Chapitre 37 : Crêpes
Matze tomba à terre.
Rashnoé baissa les mains. Loënia ouvrit la bouche. Braken se tut. Et après quelques secondes, enfin, Matze bondit sur ses jambes et agita ses mains. Un éclair blanc jaillit et Rashnoé dut se jeter dans l'herbe pour ne pas se faire toucher. Il leva les mains.
– OK ! OK ! C’est bon !
Matze et lui partirent dans un grand éclat de rire.
– Tu m’aurais électrocuté pour gagner ? S’exclama Matze. Rash, ma doue benniget !
Loënia rit en entendant l’expression bretonne.
– Vous allez bien ? Leur demanda Raison, un peu plus loin.
Matze et Rashnoé hochèrent la tête de concert. Ils avaient l'air d'être deux enfants.
– Puisque tout le monde se porte bien, reprit Braken en laissant tomber son épée dans l'herbe tendre, je propose un combat en l’honneur du bon vieux temps. Vos yeux indigents vont apprendre. Loënia, me ferais-tu le plaisir de me combattre ?
Loënia roula ses épaules en arrière et sourit.
– Tout le plaisir sera pour moi, mon cher cousin.
Matze et Rashnoé s’effacèrent prêt d’Amare et de Raison pour laisser toute la place aux deux cousins. Loënia lança un dernier regard à Rashnoé avant de poser toute sa concentration sur le prince des fées. Il était surentraîné, surpuissant et en pleine connaissance de ses moyens. Braken n’aimait rien plus que se battre.
– Nous nous arrêterons quand l'un de nous sera à terre.
Loënia et lui s’écartèrent de quelques mètres. Elle gonfla ses poumons d’air. Elle songea à la dernière fois où elle avait dû se battre : face au vampire qui l’avait mordu. Elle avait échoué, elle n’avait même pas su se défendre et elle n’avait rien pu faire alors qu'elle savait qu’elle aurait pu. Jusque là, Loënia n'avait pas bien réalisé les risques qu'elle prenait en résidant dans une demeure de vampires. Malgré les décennies ou les siècles, elle restait quand même une proie.
Elle était à la fois capable de se protéger et de mettre à genoux son cousin.
Elle n’avait pas peur de sa taille, ni de ses muscles.
Ils élevèrent leurs mains en position de combat et dressèrent leurs doigts. Le premier élan de magie vint de Braken. Loënia le para très bien. Elle ne voyait plus le reste de leurs amis et de leur famille, ni les arbres ou le château. Elle ne songeait plus qu’au combat qu’elle menait et à son cousin, devant elle. Sa cape flottait et dansait au rythme de ses mouvements.
Elle lança un enchantement basique qui avait pour but de déséquilibrer l’adversaire. Cela échoua. Braken, malgré l'enchantement qu’il voulait lui-même insuffler, réussit à contrecarrer le sortilège de Loënia qui se perdit dans la nature.
Il jeta un enchantement, Loënia drossa un sortilège. Braken vit flou pendant quelques secondes tandis que Loënia tituba. Ils se redressèrent quelques instants plus tard, quand les effets des incantations diminuèrent. Braken fut le premier à retrouver le Nord. Il darda sa cousine d’un enchantement qu’il maîtrisait parfaitement. Loënia, prise de cours, laissa son instinct agir.
Elle saisit son épée miniaturisée et la brandit. Aussitôt, le membre de fer retrouva sa taille habituelle et repoussa l’incantation. Un crissement de métal se répandit dans tout le jardin. Loënia ploya sous la pression et fut couverte d’une nuée d’étincelles enchantées.
Tenant l’épée à deux mains par son manche, elle rouvrit les yeux qu’elle avait fermés par réflexe. Braken l’observait, stupéfait. Un peu plus loin, Amare, Raison, Matze et Rashnoé la félicitaient. Plusieurs fenêtres du château s’étaient ouvertes. Des membres du personnels applaudissaient et, depuis une tour, Horod Terralin étudiait Loënia du regard.
Elle se redressa de toute sa hauteur et le salua d’un geste du menton. Sans plus de cérémonie, elle sourit à son cousin et à ses amis.
