Dans le brouillard
Aujourd'hui, après le petit-déjeuner, mon tuteur se lève et enfile sa longue cape noire doublée de fourrure, en déclarant :
- Ce matin, je ne vais pas vous apprendre un nouveau sortilège, mais la préparation de potions.
- Vous voulez dire des potions magiques ?
- Oui, mais avant de préparer cette potion, il faut aller chercher ses ingrédients. Il est important que vous sachiez vous les procurer par vous-même. Allez mettre votre cape et rejoignez-moi dehors.
Pendant qu'il se dirige vers la porte, je monte dans ma chambre pour enfiler ma cape noire par-dessus ma longue robe verte. Je me tourne ensuite vers mon petit compagnon, qui me regarde faire d'un oeil paisible, installé comfortablement sur mon oreiller, pour lui dire :
- Nous allons sortir et je t'emmène avec moi bien sûr. Je ne veux pas te laisser seul ici, je serai trop inquiète pour toi. Monte dans ma sacoche, lui ordonné-je en ouvrant le petit sac en cuir.
Il bondit aussitôt vers moi et se glisse dedans. Je referme soigneusement l'objet avant de descendre pour rejoindre mon maitre. Ce dernier m'attend devant la maison. En me voyant arriver, il lance un commentaire :
- Décidément, vous êtes toujours aussi lente. Bon, allons-y.
Il avance vers les bois denses qui entourent sa maisonnette. Les grands arbres aux troncs marrons sont nus, toutes leurs feuilles étant tombées pour former un joli tapis de couleurs sur le sol. Rouge, orange, jaune, toutes ces teintes sont très jolies à voir. En revanche, un froid mordant accompagne ce beau paysage. L'hiver s'installe et les premières neiges ne tarderont pas. Je suis donc bien heureuse d'avoir cette belle cape sombre doublée de fourrure pour me tenir au chaud.
Nous avançons à un pas rapide entre les arbres. Les feuilles mortes craquent sous nos pieds et, combinée au bruit du vent, ce son forme une jolie mélodie.
Nous marchons depuis plusieurs minutes déjà, lorsque mon tuteur s'arrête et me montre une plante aux feuilles vertes à la fleur dorée :
- Savez-vous ce que c'est ?
- Et bien, c'est une fleur.
- Oui, mais laquelle ?
- Je l'ignore.
- C'est bien ce qui me semblait aussi, vous êtes si ignorante, dit-il avec un soupir. Sachez que c'est une calendula. Elle a des propriétés de guérison indispensables. Elle élimine les toxines et cicatrise les blessures, aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur. C'est le premier ingrédient de notre potion de guérison. Qu'attendez-vous pour la cueillir ? Je ne vais tout de même pas faire le travail à votre place.
- Oh, oui.
J'approche de la plante et la cueille, avant de la glisser dans ma sacoche. Je sais qu'elle n'y risque rien. Azur ne se nourrit que de cendres, il n'y touchera pas.
- Bien, continuons.
Il reprend sa marche et je le suis.
Bientôt, je remarque que le brouillard commence à tomber petit à petit. Mon tuteur aussi s'en aperçoit, car il me dit :
- Restez près de moi. Le brouillard se montre très dense dans cette forêt. Vous pourriez vous perdre très facilement et aucun de nous deux ne veut cela, n'est-ce pas ?
- Oui, maitre. C'est compris.
Je m'efforce donc à ne pas laisser une distance s'installer entre nous en marchant juste derrière lui, le suivant ainsi comme son ombre. Seulement, plus notre marche s'allonge, plus je fatigue. Cela a pour effet de ralentir mon pas, créant ainsi une distance entre moi et l'homme vêtu de noir. Je devrais lui demander de m'attendre, mais je ne veux pas encore avoir un commentaire désagréable de sa part. Je finis donc par me laisser distancer et, avec l'épais brouillard, mon tuteur disparait très vite de ma vue. Cependant, je continue de marcher pour tenter de le suivre et éviter ainsi de me perdre dans cette vaste forêt que je ne connais pas.
Au bout d'un petit moment, je vois à travers l'épais brouillard une silhouette humaine courir entre les arbres. Cette apparition est accompagnée du rire d'une jeune fille. Je m'arrête net et plisse les paupières pour mieux voir.
Un autre rire féminin surgit derrière moi. Je me retourne en sursaut, juste à temps pour voir une silhouette se faufiler entre les arbres. Ma respiration s'accélère, conséquence de l'anxiété qui commence à naitre en moi. Un troisième éclat de rire provient d'une direction différente. Je me retourne et vois encore la même silhouette. Cette fois, je lui crie :
- Qui es-tu ?
Aucune réponse ne me parvient. Au lieu de cela, un chant s'élève dans la forêt. Il semble provenir de toutes les directions à la fois et il est doux. Je n'ai jamais entendu plus belle mélodie !
Un éclat de rire rententit à nouveau. Je tourne la tête dans la direction d'où provient ce son et vois les silhouettes de trois jeunes filles qui me font de grands signes de main. On dirait qu'elles m'invitent à les rejoindre.
Je souris et leur dis, avec un regard vide :
- J'arrive.
Je commence à marcher dans leur direction quand je sens quelque chose me tirer par ma cape. Je tourne la tête et vois un petit dragon vert qui me retiens en plantant ses crocs dans mon vêtement pour me tirer en arrière. Je fronce les sourcils et lui lance, d'une voix ferme :
- Lâche-moi !
Il n'obéit pas, continuant à me tirer en arrière de toutes ses forces. Agacée, je le repousse d'un geste de la main en lui criant :
- Lâche-moi, je te dis !
Il retire ses dents de mon vêtement et s'éloigne d'un battement d'ailes pour esquiver ma main, mais dès que c'est fait, il revient à la charge et me tire à nouveau en arrière en attrapant ma cape entre ses dents. Je finis donc par la dénouer pour me libérer de son emprise, puis tourne la tête vers les trois filles qui m'appellent. Elles s'éloignent petit à petit. Je leur crie, avec un ton de détresse dans la voix :
- Non, attendez ! Ne partez pas ! J'arrive !
Je cours dans leur direction, ne prêtant pas attention au petit dragon qui s'envole à toute vitesse dans le sens opposé.
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