La fillette s'est approchée de moi, le sourire aux lèvres. Elle s'est ensuite tournée vers la femme qui l'accompagnait et m'a pointé du doigt avant de s'adresser à elle.

 - Eh, regarde maman, c'est nouveau ça !

Cett dernière devait se trouver quelques mètres derrière sa fille car il lui fallut plusieurs secondes avant de rentrer dans mon champ de vision. Lorsqu'elle la rejoignit, elle me regarda avec étonnement, sourit et dit à son enfant :

 - Oh, c'est chouette ça ! Elle est très belle ! Elle va être bien ici !

De mon côté, j'étais toujours totalement incapable de bouger ni d'émettre le moindre son. Même pas un petit clignement d'yeux ou juste un léger grognement. Je me sentais totalement impuissant et n'avais que mon regard pour essayer de leur exprimer mon désarroi. De plus, je ne comprenais pas pourquoi la maman de la petite avait dit « elle » en parlant de moi. J'étais un homme, l'avais toujours été, ça se voyait et mes traits ne pouvaient pas porter à confusion.

La mère et sa fille étaient toujours en train de m'examiner de haut en bas avec des yeux curieux. Cette réaction n'était pas du tout celle à laquelle je m'attendais. Le fait qu'elles ne fassent que me regarder de manière insouciante sans rien faire pour me venir en aide me sidéra. Ce n'était pas normal de réagir de la sorte à la vue d'un homme assis de si bon matin sur le bord d'un lac et totalement incapable de bouger. Elles auraient dû soit complètement m'ignorer, soit me proposer leur aide mais pas simplement me regarder avec cet air mi-béat mi-étonné. C'était totalement illogique. Quelque chose n'allait pas avec moi et je n'arrivais pas à cerner ce que c'était.

Soudain, alors que j'étais toujours déséspérement en train d'essayer de leur faire un signe, la maman fit une proposition à sa fille qui ne fit qu'accentuer mon incompréhension et mon étonnement .

 - Tu veux prendre une photo avec elle ?

La réponse de la fillette ne se fit pas attendre.

 - Oh oui !

 - Vas-y, va te mettre à côté d'elle ! lui dit sa maman en sortant son smartphone de son sac à main.

La petite fille s'approcha et s'assit à côté de moi en imitant ma position puis, elle s'immobilisa le temps pour sa mère de prendre la photo. De mon côté, j'avais envie de pleurer mais ça non plus je n'en étais pas capable. Que n'aurais-je pas donner à ce moment-là pour toucher cet enfant ! Pour esquisser le moindre petit mouvement qui aurait pu les faire réagir.

Une fois cette séance photo improvisée terminée, la petite fille rejoignit sa maman et elles poursuivirent leur chemin. Après qu'elles se soient éloignées de quelques mètres, l'enfant posa une question à sa mère. Une question qui me fit l'effet d'une bombe.

- Tu penses qu'ils vont mettre d'autres statues comme celle-là autour du lac maman ?

Je n'entendis même pas la réponse de sa mère. Le ciel s'abattit sur ma tête et c'est à ce moment là que je compris que ma situation était vraiment désespérée.