IV

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Daniel et Chloé restèrent silencieux pendant que le véhicule se frayait un chemin à travers la circulation. Une fois rue Charter, Daniel se gara et l’interrogea à voix haute tout en se grattant le menton.

— Tu crois que c’est comme l’autre ?

Chloé hésita.

— Tu penses à quoi ?

— Lentement, sans regarder sa coéquipière, Daniel articula doucement : non, je ne pense à rien de spécial.

Agacée par ses hésitations, Chloé éructa.

— Alors, accouche, tu penses à quoi ?

— Rien ne colle avec un tueur en série quelconque ! Alors, je ne sais pas, et toi, t’as une idée ?

Elle expira, instantanément de la buée se forma sur le pare-brise, un léger rictus embarrassa ses traits réguliers, sans mot dire, elle s’extirpa de la voiture. Daniel, intrigué par son silence, la suivit aussitôt et la rattrapa. Chloé baissa la tête et mit ses mains dans ses poches. Au vu de son embarras, Daniel se refusa à toute question et calqua ses pas sur ceux de sa coéquipière.

Une fois passé le cordon de sécurité, les deux collègues se retrouvèrent aux côtés du légiste qui notait certains éléments dans son calepin. Les visages consternés des autres collègues indiquèrent à Daniel que la scène présente tenait de l’impossible.

Chloé prit la parole la première.

— Identique à la première, d’après ce que je vois.

— Tout à fait, répondit Parker, on ne peut rien te cacher.

Pendant que Daniel faisait le tour de la scène à la recherche d’indices, Chloé demanda.

— Ses yeux sont de quelle couleur ?

— Marron clair, pourquoi ?

— Je peux voir, s’il te plait ?

Parker souleva la paupière droite, puis gauche du cadavre. Chloé regarda à son tour tout en expirant, le légiste, l’œil interrogateur, s’exclama.

— Tes conclusions, c’était quoi ton idée ?

Embarrassée par cette question impromptue, elle bredouilla.

— Je me demandais si leurs yeux étaient de couleur violette.

Le légiste, amusé par cette réflexion allait répondre, lorsque Daniel intervint à son tour.

— C’était quoi son nom ?

Parker répondit en lisant son début de rapport.

— Abigail Faulkner.

Souriant à l’écoute de la réponse, Daniel répliqua en secouant légèrement la tête de haut en bas.

— Comme par hasard !

Chloé regarda Daniel sans comprendre, son regard se porta ensuite sur Parker qui fit la moue sans saisir le pourquoi de cette affirmation.

Daniel continua et, sûr de lui, demanda :

— Euh, Parker, tu peux me dire si vous avez passé le mur au luminol ou si vous l’avez éclairé avec de la lumière orangée ?

— Pourquoi faire, il n’y a pas de sang versé, le corps est desséché et je ne sais pas même pas comment c’est possible ?

— D’accord, je comprends mais il faut essayer.

— Tu penses à quoi ?

— Rien, une intuition.

— Ben, si elles sont comme celles de Chloé, répondit-il sur un ton sarcastique.

Chloé s’approcha de Daniel et le questionna du regard. Il sourit exagérément pour ne pas répondre.

— C’est qui Abigail Faulkner ?

— Comme la précédente victime, c’est le nom d’une des sorcières de Salem.

— Ah, d’accord, donc deux maintenant, et tu ne peux pas croire au hasard ?

— Je ne peux pas déjà faire un lien avec les sorcières historiques mais il m’est tout autant difficile de croire à un hasard.

Un technicien vint asperger les murs avec du « Luminol »[1]. Une fois les éclairages éteints, Daniel se planta devant le mur, un grand sourire illumina son visage.

— Voilà, un indice, enfin…

Il se retourna vers Chloé qui, les bras croisés, regardait sans mot-dire ce qui marquait le mur. Une forme luminescente jaune se dessinait. Elle se retourna vers Daniel, presque émerveillée par cette découverte.

— Mais Daniel, c’est quoi ?

— Peut-être le début de la solution.

— C’est quoi au juste cette étoile ?

— C’est un pentagramme, pour être plus précis, un pentagramme inversé, c’est-à-dire qui a la pointe en bas, cela représente la domination de la matière sur l'esprit. Il s’agit d’un symbole qui est utilisé par les satanistes.

Chloé resta bouche bée devant les propos de Daniel.

—De la sorcellerie, si je comprends bien, fascinant, est-ce encore possible de nos jours ?

