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Son logement était un trois-pièces qui disposait de prestations hôtelières. Ses malles avaient été déballées par le service d'étage. Noam ouvrit les tiroirs et n'y vit que les uniformes spécifiques aux U 1. Elle mit un temps considérable à défaire ses nattes puis se coiffa d'un chignon sur la nuque. Elle ne voulait plus de ce rôle, mais il lui restait une chance d'échapper au capitaine. Au détriment de Liram, elle en avait conscience.
En songeant à lui, elle lui téléphona. Personne ne répondit, elle lui envoya un message :[Bonjour, je n'ai pas oublié votre numéro, et vous avez le mien à présent. Il serait urgent qu'on se parle.].
Noam enfila une tenue et se rendit dans les bâtiments de bio-ingénierie pour son planning. Elle en profita pour récupérer les dossiers numériques de deux ans de cours. Tout son avenir universitaire tenait dans sa tablette. Bientôt, elle croisa des regards foncièrement mauvais, ne blêmissant qu'à la vue du blason Grisfald. Ces attitudes hypocrites ne lui avaient pas manqué.
Elle s'arrêta un instant dans le patio pour faire le point sur les outils et documents nécessaires. Un pressentiment la rongeait et lui répétait que tout ceci était futile.
Une femme âgée s'approcha, elle s'enquit des besoins de la U1.
Surprise, Noam examina la servante, puis elle se souvint des esclaves - ces femmes qui étaient passées par le centre d'assimilation, punies pour un comportement inapproprié. L'assimilée était condamnée à la même tâche, sans autre possibilité que de se lever le matin pour recommencer durant le reste de sa vie. Les U 1 pouvaient les utiliser à leur guise et seules les agressions de type sexuel étaient susceptibles de conduire à une punition.
Noam la renvoya d'un geste. Elle l'observa s'avancer vers une autre élève et se demanda ce que cette pauvre créature avait pu accomplir pour subir un tel châtiment. Son téléphone vibra, elle l'extirpa de son sac. Des railleries se firent entendre sur sa droite, encore une chose que son esprit avait occultée ; ici, on faisait usage de son bracelet holographique. Elle consulta le message : [Vous êtes qui ?]. Désappointée, elle relit son envoi précédent et sourit en constatant qu'elle n'avait pas précisé son nom. Elle corrigea son oubli et rangea l'appareil. Il sonna de nouveau : [C'est Acher, faut que je vous voie au plus vite.]. Elle n'en revint pas, il lui avait donné le numéro de son ami. Noam chercha à le localiser et découvrit qu'il se situait au Village, un ensemble de commerces et services destinés aux U 2.
Elle ôta le blason, défit sa chevelure pour éviter d'être identifiable. La jeune femme s'orienta vers l'esplanade où elle avait situé Acher. Elle n'eut aucune peine à le distinguer.
— Je suis là, que voulez-vous ?
— Noam ? Je ne vous avais pas reconnu avec cette tenue. Vous êtes une vraie U 1 maintenant, ça vous change ! déclara-t-il, puis d'un ton plus goguenard. On serait mieux dans ma chambre pour discuter.
Elle roula des yeux et se dirigea vers le café de la rue. L'étudiant la suivit en s'esclaffant.
L'endroit était quasi vide , elle choisit un emplacement tout au fond de la salle. Acher activa le plateau de verre. Les produits proposés s'étalèrent sur trois lignes. Il prit un lait glacé au chocolat et un trio de beignets, elle se contenta d'un jus de pomme. Il paya en scannant son tatouage.
— Vous ne prenez que cela ? s'étonna-t-il.
— Oui. Qu'avez-vous à me dire ? Et je n'en reviens pas que Liram m'ait donné votre numéro.
Le jeune homme éclata de rire.
— Mais non ! C'est bien le sien, faut que je vous raconte.
Une colonne accolée à la table s'ouvrit et leur commande se déroula. Il enfourna aussitôt un beignet en la dévisageant. Elle lui fit signe de poursuivre, montrant les premiers signes d'agacement.
— Ché..., se risqua-t-il à dire, puis il avala sa bouchée. C'est bon, je raconte. Donc, après le club, il allait bien. Ce matin, il tirait un peu la gueule, peut-être parce que vous ne l'aviez pas rappelé, on a tous notre petite fierté. Avant midi, on avait rendez-vous à la bibliothèque, mais il n'est jamais venu. J'ai tenté de l'appeler, mais rien, alors je suis allé manger. Toujours pas de Liram. En rentrant, un type m'a accosté, il m'a filé un sac en me disant que Liram l'avait perdu. Je vais chez lui, personne. Je retourne chez moi et j'ouvre le sac. Ses affaires de cours étaient là ainsi que son téléphone. Je vous passe les détails, mais j'ai fini par avoir accès à l'appareil. Le seul truc bizarre était votre message. Et voilà.
— Vous auriez pu aller à l'essentiel. Si je fais le compte, nous avons perdu cinq minutes avec votre discours, énonça-t-elle, avant de finir son jus de pomme.
— À qui d'autre j'aurais pu dire ça ?
Noam voulut se fâcher, mais elle remarqua qu'Acher était inquiet. S'il avait pu le dissimuler auparavant, depuis qu'il avait énuméré les faits, il en avait eu l'appétit coupé.
— Je vais voir ce que je peux découvrir, assura-t-elle. Continuez comme si de rien n'était.
Le jeune homme acquiesça tandis qu'elle se levait, elle voulut dire un ou deux mots réconfortants, mais rien ne lui vint. Elle le salua et quitta le café.
Elle se força à rester rationnelle et réfléchit en rejoignant son quartier. Bien que concentrée sur toutes les possibilités, elle fut frappée par la différence entre les deux secteurs. L'adjectif "différence" résonna dans son esprit puis elle accéléra le pas pour rejoindre au plus vite son domicile.
Installée devant le moniteur central, elle entra ses codes d'identification, puis les compléta par le relevé biométrique de sa paume. Elle attendit en regardant un L rouge tournoyer au cœur de l'écran.
— Pourquoi est-ce si long ? geignit-elle.
Ses doigts dansèrent sur le clavier à la recherche des dernières activités de Liram Blaker. Son premier revers fut de ne pas le trouver dans la liste des étudiants U 2. Son second fut de voir qu'il n'était pas dans celle de la Jeunesse de la Ligue. Son inquiétude grandit. Elle poursuivit son enquête jusqu'à se figer dans un rictus amer. Elle cligna des yeux lisant encore et encore les mots qui s'étaient affichés :
[Liram B., âgé de 21 ans, en attente de déportation au centre d'assimilation à la date du 12 octobre 2167, suivant les ordres du Commissaire Blaker. Dossiers en cours de destruction.]
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