Le soir même, après que Rashnoé a ramené Loënia en voiture, celle-ci se mit en quête de trouver les informations qu’ils avaient pu glaner au sujet de ses parents biologiques. Si elle ignorait qu’elle et Noé avaient fait une enquête, elle voulait retrouver ses informations. Elle savait qu’elle avait dû noter quelque chose quelque part et qu’elle avait dû les cacher dans sa chambre - qui était la pièce la plus sûre de la maison à ses yeux.

Elle fut interrompue par Raison qui entra dans sa chambre après avoir entendu que sa sœur était rentrée. Elle débuta une conversation au sujet d’Amare et de ses incroyables yeux ainsi que la façon dont ils s’étaient croisés par hasard dans le supermarché de Cryset.

-Qu’est-ce que tu cherches ? Demanda Raison qui s’était assis sur le lit de sa sœur.

Loënia, étalée par terre, passait sa main sous sa bibliothèque.

-Je cherche des documents que j’aurais pu cacher entre octobre et novembre.

Raison, soudainement intriguée, se pencha vers elle.

-Quel genre ?

-J’avais débuté des recherches avec Noé sur mes parents biologiques. On aurait trouvé une correspondance, apparemment.

Elle hésitait car elle ne voulait pas révéler à sa sœur qu’elle s’était faite enlever par des vampires qui les avaient relâchés presque aussitôt. Loënia se glissa sous son lit pour éviter de parler davantage. Elle ne découvrit rien outres une montagne de moutons de poussière. Elle tira l’unique boîte en carton sous son lit et l’ouvrit.

Raison sourit en regardant le contenu. Il y avait deux peluches, des bouchons de bouteille en liège, un vieux crayon en forme de coquillage, une fleur en plastique, une balle en mousse et même quelques cailloux du jardin. La joie momentanée fut chassée de son esprit par la réalité des faits : il n’y avait rien de dissimulé dans sa chambre. Elle soupira d’exaspération. La patience n’était pas son point fort.

-Je fouillerai dans mon armoire tout à l’heure mais je sens bien que je ne trouverai rien. Peut-être que mes recherches étaient dans mon ancien portable.

Elle se demanda, si elle n’était pas tombée, ce qui lui était arrivé pour perdre deux mois de sa vie. Et ce qui était advenu de son téléphone portable.

Suite à tous ces événements, Loënia tomba malade. Après tout, entre la découverte de son meilleur ami, un enlèvement par des vampires, les sortilèges qu’elle usait pour retrouver la mémoire, les mensonges et aussi la baignade dans une eau à dix degrés, ce n’avait rien de surprenant.

Elle se réjouissait que Rubis soit aussi gentille et lui prenne les cours. Cette dernière l’avait d’abord menacée en lui disant qu’elle avait l’obligation de retourner en cours dès lundi prochain, car elle était, à l'exception d'Elise leur amie commune, sa seule bonne connaissance de la fac.

Loënia passa cinq bonnes journées sur le canapé ou dans son lit à lire. Sa mère, qui ne revenait du travail qu’après dix-huit heures d’habitude, s'arrangeait pour revenir plus tôt et lui faire de la soupe. Si Loënia n’aimait pas trop cela, elle n’en dit rien et se laissa dorloter toute une semaine.

Un après-midi, elle sourit d’amusement en voyant sa petite-sœur se faire réprimander par sa mère. Cette dernière était furax car Liséa utilisait “un vocabulaire de délinquant” qui n’était en fait que le langage d’une adolescente française au collège de Cryset.

Loënia, à chaque fois qu’elle posait les yeux sur tous les bracelets et les breloques que sa sœur portait, pensait à Noé et à aux bagues glissées sur ses doigtds. Ils s’étaient envoyé des SMS tout le long de la semaine. Elle avait paniqué lorsqu’il avait proposé de lui rendre visite quand sa mère et ses sœurs n’étaient pas là. Si Loënia savait que Rashnoé, dans le pire des cas, pouvait fuir par la porte qui donnait sur l’arrière jardin, elle craignait que la maison ne réagisse mal. En effet, lors de l’anniversaire de Raison, quand elle avait 9 ans, le gâteau avait éclaté à la figure d’une petite louve et les ballons avaient suivi un jeune sorcier dans tout le jardin. Si Loënia avait trouvé cela très drôle, Ambatine n’avait pas du tout apprécié la plaisanterie. Ses positions sur les autres espèces étaient moins dures quinze ans auparavant que maintenant.

