12.Cadeaux de Noël
La veille des vacances de Noël, Elsa me rejoignit à l'école de musique avec une demi-heure de retard sur l'horaire habituel.
- Je suis désolée, mais j'avais quelques courses de dernières minutes à faire…
C’était le genre d'excuses qui me mettait hors de moi, prétexter que le shopping était plus important ou intéressant que de venir à mon cours. D'ailleurs, son comportement m'offusquait d'autant plus que nos leçons de piano étaient très particulières… De là à dire qu'elle n'était pas pressée de se retrouver seule avec moi, il n'y avait qu'un pas que je me refusais à franchir… Pourtant, alors que je m'apprêtais à m'emporter contre elle, elle me devança en jouant de son charme, comme toujours :
- Comme je ne savais pas quoi t'offrir, j'ai perdu un peu de temps dans les boutiques.
Elle me tendit une pochette cadeau.
- Il ne fallait pas te donner tant de mal, fis-je gêné, ne sachant comment réagir.
- Si, j'y tenais. Ca me fait vraiment plaisir.
En ouvrant le paquet, je découvris une cravate à motifs jazzy, aux antipodes de ce que j'avais l'habitude de porter.
- Tu n'aurais pas dû…
- Tu auras l'occasion de l'étrenner aux "Instants de Noël", me sourit-elle.
- J'ai toujours porté un smoking pour la circonstance, et je n'ai pas l'intention de déroger à cette habitude.
- Elle ira très bien avec ce genre de tenue puisqu'elle est noire et blanche. Et puis, ça changera des classiques nœud pap' et chemise à col cassé...
- Je reste dubitatif.
- Tu n'as pas l'air emballé !
- Si, si, c'est juste que je ne sais pas comment je vais justifier ce présent auprès de ma femme.
- Tu m'as dit qu'elle n'assistera probablement pas à l'événement car tes filles ont un gala de danse le même jour. Tu n'auras qu'à mettre ta cravate en son absence...
D'un côté, j'étais triste de ne pas pouvoir encourager mes filles pour leur première prestation publique. Elles étaient tout pour moi, et avant ma rencontre avec Elsa, elles avaient été ma priorité. D'un autre côté, mon égoïsme ne pouvait s'empêcher de prendre le dessus et de se réjouir du fait que Valériane n'assisterait pas à notre duo un peu trop complice.
- Moi aussi, j'ai un cadeau pour toi !
Elle l'ouvrit devant moi et ne put réprimer un cri de stupéfaction lorsqu'elle découvrit dans leur écrin une paire de boucles d'oreille en or et perles de culture. Elle me sauta au cou et s'empressa de m'embrasser sur le canapé Chesterfield, cette banquette en véritable cuir anglais sur laquelle nous avions maintes fois fauté. Elle était à califourchon sur moi, en train de déboutonner ma chemise tandis que je relevais sa jupe pour caresser ses cuisses et son ravissant postérieur. Elle était bien partie pour libérer mon sexe brûlant de son carcan de tissus frustrants, et mes mains étaient prêtes à lui arracher son string, à s'occuper de sa jungle rousse afin de faire tomber une pluie tropicale de plaisir accompagnée de gémissements érotiques lorsque mon téléphone portable sonna. Nous nous interrompîmes un instant, ne sachant s'il convenait ou pas de décrocher.
- Laisse-le sonner, j'ai trop envie de toi... me murmura Elsa.
- Je ne sais pas, c'est peut-être important, c'est peut-être mon épouse.
- Ne décroche pas, s'il te plaît ! Fais-moi l'amour maintenant…
Moi aussi j'avais très envie d'elle, et je ne souhaitais pas davantage que ce maudit coup de fil brise dans l'œuf notre étreinte. Pourtant, je sentais qu'il était capital pour moi de répondre à cet appel téléphonique. Comme je m'emparai de mon portable, je lus le désarroi, la déception dans les yeux d'Elsa. Je lui annonçai qu'Anna était la personne qui essayait de me joindre. Sa moue déconfite se fut encore plus expressive et elle me lança un regard noir. Je pris l'appel :
- Anna ? Qu'est-ce qui se passe ?
- Valériane est en train de vous rejoindre dans ta salle de cours…
- Quoi ? Là, tout de suite ?
- Oui, elle sort de ma classe et sera au troisième étage d'une minute à l'autre !