– J’ai perdu ?
Braken s’approcha d’elle à coup de grandes enjambées.
– Au contraire ! C’est l’état d’esprit que j’attends ! Finalement, on va peut-être pouvoir bien avancer avec vous.
Braken tapota l’épaule de sa cousine avant de prendre son téléphone portable et de s’éloigner.
– Allez, on fait une pause.
L’été semblait courir dans les doigts de Loënia. Août s’était bien installé, avec ses fleurs et sa chaleur. Les glaçons accompagnaient toutes les boissons et la magie toutes les pensées.
Les membres du groupe avaient tous progressé en magie défensive. Ils avaient également appris à travailler en équipe et même Braken et Rashnoé se supportaient et parvenaient à rire ensemble.
La page Mistigri créée par Matze et Rubis se développait de plus en plus. A première vue, elle semblait être l'œuvre d’humains passionnés par la sorcellerie et les vampires fictionnels. Le bouche à oreille et les partages instantanés étaient leur mine d'or. Ils acceptaient eux-mêmes leurs abonnés. Matze et Rubis leur demandaient une preuve de leur appartenance au monde magique. Les fées envoyaient une photographie de leur tatouage, les sorciers de leurs yeux ou une vidéo d’un sortilège, les loups donnaient le nom de leur clan et les vampires montraient leur canines plus longues que la moyenne. Ils publiaient un post tous les lundis et vendredis. Ils traitaient de sujets comme l’entretien des canines des vampires, du pelage des loups, d’enchantements, de sortilèges, de plantes médicinales, d’endroits pour rencontrer des créatures magiques de tous genres. Chaque membre du groupe agrémentaient le compte de sa propre graine par les publications. Rashnoé adorait rédiger de longs articles informatifs, Raison découvrit qu’elle aimait partager des recettes médicinales et Loënia écrivit des enchantements de divers niveaux de difficulté. A la grande surprise générale, ils obtinrent plus de 1000 abonnés en moins de deux mois.
Cette popularité leur avait permis de contacter divers chefs de clan, de congrégations ou de meute. Beaucoup des e-mails envoyés resteraient à jamais sans réponse. Nonobstant, le groupe avait obtenu un rendez-vous avec l’un des chefs de meute de loups vivant en Bretagne, Clovis Abgrall. Le meneur vivait avec les siens dans les Côtes-d’Armor et avait accepté de se rendre dans le Finistère.
– Après-demain, répéta Braken, un jour de réunion. D’accord. Nous devons réfléchir stratégiquement à qui se rendra sur les lieux.
Loënia tendit le paquet de feuilles à Matze qui le déposa sur la table basse. Eux deux, Braken et Rubis s'étaient rendus chez Rashnoé. L’appartement était constitué d’un canapé et de deux fauteuils fabriqués de palette de bois. Loënia s’était assise sur les genoux de son petit-ami. S’ils s’étaient serrés, il y aurait eu plus de place, mais c’était tout aussi bien ainsi.
Rubis était revenue pour deux semaines, pour le plus grand bonheur de Matze qui était encore plus bavard que d’habitude. Durant les précédentes réunions, Loënia amenait son ordinateur pour que Rubis participât en visio-conférence. Braken en venait presque à regretter ce temps.
Rubis et Amare avaient appris à se servir d’objets enchantés ou ensorcelés. Toutefois, ils rappelèrent au groupe qu’ils étaient le plus efficace sous leur forme de loups. Les loups-garous pouvaient se transformer à volonté. Cela leur était plus facile lorsqu’ils étaient en pleine forme ou durant la période encadrant la pleine lune.
– Nous ne pouvons pas tous venir, fit remarquer Loënia.
– Nous allons voir un chef de meute, expliqua Matze, il serait peut-être bien que Rubis ou Amare viennent, non ?
Rashnoé hocha la tête, tout en mâchant le bout de sa baguette magique. Il l’avait récupéré du pot à crayons posé sur une étagère de son salon.
