Lumière verte
Azur est un dragon de petite taille, ne dépassant pas quelques centimètres de long. Son corps est recouvert d'écailles vertes et luisantes. Sa queue fait la moitié de sa taille totale. Il a deux pattes arrières ressemblant à celles d'un Tyranosaurus Rex, mais n'a pas vraiment de pattes à l'avant. En fait, il a juste deux longues griffes en forme de crochets qui se trouvent au bout de ses ailes. Je le trouve absolument magnifique ! Cela fait seulement quelques jours que nous nous sommes rencontrés, mais nous sommes déjà très attachés l'un à l'autre. Il est doté d'une grande intelligence et comprend les ordres simples que je lui donne. Il est très docile et je peux ainsi l'emmener partout avec moi dans l'établissement, en le gardant caché dans ma sacoche, bien sûr. Tant qu'il ne fait aucun bruit, il n'y a pas moyen qu'on le découvre et il respecte parfaitement cette règle. Je suis fière de lui !
Ce matin, donc, je m'apprête à descendre dans la salle à manger comme à l'ordinaire. J'ouvre ma sacoche en cuir brun et dit à Azur :
- Viens, mon beau ! Il est temps d'y aller.
Il finit d'avaler la cendre qui se trouve dans la cheminée. Oui, il se nourrit de cendres. J'imagine que c'est normal pour un dragon, sinon comment peut-il cracher du feu ? Heureusement, le mien ne souffle que de la fumée pour l'instant. Je crois que c'est parce qu'il est encore trop petit, ou peut-être qu'il ne crache du feu que lorsqu'il en a vraiment besoin. Oui, ce doit être ça. Quoiqu'il en soit, après avoir avalé la cendre, il déploie ses ailes et vole jusqu'à moi, avant de se fourrer dans ma sacoche.
Je souris et referme soigneusement le petit sac, avant de quitter la pièce.
*
L'heure de la récréation est arrivée. Nous sommes toutes dans la cour de l'orphelinat. Les autres filles jouent et discutent entre elles, mais moi, comme à mon ordinaire, je reste seule, dans mon coin. Assise sur un banc, je les regarde s'amuser, serrant contre moi la sacoche qui contient mon seul et premier ami.
C'est alors que j'entends la voix de Carole retentir près de moi :
- Qu'est-ce qu'il y a dans ta sacoche ?
Je la regarde du coin de l'oeil et lui lance :
- Cela ne te regarde pas. Fiche-moi la paix !
- Change de ton quand tu me parles. Je te rappelle que tu n'es qu'une paria dont personne ne veut ici !
- Je ne veux pas de toi non plus alors dégage !
- Non, ce n'est pas toi qui mène la danse ici. Je n'ai pas d'ordres à recevoir d'une fille comme toi et d'ailleurs, je fais ce que je veux !
Sur ces mots, elle m'arrache brutalement ma sacoche et s'apprête à l'ouvrir. Je lui bondis dessus :
- Rends-moi ça immédiatement !
Mais elle parvient à se dégager de mon emprise et me défie d'un air hautain, en levant ma sacoche :
- C'est ça que tu veux ? Et bien, non ! Je ne te la rendrai qu'une fois que j'aurai vu ce qu'elle contient.
À ce stade, je suis furieuse ! Je serre les points, grince des dents et plonge mes yeux verts dans les siens, sourcils froncés comme jamais ! Je lui ordonne alors, en articulant bien chaque syllabe, d'un ton sec et ferme :
- Rends-moi cette sacoche, tu m'entends ? ! Rends-la moi sur le champ !
Je hurle ma dernière phrase et, aussitôt, une puissante lumière verte jaillit, aveuglant toutes les filles présentes dans la cour, qui se mettent à pousser des cris de surprise et de terreur. Moi-même je change d'expression, passant d'un visage furieux à une tête étonnée.
Je remarque alors que Carole a aussi changé d'expression. Son visage est neutre et elle me regarde avec des yeux dénués de toute émotion. Elle avance vers moi, d'un pas mécanique et me tend ma sacoche. J'hésite un instant, puis récupère l'objet. C'est alors que son regard retrouve sa lueur habituelle. Elle regarde partout autour d'elle, d'un air perdu et demande :
- Qu'est-ce qu'il s'est passé ?
Je ne réponds rien, me contentant de m'éloigner précipitemment. Je rentre dans le bâtiment pour retourner dans ma chambre. Des dizaines de questions tournent en boucle dans ma tête : qu'est-ce qu'il s'est passé ? Pourquoi est-ce que Carole m'a obéit ? Et quelle était cette lumière verte ? D'où venait-elle ? Est-ce que c'est moi qui vient de faire tout ça ? C'est impossible, mais alors . . .
Je m'arrête net au beau milieu du couloir. Toutes ces interrogations me donnent le vertige. Je pose les yeux sur la sacoche que je tiens entre les mains et l'entrouvre pour vérifier l'état de mon compagnon :
- Est-ce que ça va, Azur ? lui murmuré-je.
Il me répond, comme à son habitude, par un petit grognement. J'en déduis qu'il va bien. Tant mieux. Si cette peste de Carole lui avait fait le moindre mal, je l'aurai tuée !
J'ai à peine le temps de refermer la sacoche qu'une voix retentit derrière moi :
- Miss Superbum ?
Je me retourne en sursaut pour faire face à celle qui m'interpelle : une soeur. Elle me dit, d'une voix calme et douce :
- La mère supérieure vous attend dans son bureau.
"Me voilà dans de beaux draps . . ." pensé-je en suivant la jeune femme.
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