Je raccrochai promptement et intima l'ordre à Elsa d'ajuster ses vêtements et sa coiffure avant de se mettre au piano, tandis que je boutonnai ma chemise, masquai tant bien que mal les vestiges de l'échange de cadeaux et tournai la clé dans la serrure pour déverrouiller la porte. Puis je me postai aux côtés d'une Elsa qui prit l'heureuse initiative de faire ses gammes. Valériane frappa trois coups et entra sans attendre mon invitation à le faire. A sa grande stupéfaction je suppose, elle nous surprit dans un exercice instrumental, Elsa s'efforçant de ne pas jouer trop mal sous ma directive. Apercevant ma femme, je m'interrompis et feignis l'étonnement:
- Valériane ? Qu’est-ce que tu fais là, il est arrivé quelque chose aux filles ?
- Non, non, rassures-toi, me répondit-elle un brin mielleuse, tout va bien pour elles. Je voulais simplement assister à l'une de vos ultimes répétitions, étant donné que cette jeune fille nécessite davantage d'attention pour être prête le jour J.
- Nous faisions une petite pause pour épargner nos voix…
- Vos voix ? Tu ne lui donnes pas de cours de piano ?
- Si bien sûr, mais étant donné ses prédispositions pour le chant, j'avais pensé qu'elle aurait moins de difficultés pour une prestation publique.
- Dans ce cas, j'ai du mal à comprendre pourquoi elle te mobilise autant pour les répétitions si ce n’est pas pour qu’elle sache un minimum jouer de cet instrument pour lequel tu es censé lui donner des cours…
- Il s'agit d'un duo, et puis nous ne répétons pas durant des heures entières, nous alternons les leçons de piano et le chant.
Elsa assistait à la conversation, impassible. Valériane l'ignorait totalement. L'exercice auquel je me livrais était périlleux, devoir me justifier auprès de ma femme sous les yeux de ma maîtresse. Valériane n'avait d'ailleurs pas l'intention de me laisser m'en sortir aussi facilement:
- J'aimerais beaucoup l'entendre, votre fameux duo…
Je me mis au piano mais ne pus réprimer un sourire complice échangé furtivement avec Elsa. Valériane n'était probablement pas dupe de notre relation privilégiée, mais elle resta sur l'instant de marbre, impuissante à retenir mon attention ou mes sentiments. J'entamai l'intro musicale mais un fou rire acolyte et délicieusement puéril nous interrompit de concert, sous le regard atterré de mon épouse.
- Vous êtes d'un pitoyable ! s'exclama-t-elle.
Etouffés par nos gloussements respectifs, nous ne pûmes lui répondre que quelques minutes plus tard, lorsqu'elle décida de quitter la pièce, furieuse. Je tentai en vain de la rattraper, mais elle dévala les escaliers quatre à quatre. De retour dans ma salle de cours, Elsa me dévisagea un long moment :
- Combien de temps encore comptes-tu te défiler pour ne pas lui avouer ?
- Je ne me suis pas défilé !
- Ah non ? Et quand avais-tu l'intention de lui faire part de notre liaison ?
- Ecoute, je pensais que ce n'était vraiment pas le moment pour évoquer le sujet. Les fêtes de Noël approchent et je ne veux pas gâcher ces moments fraternels.
Elsa se leva de son tabouret en affichant une mine boudeuse. Elle m'abandonna à ma solitude sans même m'embrasser.
- Elsa, me hasardai-je timidement, j'espère te voir aux "Instants de Noël" samedi prochain ?
- A samedi...
Sa réponse fut sobre, presque glaciale, mais elle ne me planterait pas pour le festival, j'en étais certain. Cela dit, je craignais que notre relation ait pris du plomb dans l'aile, et ça me déprimait. Il fallait toutefois me résoudre à rentrer au sein de mon foyer, affronter une nouvelle croisade, prêcher en plein désert une athée qui ne croyait plus du tout en moi. Jusqu'au samedi fatidique, Valériane ne m'adressa plus la parole que pour me confier quelque tâche domestique concernant nos filles. L'heure était grave, le lit conjugal prenait l'eau de toute part et notre couple n'allait pas tarder à sombrer. J'en étais conscient, mais incapable de redresser la barre et changer de cap pour ne pas envenimer les choses. Et le pire restait à venir…
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