– Je suis le prince des fées. Je pense qu’il est légitime que je vienne, vous ne croyez pas ? Ils seront trois : l’alpha, son bras-droit et une autre louve. Soyons trois aussi.
Rashnoé leva le bras avant Loënia.
– Je viens également. Nous nous rencontrons dans quel restaurant, déjà ?
– Le Potager à Quimper, lui indiqua Rubis avant de s’étirer de tout son long sur son fauteuil. C’est Clovis qui nous l’a proposé. C’est assez formel sans être trop chic non plus. Bon, en revanche, le menu est assez cher, ce n’est pas un fast-food.
Braken haussa les épaules en regardant tour à tour Rashnoé et Rubis. La famille Terralin était extrêmement riche.
– Je paierai.
Loënia se leva des genoux de son petit-ami et lui offrit un sourire. Elle se dirigea vers la cuisine, qui occupait l’autre bout du salon et ouvrit le réfrigérateur. Elle en sortit un plat doré surmonté d’un immeuble de crêpes surmonté de bougies. Rashnoé, d’un geste de la main, les alluma.
Loënia déposa son regard sur Braken. Dans un sourire complice, tout le groupe se mit à chanter pour le prince. Un très faux “Joyeux anniversaire, Braken” résonnait dans l’air, depuis les fenêtres ouvertes jusque dans les ruelles adjacentes à l’appartement. Quelques passants tournèrent la tête, surpris ou amusés.
Le 13 août -date d’anniversaire de Braken- était dépassé depuis quelques jours. Le prince avait déjà fêté l’occasion avec un bal mais Loënia avait voulu avoir, en plus de cela, une petite pensée pour son cousin. Les événements sociaux approchaient, elle le savait, et créer des liens solides dans leur groupe hétéroclite paraissait vital pour la continuité de leur aventure.
– Merci, sourit Braken. Je ne m’y attendais pas du tout.
Rubis tendit un baluchon au prince.
– Tiens, c’est de notre part à tous. C’est Rashnoé qui a eu l’idée du cadeau.
Initialement, Loënia avait proposé à Rashnoé de donner le cadeau à Braken, de mains à mains, mais il avait refusé.
Braken se leva. Il plongea sa main dans le sac et saisit un paquet emballé de tulle noire. Il le déballa et montra le cadeau.
– Une dague enchantée, constata-t-il, les yeux ronds.
– Tu as l’air d’apprécier les dagues, fit Rashnoé d’un ton faussement détaché. Alors, quand Loënia nous a parlé de ton anniversaire, je me suis dit qu’une des lames de ma boutique te conviendrait. Elle n’est pas bien grande, elle est donc facile à cacher. C’est Loëne qui l’a enchantée pour toi.
La lame ne devait pas mesurer plus d’une vingtaine de centimètres. Elle avait été réalisée il y a plus de deux cents ans et était constituée de fer.
– Elle a pour but de renforcer ta rapidité et d’empêcher les vilaines blessures, récita la cousine.
– Merci à tous. C’est un très beau cadeau.
Braken Terralin était sincère et touché par cette attention, Loënia s'en extasia.
Les amis goutèrent le gâteau de crêpes réalisé par Rubis et Loënia dans la cuisine de Rashnoé. Rubis et Loënia rattrapèrent le temps perdu en échangeant des anecdotes sur leurs vies respectives. En se rendant compte que Loënia discutait de sa relation avec Adrien, tout le monde se mit à l’écouter. Cela était pour elle une étrange sensation. Elle n’avait jamais vraiment abordé, devant Braken ou devant le groupe entier, sa vie au manoir. Ses amis savaient qu’Adrien était celui qui commanditait les meurtres qui se déroulaient dans le Finistère. Elle résidait chez lui. Le groupe cherchait à arrêter les meurtres. Le sujet était épineux.
– On se remet au travail, les enfants ! Fit Braken, bien qu’il n’avait qu’un an de plus qu’eux et le même âge que Matze.
Hey !
Je suis un peu moins fière de ce chapitre. Je trouve que je l'ai mal exploité (en le rererelisant je trouve qu'il n'est pas si mal, finalement).
Buvez de l'eau :D
Jane Anne
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