement, c’est un rêve et je suis paresseuse. Je veux que ce soit facile. Je ralentis ma course et le bord du gouffre frôle mes talons. Je suis épuisée de courir après cette chimère. Le plus simple est de s’arrêter et tourner les talons. Je regarde le gouffre, c’est là ma liberté. Il suffit d’un pas et cette angoisse s’arrête. Cette douleur qui empoisonne mon cœur et mon esprit disparaît. Un petit pas et ma vie s’arrête. L’obscurité et le froid m’envelopperont comme de vieux amis. Mon cœur me fait souffrir, mais bientôt je serais en paix. Un dernier regard et tu es là à me sourire. Je ne peux pas retenir mes larmes. Tu t’approches doucement. Est-ce que tu souffriras quand je ne serai plus là ? Je veux que tu puisses continuellement vivre dans le bonheur. Tu es un soleil et je suis les nuages qui assombrissent tes journées. Tu avances encore et attrapes ma main. Ta chaleur réchauffe mon sang glacé. Tu m’attires pour me guider vers la lumière, mais pourquoi ? Mes défauts sont visibles, alors pourquoi les ignores-tu ? Pourquoi me dis-tu que je suis toutes ces choses que je ne suis pas ? Pourquoi m’aimes-tu, alors que je me hais ? Je te suis et le gouffre ne me poursuit plus. L’air se réchauffe. La boule qui m’empêchait de respirer diminue. Pour la première fois depuis longtemps, je relève la tête et inspire un air pur. Je restais toujours dans ton ombre de peur que la lumière ne m’éblouisse. Tu continues à me tirer, afin que je me tienne à tes côtés. J’oublie parfois ce gouffre qui se trouve derrière nous. Pourtant tu sembles totalement l’ignorer comme s’il n’a jamais existé. Tu nous guides vers cette lumière qui ne me fuit plus. Je me force à ne pas regarder en arrière de peur que tout disparaisse. A tes côtés, je me sens plus forte, plus belle, plus déterminée et heureuse.
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