Bien qu’avril soit là et que le printemps s’était bien installé sur le Finistère, il faisait rarement plus de quinze degrés à Cryset. C’est pour cela que Rubis et Loënia, respectivement couverte d’un t-shirt et d’un pull - puisque les loups ne craignent pas le froid, mangèrent dans le self de leur faculté et non dehors, comme initialement prévu. Le soleil était présent mais ne semblait être qu’une illusion dans le ciel. Il ne chauffait strictement rien.

Elles profitaient d’un coin plutôt tranquille, pas très loin d’un groupe de sorciers, pour discuter de leur seconde vie mystique. Ici, elles étaient étudiantes au même titre que les autres. Si Rubis pouvait avoir de meilleures notes en sport auparavant, elle n’avait pas cette matière à la fac et ne pouvait donc pas privilégier de cet avantage. Quant à Loënia, chaque copie de chaque examen étaient, en France, examinée par un sorcier ou par une fée pour révéler les sortilèges ou les enchantements qui auraient pu servir pour obtenir une meilleure note. Si un étudiant osait triché, il était puni de cinq ans sans examen.

Rubis apprit à son amie qu’elle avait hâte que l’année se finisse car elle se sentait assez seule dans son appartement étudiant. Loënia, qui ne connaissait pas ce genre de solitude, ne put que compatir.

Rubis, éternellement joyeuse, voulut changer de sujet.

-Et toi, quoi de neuf ?

Loënia but deux longues gorgées d’eau pour se donner du courage. Elle reposa lentement le verre d’eau sur son plateau.

-Je suis allée voir mon cousin, Braken, avec Rashnoé. Il a accès a plein de vieux livres car le palais possède sa propre bibliothèque et, tu peux me croire, elle est extraordinairement fournie. Je me disais que mon cousin pouvait nous aider, tu vois.

-Il n’a rien pu faire ?

-Si, au contraire. Il nous a appris que je n’étais pas tombée. Mes souvenirs sont bloqués par un sortilège ou un enchantement. C’est…” Loënia tritura ses pommes de terre. “... vraiment formidable.

Loënia regarda sur sa gauche le groupe de sorcier. L’un d’eux remettait ses lentilles discrètement, ce qui donna à la fée l’opportunité d’observer ses yeux orangés. Le sorcier semblait avoir une boule de feu à la place de l'œil gauche. Remarquant qu’on l’observait, Loënia lui sourit avant de détourner la tête.

-Déjà, le fait que quelqu’un m’ait ensorcelé me rend malade, mais il y a autre chose.

-Ah, parce qu’il y a pire ? S’exclama Rubis qui croisa les bras, prête à écouter Loënia.

Elle avait déjà fini son repas car elle mangeait très vite.

-Noé m’a appris qu’on faisait des recherches sur mes parents en octobre et novembre dernier. Est-ce que je t’en avais parlé ?

-Rapidement. Il me semble que tu m’en avais parlé début octobre. Oui, tu avais râlé parce que vous ne trouviez rien !

Loënia plaça symétriquement ses couverts dans son plateau :

-Tu veux ma pomme ? Je n’ai pas assez faim pour la manger. Non ? Bon, je la prends pour le goûter alors. En fait… Tu sais, j’ai eu une mésaventure avec un clan de vampires.

-Comment oublier !

-Eh bien, quand j’étais seule avec le chef du clan dans une chambre, il m’a révélé qu’il s’appelait Adrien de Val. Noé m’a ensuite appris que lorsqu’on faisait des recherches sur mes parents, son nom était revenu. Il pourrait s'agir d'un homonyme mais…

Les deux femmes échangèrent un regard peu convaincu.

-Il a perdu sa famille dont sa petite fille au moment où je me retrouvais à l’orphelinat et que ma mère, Ambatine, m’a adopté.

-Oh.

Loënia et Rubis regardèrent vers la table sur leur gauche, les sorciers les scrutaient. Elles échangèrent un regard interrogateur. Elles se demandaient s’ils ne les écoutaient pas. Elles parlèrent plus bas.

