Un grand juillet en prose libre
Juillet, le premier,
sonne comme une fête,
sonne comme une gloire,
c'est la fin, la rupture,
le monde des possibles !
Juillet, années après années,
reste le mois des congés payés.
Celui des siestes à l'ombre sur les terrasses de cafés.
Celui des pieds gonflés dans des sandales en plastique,
des voitures aux fenêtres obstruées par une serviette de plage,
des chiens assoiffés qui boivent l'air du paysage
par la fenêtre arrière où un enfant pleure.
Celui des revendeurs de fruits au bord des routes,
celui de camping-cars garés sous les monuments célèbres
où un touriste en pyjama, balade son chien
au petit matin frais, dans un quartier d'affaires.
Celui des festivals d'art, de théâtre ou de musique
où se presse une foule parfumée en habits de fête
nochalament assise dans l'herbe sèche et
buvant du bordeau dans des gobelets.
Depuis les premiers congés,
en juillet, la joie au cœur, nous prenions la voiture
et nous allions sur les routes fumantes de chaleur
où nous faisions des arrêts dans les restaurants
colorés, où des publicités souriantes nous donnaient
envie de tout dévorer mais, repus au premier plat
de spaghetti fumant, nous dormions allongés
sur la plage arrière, les pieds au frais contre la glacière.
Ainsi comme nous, tous ces rougeauds en vacances
fumèrent, méprisèrent, moquèrent les autochtones.
Et doucement, ceux-ci roucoulaient de rire en regardant
les parisiens se faire des ampoules sur les plages aux cailloux brulants.
Car les gens du coin n'y venaient jamais pieds nus
et seulement pour tirer leurs filets,
mais ça c'était avant, dans les films souvenirs en noir et blanc.
Aujourd'hui, juillet fait toujours frire beaucoup
de poissons qu'avalent sans sourciller
d'élégantes solitaires surparfumées,
des familles bavardes tartinées de crèmes solaire,
de longues tablées de convives brulés de soleil et des couples hagards
sur les terrasses en enfilades des marinas en béton seventies.
Juillet, depuis toujours, balaye le printemps.
il apporte la vraie chaleur,
tonitruante, harassante, triomphante.
Juillet avale les derniers nuages et
murit les premiers fruits que des enfants partis
en colonnies glanent à travers champs.
Juillet pourtant est encore tendre.
Il réserve de douces nuits romantiques
aux étoiles clignotantes bercées de chants de grillons,
et l'on peut méditer dans un transat, la tête renversée en arrière
sur la fin des choses, du monde ou sur l'avenir
que l'on voudrait radieux pour les nouvelles générations.
Juillet asperge les jardins de jets d'eau crépitants,
et permet aux pelouses un vert intense,
aux feuillages la possibilité de grandir encore un peu,
et le blé qui n'est pas encore mûr,
mais déjà bien chauffé par le soleil,
sent bon le pain qu'il sera dans quelques mois.
Juillet permet de marcher au soleil,
et de se réfugier à l'ombre d'un feuillage.
Juillet libère les corps et l'on ose y montrer ses pieds encore blancs
dans des tongs imprimées, ses jambes dans les shorts,
et l'on offre ses épaules ou son décolleté aux premiers moustiques.
Et moi, j'aime juillet sous la tonelle,
d'où je contemple la vie d'un jardin en fouillis
qui libère par bouffés des exalaisons sauvages,
de chants de passereaux aux roucoulements de tourterelles
avant qu'août ne vienne les éteindre,
d'où j'écris ces quelques lignes depuis l'abrit de jardin
que contruisirent pierre à pierre mes parents un peu hippies
qui vivèrent là, bienheureux de l'illusion d'un monde toujours
palpitant de nature, n'écoutant pas ces grands bruits d'une ville
inexorable, ni les rugissements des avions
ni les raclements stridents des rodéos de supporters
de toutes sortes d'événements sportifs ou de concerts sur-amplifiés
ni les conversations qui s'echappent tour à tour
des quarantes balcons qui dominent
cette réserve spontanée d'un monde qui s'efface
le tout englouti dans la fumée écœurante des barbecues.
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