Jeudi 19 mars 2020

6 minutes de lecture

Aujourd’hui, premier jour de télétravail pour moi. Il faut s’organiser. A quatre autour de la table, avec 3 ordinateurs, c’est compliqué !

Les enfants demandent de l’attention, posent des questions chacun leur tour et je ne parviens pas à me concentrer sur ma tâche. Le télétravail oui, quand les enfants sont là, non ! Mon mari télétravaille aussi, mais avec beaucoup plus d’outils à sa disposition. Il est en visio avec ses collègues, cela fait du bruit et ils nous entendent aussi. Donc chacun doit faire un effort pour rester le plus discret possible. Ou mettre des écouteurs, c’est pas mal aussi !

Il y a deux ans, quand je travaillais loin de chez moi, nous avions envisagé avec mes supérieurs, de passer en télétravail une journée de la semaine. Je me rends compte aujourd’hui que cela ne m’aurait pas plu.

Je suis là, devant mon PC, et je vois tout ce qu’il y a à faire dans la maison : la liste des tâches ménagères s’édite dans ma tête, et bientôt j’ai peur que mon tableur ne se transforme en « To do liste at home ». Le télétravail, c’est l’art de faire abstraction de son environnement. Autrement dit, c’est un art que je suis loin de maîtriser à ce jour.

La matinée passe à une vitesse folle. Matinée studieuse. Cela me fait plaisir d’avoir des nouvelles de mes collègues, il me semble que l’ambiance est assez détendue et que chacun vit ce confinement plutôt bien.

Quand tout ce petit monde décide qu’il en a assez fait, chacun vaque à ses occupations, alors que moi, je m’attaque enfin au ménage rudimentaire et à la préparation du déjeuner.

Aujourd’hui le soleil, moins présent, ne me distrait nullement, et j’ai hâte de me remettre devant mon ordinateur. D’autant plus que les informations du jour ne sont pas des plus rassurantes. En vingt-quatre heures 475 décès en Italie malgré le confinement qui court aussi chez nos voisins...

J’apprends que les Français ne sont pas de très bons élèves, il y a encore beaucoup de personnes qui n’ont pas compris ce qu’est le confinement et qui se promènent dans les jardins, se rassemblent en bord de mer... A Veules-Les-Roses, commune de bord de mer limitrophe de mon village, le maire a édité un arrêté municipal qui interdit la promenade et les jeux d'enfants, car de nombreux résidents secondaires se pensent en vacances !

Je ne vois pas ce qui est difficile dans ce qu’on nous demande ! On ne nous ordonne pas de quitter nos familles pour aller nous battre fusil à l’épaule ! Notre mission pour la Nation, est de rester chez nous avec notre famille ! C’est incompréhensible, vraiment je suis perdue. Le comportement humain me laisse perplexe. « Nous sommes en guerre », voici les mots exacts du Président de la République Française.

Nous sommes en guerre.

Et notre ennemi est invisible, vicieux, sournois. Il ne prévient pas, nous ne savons pas encore le détruire. Tout ce que nous pouvons faire, c’est ne pas lui donner de quoi se nourrir, se multiplier et croitre. Nous pouvons l’empêcher de vivre, mais pas le tuer. Mais il faut aussi l’utiliser, apprendre de lui. Ce confinement peut aussi être une bonne chose. Nous devons trouver de quoi nous occuper, car le télétravail nous laisse plus de loisirs. Et c’est une bonne chose. Personnellement, je vois que mes enfants recommencent à jouer tous les deux. Mon mari passe plus de temps dans le jardin, et j’ai l’occasion d’écrire et de lire. Il est vrai que je n’attends pas d’être confinée pour lire, j’adore ça ! Mais je peux encore plus m’adonner à cette passion aujourd’hui.

Les gens vont grandir suite à cette période difficile.

J’ai l’espoir que ce confinement nous ouvrira les yeux sur ce qui est important, car c’est lorsque nous ne pouvons plus faire certaines choses, que nous comprenons l’importance qu’elles ont. Nos aînés sont seuls, et grâce aux nouvelles technologies, nous parvenons à garder contact. Cela va-t-il nous inciter par la suite, à nous rendre plus disponible pour eux ?

Mais je suis peut-être trop optimiste, et je crains que lorsque tout redeviendra « normal », nous retournions dans nos habitudes. Car l’Histoire nous montre que nous n’apprenons pas toujours de nos erreurs.

Nous sommes en guerre.