-Eh bien, reprit la louve rousse, son accent breton encore plus marqué que d’habitude, tu devrais vraiment penser à prendre des précautions. Je pense que… ton meilleur ami sexy, là… Noé, non Rashnoé ! Enfin, c’est pareil. Ah, les sorciers et les fées, vous avez vraiment de drôles de noms ! Lui ou moi devrions t’accompagner pour aller voir cet Adrien de Val.

Ses yeux bleus étaient aussi vifs que des aiguilles. Rubis craignait qu’il n’arrive quelque chose à Loënia. Cette dernière avait le chic pour se retrouver maladroitement au mauvais endroit et au mauvais moment. Elle s’était trompée d’amphithéâtre de nombreuses fois, avait dévalé un escalier devant une myriade d’élèves ou s’était liée d’amitié avec un vampire qui avait voulu la vider de son sang dans les toilettes. Il avait été viré le lendemain.

-Je ne veux pas te mettre en danger, ni toi, ni Rash. Aller le rencontrer ainsi… Il m’a clairement stipulé de ne jamais revenir.

Loënia se retrouvait punie dans sa chambre, à l’âge de 21 ans.

Elle regardait la journée se dérouler derrière la fenêtre de sa chambre. Le soleil s’adonnait à ses bons plaisirs. Aujourd’hui était la première journée chaude de l’année et Loënia regrettait encore davantage de la gâcher à l’intérieur. Elle aurait au moins pu nourrir Bickie ou aller se promener dans le quartier.

Elle avait tout le temps du monde pour lire, mais ne lut pas. Elle souhaita aller manger quelque chose, mais elle préféra attendre que sa mère ne se décide à la laisser sortir. La porte n’était pas fermée à clef ni scellée par un enchantement mais l’effet était identique. Loënia se sentait coincée dans sa propre maison, pire dans le lieu qu’elle aimait le plus.

Sa mère avait régulièrement recours à ses punitions, quand les filles étaient enfants. Aujourd’hui adulte, ou au moins adolescente pour Liséa, cette punition n’avait pas été ressortie depuis bien longtemps.

Alors pourquoi Loënia se retrouvait-elle dans sa chambre ? Elle avait commis l’impardonnable : elle avait parlé de ses parents biologiques. Elle avait révélé à sa mère qu’elle avait osé reprendre des recherches pour savoir pourquoi ils l’avaient abandonné. Elle n’avait pas parlé de l’aide de Rashnoé, qui aurait aggravé son cas, ni de Adrien de Val, ce qui aurait été encore pire.

Le sommet, outre le refus de même entendre ce qu’avait à dire sa fille, étaient les paroles d’Ambatine. Elle avait lâché un “Je suis ta mère, tu me fais de la peine” à sa fille qui l’avait désarmée. Loënia avait perdu toute contenance. Elle s’était sentie bête. Elle culpabilisait même d’avoir voulu parler de ses parents biologiques à sa mère adoptive, qui était, à ses yeux, sa véritable mère.

Alors, dans un effort pour raisonner sa fille, Ambatine la priva de sortie et la confina dans sa chambre. Néanmoins, un peu avant que Liséa et Raison ne rentrent des cours, Loënia eut le droit de descendre, à condition qu’elle reste dans la maison. Elle n’avait le droit de sortir que pour ses cours et elle devrait rentrer aussitôt.

Ce soir-là, Loënia ne parla que quand elle n’avait pas le choix de faire autrement. Ses sœurs ne semblèrent rien remarquer à son comportement, ce qui l'attrista encore davantage. Elle ressentait une immense solitude. Elle ne comprenait pas la colère de sa mère. Elle se disait que peut-être qu’elle changerait d’avis au bout d’un moment, ou accepterait d’en discuter un peu, avec un peu de chance.

Elle se consola en discutant par messages avec Noé, qui ne sut rien de sa journée. Il avait aidé ses parents à choisir la peinture pour la cuisine de leur maison. Ils devaient la repeindre dans quelques semaines, quand tout le matériel serait acheté et qu’ils auraient un week-end de libre. Loënia se rappelait que la cuisine était petite et très ancienne, avec des meubles en bois brun. Le côté rustique et authentique de la cuisine lui avait tout de suite plu, ça lui avait rappelé sa propre cuisine quand elle était enfant.

Heyyyy !

Je suis plutôt fière du dialogue entre Rubis et Loënia mais j'ai l'impression que je n'ai pas apporté assez de descriptions. Que pensez-vous ?

Bonne journée à vous !