— Il faut croire que oui, même si…

Chloé s’exclama.

— Même si ?

— Même si ce n’est qu’une mise en scène. Il faut vérifier sur la première scène de crime, s’il y a également un signe de ce genre.

Daniel demanda à Parker d’envoyer une équipe sur place.

De retour au bureau, Daniel, les yeux rivés sur le rapport d'autopsie fraîchement imprimé, se triturait le menton, circonspect. Parker avait rédigé avec une minutie certaine tous les éléments relevés qui pourraient orienter la recherche de la vérité. Daniel prit une profonde inspiration avant de commencer la lecture à haute voix.

**Rapport d'autopsie**

*Nom du défunt : Sarah Buckley

*Date de l'autopsie : 7 octobre 2024*

*Cause du décès : impossibilité de se prononcer au regard des éléments. Il est fait état au vu des tissus que le corps a subi une sorte de dessèchement rapide dont il est impossible, au regard des connaissances actuelles, d’en définir l’origine.

*Heure estimée du décès : Entre 22h00 et 23h00 le 6 octobre 2024*

Daniel posa le rapport sur son bureau et se tourna vers Chloé qui venait d'entrer avec les résultats des enquêtes de voisinage.

**Enquêtes de voisinage**

Chloé entra et s’assit à son bureau, juste en face de celui de Daniel. Rapport en main, elle lit.

— Madame Bernard, qui habite juste en face la victime, a constaté que sa voisine recevait car elle a entendu la porte de Sarah Buckley s’ouvrir vers 19h30, il y a eu quelques échanges rapides de bienvenue puis elle n’a plus rien entendu. A l’écoute des voix, il s’agirait plutôt d’une femme qui connaissait bien la victime.

Au sein de l’immeuble, personne n’avait rien vu, ni rien entendu.

— D’accord mais au dehors de l’immeuble, sait-on comment cette personne est venue, il y a des caméras, il me semble ?

Impressionnée par ce questionnement, Chloé jeta un regard ironique à son coéquipier.

— Quelle intuition monsieur le policier : tout à fait, un voisin, M. Kirby, qui sortait son chien a vu une voiture noire garée près de la maison de la victime vers 22h00-22h30 démarrer et il s’agissait bien d’une femme, mais il n’a vu, ni son visage, ni sa plaque d’immatriculation.

— Et la voiture, quel type ?

— Une berline classique de couleur sombre mais il n’a pas été capable de la décrire ou d’en donner la marque.

— Bien, cela nous donne quelques pistes. Nous devons vérifier les enregistrements des caméras de surveillance dans le quartier et voir si nous pouvons identifier cette voiture. Et il faut aussi interroger à nouveau les témoins pour obtenir plus de détails.

Chloé fit grise mine.

— C’est déjà fait, les caméras sont hors-jeu et le témoin, M. Kirby, a tout de même précisé que la femme qu’il avait vue était blonde, de taille moyenne, petite quarantaine, il n’a pas été en mesure d’être plus précis.

— Il faut donc axer nos recherches sur cette femme mystérieuse.

— Un peu mince au vu de la description.

— Pas faux.

A peine eut-il prononcé ces mots que la porte du bureau s’ouvrit. Parker entra en coup de vent.

— T’avais raison Daniel, il y a aussi cette sorte de croix dans l’appartement de la première victime.

— C’est pas une croix, c’est un pentagramme inversé, un signe satanique.

— Oui, ben, si tu veux.

— Des inscriptions ?

— Rien du tout, juste ton pentagramme, bon, j’y vais, j’ai des autopsies à faire, à plus.

Parker sortit aussi vite qu’il était rentré. Chloé scruta le visage de Daniel à la recherche de toute grimace susceptible de lui traverser l’esprit.

— Toujours ton idée de sorcellerie ?

Daniel, doigt sous le menton, la moue victorieuse, secoua la tête de haut en bas.

— On n’a rien d’autre.

Chloé dévisagea Daniel, puis son regard perplexe se posa sur le rapport d’autopsie. Elle prit son menton entre son pouce et son index, ses yeux remontèrent calmement vers ceux de Daniel afin de capter son regard, de ses lèvres crispées s’échappa un « si tu le dis » à peine audible. D’un sourire inquiet, elle répondit à celui, rassurant, de Daniel qui, fier de son intuition, tapota sur le bout de son nez avec son index.

[1] Le luminol est utilisé en criminalistique pour détecter les faibles traces de sang et de liquides divers laissés sur les scènes de crime.

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