Ces mots raisonnent en moi. Ce sont des poignards dans mon cœur. En tant que mère, j’ai toujours craint que mes enfants ne connaissent une période si sombre. Je n’aurais jamais pensé à cette situation.

Je pense à leur avenir proche, à leur réussite scolaire. Mon fils doit passer son brevet des collèges à la fin de l’année, comment cela se passera-t-il ? Serons-nous encore les victimes de cet ennemi invisible ? Dois-je voir plus loin ? Je me rends compte que mes préoccupations sont futiles face à cette pandémie qui ravage le monde.

Je pose par exemple la question de nos vacances d’été : comment sera le logement ? Est-ce que la plage est proche ? Quelles seront les activités proposées ?

C’est tellement matériel, tellement futile, tellement égoïste.

Tellement humain.

Je m’agace moi-même, sans pour autant cesser de penser que mes questions sont légitimes. Quel paradoxe !

Une partie de moi est persuadée que ce virus, comme celui de la grippe, ne fait que passer, et que dans quelques jours, il commencera à disparaître. Mais au fond de moi les mots de notre président raisonnent.

La guerre.

Qui sait combien de temps elle durera ? Personne.

Alors je songe à ma famille. Ma mère n’est pas seule, mon frère vit encore avec elle. Je suis donc assez sereine quand je pense à elle. C’est totalement différent pour mon père. Je lui en veux. Il est parti à Cuba en sachant pertinemment que le Covid19 se répandait comme un souffle obscur sur le monde. Il a délibérément choisi de s’éloigner de sa famille dans un moment si difficile. Je suis en colère. Son comportement est égoïste. Mais j’ai peur pour lui. Les frontières sont fermées. Même l’Europe n’est plus qu’un murmure. S’il lui arrive quoique ce soit, qui veillera sur lui ? Dans quelles conditions sera-t-il pris en charge dans cette dictature ? Des vols sont mis en place pour rapatrier les Français sur les sols étrangers, mais je ne sais toujours pas si son retour est prévu, ni même s’il en a vraiment envie.

J’essaie de ne pas y penser.

Penser.

Voilà une chose qui semble si compliquée de nos jours. Penser par soi-même quand les réseaux sociaux et les médias vous inondent d’informations contradictoires !

Parfois je préfère ne plus regarder les informations, c’est reposant. Les théories s’accumulent sur tous les sujets possibles et imaginaires ! Savez-vous que l’Homme n’a jamais marché sur la Lune ? Que la terre est plate ? Que la Nasa est une organisation obscure régentée par des reptiliens francs-maçons ? Que le Covid19 est un virus créé par l’homme dans un laboratoire secret franco-chinois ? Savez-vous que tous les médias français d’information nous mentent ? D’ailleurs, sommes-nous réellement en danger ? Cette guerre est-il une manipulation des dirigeants de ce monde ?

Voilà. Voilà toutes les informations qui nous parviennent. Voici le véritable fléau de ce siècle. La vraie maladie pernicieuse, c’est la désinformation. Le vrai virus, c’est notre crédulité, la seule et véritable pandémie de ce monde n’est-elle pas notre manque de réflexion ? Ne sommes-nous pas victimes de notre bêtise ?

L’intelligence humaine est en régression. Plus les machines pensent, moins l’humain réfléchis. Moins nous raisonnons, plus nous sommes faibles. Le vrai danger vient de là. Le niveau scolaire des élèves diminue, c’est un fait avéré, et le fossé se creuse entre les plus riches, les plus cultivés, ceux qui ont ou auront accès aux meilleures écoles, et les familles plus modestes, encouragées par le système à rester chez eux. Comment imposer une dictature ? Ce n’est pas la question. La véritable question est : à qui peut-on imposer une dictature ?

A un peuple que nous façonnons, un peuple plus docile, plus malléable. Un peuple qui n’aura plus les moyens de se défendre. Faisons de chaque humain à soumettre, un âne, contrôlé par une jolie carotte. Le libre arbitre est un frein à l’essor de la monarchie !

L’humain changera-t-il ? Serons-nous un jour tous égaux ? Non. Il n’est pas dans la nature humaine de vivre en harmonie.

« La raison du plus fort est souvent la meilleure ».

Ce confinement me compresse le cerveau.

Malgré tout je crois en l’humain. Difficile à imaginer ?

L’humain a de beau l’amour. Et c’est cette unique chose qui fait que nous sommes une espèce à sauver.

L’amour.

Si la majorité d’entre nous est capable de ressentir ce que j’éprouve en mon sein pour les gens que j’aime, alors cela vaut la peine de se battre.

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