[Partie I - La Providence] Chapitre 13 : La Loi Kano (ante meridiem)
Chapitre 13 : La Loi Kano (ante meridiem)
Sans perdre de temps, Sulina se rendit dans l’aile des ouvrages scientifiques et plus précisément des ouvrages de sciences physiques derrière lesquels personne ne semblait se bousculer. L’impasse dans laquelle se trouvaient le rayonnage était, en effet, déserte. La jeune femme se saisit alors avec désolation de « Loi Kano : théorie et usage » de J.H. KORK mais aussi de « Radiations non ionisantes – quand le magnétisme nous joue des tours » de O. DE GAURN.
En feuilletant ce dernier afin de vérifier, via sa table des matières, que l’ouvrage lui serait utile, Sulina tomba sur un mot, une feuille de papier blanc d’environ 8x12 cm sur laquelle était écrit en lettres minuscules :
« Tu es en danger ici ! Ils te veulent du mal. Ne fais confiance à personne. Quitte la Providence, ton destin en dépend. Nous t’y aiderons, à condition que tu le crois…»
La jeune fille sourît à la lecture de ce message qu’elle trouva enfantin, bien qu’énigmatique. Elle le remit à sa place et se précipita vers ses amis pour partager avec eux sa découverte.
Tous, comme Sulina, n’y prêtèrent qu’une attention très relative avant de se replonger dans leurs lectures respectives. L’intérêt de ce message leur paraissait très limité, persuadés qu’il émanait d’une plaisanterie sinon morbide au moins douteuse.
Sulina prit soin de conserver le bout de papier dans sa poche, d’une part pour ne pas être accusée par les emprunteurs suivants d’avoir rédigé ce mot, mais également parce qu’une partie de son être, tapi au fond de son inconscient, souhaitait croire en ce message. Elle reprit son travail et griffonna dans son cahier des notes sur les deux ouvrages qu’elle venait d’emprunter. Le temps s’écoulait inlassablement et la jeune fille retourna dans l’impasse dédiée aux sciences physiques afin d’y remettre les deux livres et en emprunter des nouveaux. Les rayonnages de ces ouvrages étaient sans vie et monotones et ne reflétaient pas la magie des sujets qu’ils pouvaient renfermer. Sulina se saisit d’un ouvrage plus spécifique qu’elle se mit à feuilleter avant de tomber, à nouveau, sur un morceau de papier identique au précédent sur lequel était écrit avec les mêmes lettres :
« Ne fais confiance à personne S. Ce que tu peux vivre dépasse les limites de l’amitié. Les portes s’ouvrent devant toi mais risquent de se refermer si tu ne nous suis pas. Tu as le choix : vivre ou périr. Ce choix est immuable et tu es seule face à ce dernier. Referme cet ouvrage et poursuis ton travail. Nous te recontacterons très bientôt… »
A la lecture de ce message, Sulina devint blême et instinctivement se retourna vers les allées silencieuses de la bibliothèque afin de repérer celui ou celle qui se moquait d’elle, celui ou celle qui la surveillait. Il n’y avait autour d’elle que des adolescents, quelques maestros, des surveillants et les personnels des rayonnages. Il ne s’agissait que de personnes qu’elle côtoyait au quotidien dont certains semblaient déambuler sans objectif sur le sol feutré du bâtiment. Elle était partagée entre la colère face à une éventuelle mauvaise blague et la peur de l’inconnu, la peur d’une vérité qui lui échappait. Elle s’empara du message, le rangea dans sa poche, la main tremblante, et se saisit d’un second ouvrage avec la crainte, à tort, d’y découvrir un troisième message.
Consciente malgré tout que son travail devait continuer, Sulina se remit avec beaucoup de difficultés à la tâche et retourna à sa place. De retour à la table, elle tenta de cacher, tant bien que mal, les émotions qui la frappaient à ses camarades plongés dans leurs ouvrages. Lony leva la tête machinalement en direction de sa comparse qui approchait de la table et, constatant un malaise, lui murmura :
– Ca va Su ? Tu as une drôle de tête !
– Oui oui rassure toi. J’ai juste des nausées et un coup de fatigue.
Sans plus de détails, la jeune fille plongea le nez dans ces deux livres et se mit à prendre des notes sans réelle cohérence, son esprit étant à mille lieux des écrits qui se dévoilaient sous ses yeux. Le temps semblait ralentir et l’attention de Sulina n’était portée que sur ces deux messages laconiques dont elle ne savait s’ils étaient à prendre ou non au sérieux. Une seule question tournait en boucle dans son esprit : et s’ils disaient vrai ?
La jeune femme fut sortie de ses pensées par les différents chuchotements autour d’elle au sein de la bibliothèque qui marquaient l’arrivée imminente de la pause déjeuner. Les quatre adolescents fermèrent à leur tour leurs ouvrages avant de se rendre à la cafétéria.
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