Nous galopons ainsi jusqu'à la tombée de la nuit. Ce n'est qu'alors que James Corvus arrête enfin son cheval. Ce dernier est essoufflé par sa course et respire bruyamment. Nous descendons de son dos pour le laisser se reposer. Mon tuteur amasse des branches et des brindilles pour en former un tas et me dit :

- Allumez donc le feu avec le sortilège que je vous ai enseigné, ce sera un bon entrainement pour vous.

Je m'exécute et sors ma baguette pour effectuer le sortilège :

- Ignis !

Une flamme sort aussitôt de ma baguette pour embraser le tas de bois, formant ainsi un feu de camp autour duquel nous nous installons pour nous réfugier du froid mordant de cette nuit d'hiver.

Au moment où je compte demander à mon tuteur des explications, ce dernier s'adosse au tronc d'un arbre et s'enveloppe de sa cape, en disant :

- Bonne nuit.

Je pousse un soupir d'exaspération. Décidément, cet homme ne m'expliquera jamais la vérité. Mais alors, de qui vais-je l'apprendre ? Qui d'autre connait la vérité ?

Je repense à l'homme qui a tenté de me tuer dans la ruelle. Celui qui ressemble à James Corvus. Il connait très bien la vérité, mais si je vais le voir pour la lui demander, il me tuera sans hésitation. Suis-je vraiment prête à mourir pour la découvrir ?

Azur, sentant ma confusion, se frotte affectueusement contre moi pour me réconforter. Je souris et lui murmure :

- Il n'y a vraiment que toi qui me comprenne.

Il m'adresse en réponse un doux grognement. Je caresse ses écailles lisses et vertes comme des émeraudes. C'est alors que je remarque une lumière bleutée au loin entre les arbres. Intriguée, je me lève et m'en approche pour voir de quoi il s'agit. En arrivant à sa hauteur, je constate qu'il s'agit d'une petite créature humanoïde, dotée de fines ailes transparentes, d'une chevelure blanche et habillée de bleu. Je lui demande :

- Qui es-tu ?

- Je suis Cristal, une fée du givre.

- Une fée du givre ?

- Oui. Qui est-ce qui givre la forêt tous les hivers à ton avis ? C'est notre rôle à nous, les fées du givre.

- Oh, c'est absolument fascinant !

- Et toi ? Qui es-tu, petite sorcière ?

- Comment sais-tu que je suis une sorcière ?

- Comme beaucoup de créatures magiques, j'ai le pouvoir de détecter la magie dans tout ce qui m'entoure. Et je sens un grand pouvoir en toi. Alors ? Quel est ton nom ?

- Je m'appelle Emma Superbum.

- Oh, tu es la fameuse Emma Superbum ?

- Oui. Tu me connais, toi aussi ?

- Bien sûr ! Enfin, pas personnellement, évidemment, puique nous venons de nous rencontrer, mais j'ai entendu beaucoup de rumeurs et d'histoires à ton sujet.

- Lesquelles ?

- Et bien . . .

Au même moment, une autre fée vient la rejoindre et lui dit :

- Dépêche-toi, Cristal ! Nous avons encore beaucoup à faire, ce n'est pas le moment de discuter avec cette sorcière !

- Oh, oui, c'est vrai. Désolée, me dit-elle, mais je dois y aller. Au revoir !

Elles s'éloignent bien vite, en agitant leurs ailes grâcieuses, sans me laisser le temps de dire quoi que ce soit.

Je soupire. On dirait vraiment que tous les habitants du monde magique se sont mis d'accord pour ne rien me révéler ! Très bien, puisque c'est comme ça, je vais aller voir le seul qui sera peut-être disposé à tout me raconter, peu importe les risques que cela me coûtera !

J'avance donc d'un pas décidé entre les arbres, sous la lumière de la lune et des étoiles. Le vent fouette mon visage et soulève mes longs cheveux blonds et ma cape noire. Au bout de plusieurs minutes de marche dans le froid, j'entends une voix retentir derrière moi :

- Tu cherches quelqu'un ?

Je me retourne en sursaut pour faire face à un homme de grande taille, aux yeux sombres et à la chevelure de jais, mais bien qu'il ressemble à mon tuteur, je sais que ce n'est pas lui à cause du sourire sournois qu'il aborde. Je lui réponds avec calme :

- Oui, c'est vous que je cherche. Je sais que vous connaissez toute la vérité sur mes origines, l'histoire qui m'entoure et les mystérieux pouvoirs que je détiens. Et j'exige que vous m'expliquez tout sur le champ.

- Oui, je comprends ce que tu ressens. James, comme tous les autres, veut à tout prix te cacher la vérité. Et tu sais pourquoi ? C'est tout simplement parce que tes parents sont morts par sa faute.

Mes yeux s'écarquillent de surprise et d'incrédulité. Je rétorque :

- Non, c'est impossible ! Il n'est vraiment pas commode et agaçant comme tout, mais il n'est pas méchant ! Je refuse de croire qu'il ait fait une chose pareille !

- Et pourtant, c'est la vérité. C'est de sa faute si tes parents sont morts et c'est pour cette raison qu'il ne veut rien te dire. Il sait que si tu apprends la vérité, tu ne voudras plus rester à ses côtés et il veut éviter cela à tout prix.

- Non, non, non ! Taisez-vous ! Je ne veux plus vous entendre ! dis-je en plaquant mes mains sur mes oreilles.

Mon nez me picote et les larmes me montent aux yeux. L'homme en noir ne s'arrête pas pour autant. Il continue de parler, en marchant tranquillement autour de moi :

- Qu'y a-t-il, Emma ? Pourquoi n'arrives-tu pas à accepter cette vérité ? Elle te fait mal ? Pourtant, James n'est rien pour toi. Il est toujours froid, distant et désagréable, n'est-ce pas ? Alors pourquoi s'attacher à pareil individu ?

- Je vous ai demandé de vous taire !

- Tu ne fais que te voiler la face, ma pauvre enfant. Enfin, je sais que c'est parce que c'est beaucoup trop douloureux pour toi et je comprends ce que tu peux ressentir. C'est pour cela que je vais t'aider . . . En abrégeant tes souffrances !

En disant ces mots, il sort de sa longue robe noire sa baguette et la pointe sur moi. J'ai un mouvement de recul instinctif, mais je sais très bien que je n'aurai pas le temps d'éviter le sort qu'il s'apprête à me lancer. Azur déploie une nouvelle fois ses ailes et montre ses crocs, prêt à me défendre, mais ce ne sera pas suffisant. Nous sommes perdus !