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- Je n'ai rien trouvé dans tes poches quand j'ai fait ta lessive, ajouta Andreas quand nous nous retournâmes tous vers lui, l'air interrogateur.
- Peut-être qu'elles sont dedans, proposais-je en m'avançant vers la fenêtre.
Nous collâmes nos fronts et nos mains sur les vitres pour scruter l’intérieur du véhicule. De l’extérieur, cette vision de quatre individus penchés en avant, collés aux vitres devait être hilarante.
- Je vois un sacré bordel là-dedans, observa Fanny en français. Et ben, ce n'est pas une voiture, c'est carrément une benne à ordures...
Jimmy la regarda un peu gêné : "Pardon, je être un peu en désordre." lui répondit-il en français. Je vis Fanny littéralement fondre en l'entendant parler français.
- heu... haha... c'est pas grave.. tant que tu t'y retrouves...
- Par terre, au pied du siège, on dirait un porte-monnaie et un téléphone, remarquai-je en me disant que cette voiture n'avait rien de bordélique. Si Fanny voyait la mienne, elle en ferait une crise cardiaque.
- Exact, confirma Jimmy. Mais je ne vois pas les clés. Il marqua une pause. Cette voiture ne se ferme pas si les clés sont à l’intérieur, se souvint-il en se frottant le front.
- Alors regardons aux alentours, dit Andreas en se retournant sur la route.
On se mit tous à chercher autour de la voiture, en élargissant au fur et à mesure notre champ de recherche. Petit à petit, on s'avançait vers la côte en imaginant le chemin que Jimmy aurait pris.
- Pour être exact, tu n'aurais pas fait ce chemin comme ça, mais plutôt comme ça, lança Andreas en zigzagant et titubant sur la route.
Jimmy éclata de rire et lui claqua le dos amicalement.
- J'aime votre positive attitude. C'est très rafraichissant. Merci, dit-il en s'adressant à nous tous. Son regard marqua un arrêt prolongé sur moi et il me sourit. Je lui rendis son sourire tout en baissant les yeux faisant semblant de chercher ses clés.
Nous arrivâmes sur les falaises où le soleil commençait à descendre sur l'horizon. C'était magnifique. Nous restâmes silencieux, alignés face à l'océan, observant le paysage, subjugués par la beauté du spectacle.
- Je me rappelle de ce paysage, chuchota Jimmy effrayé à l'idée de briser la magie du moment. Je me suis assis ici, je me rappelle.
Nous balayâmes l'herbe du regard.
- Là-bas ! criai-je et, honteuse d'avoir haussé la voix si brusquement, je continuai en prenant une voix plus douce : Là, au milieu, plus bas, il y a quelque chose par terre.
Jimmy plissa les yeux essayant de mettre au point sa vision.
- On dirait bien qu'il y a quelque chose, c'est exact. Allons voir.
Nous descendîmes vers ce nouveau but. Fanny était dubitative. Pour elle, ce n'était que des déchets. Elle avait raison. C'était effectivement des déchets mais des déchets très particuliers.
Il y avait une photo d'Amy déchirée, des dizaines de mégots de cigarette, un paquet froissé et une bouteille de whisky, vide.
Nous nous retournâmes sur Jimmy. Embarrassé, il ne sut quoi nous dire.
- Espèce de pollueur, lança Andreas pour détendre l’atmosphère tout en sortant, théâtralement, un petit sachet en plastique de sa poche comme par magie. Tout le monde rit en voyant cet homme parfait ayant toujours la solution pour chaque situation.
Il commença à ramasser les détritus, y chercha les clés mais rien. La luminosité baissant, nous nous aidâmes de nos smartphones pour voir si les clés ne seraient pas tombées plus loin dans l'herbe. N'ayant pas son téléphone, Jimmy se joignit à moi pour cette ultime quête. Trois petites lucioles commençaient à danser sur la plaine.
Nous étions très proche l'un de l'autre et je commençais presque à espérer ne rien trouver pour prolonger ce doux moment. Dans la pénombre, nos regards se croisaient souvent. La bonne convenance ou la timidité nous faisait détourner les yeux en souriant.
Soudain, un cri de joie retentit du coté de Fanny.
- Wouhouuuuu, je les ai trouvé!!!!!
Jimmy m'enlaça doucement soulagé. L'odeur de mon gel douche sur son cou me fit chavirer : j'eus l'impression qu'il était entré dans ma vie, dans mon intimité rien qu'en ayant utilisé mon savon sous la douche.
Il me lâcha quand Fanny s'approcha de nous en courant, les clés à la main. Jimmy l'enlaça et la fit tournoyer. Fanny était hilare et je voyais dans ses yeux qu'elle était au 7e ciel. Son acteur préféré était en train de la faire virevolter sur l'herbe d'Irlande au coucher de soleil. Un tableau magnifique qui aurait vite fait cliché dans n'importe quel film. Je riais en la voyant si heureuse, puis rapidement, je commençais à être jalouse. C'est quand même moi qui l'ai sauvé de la mort et c'est elle qui se fait virevolter dans les airs.
C'est souriante mais silencieuse que je suivis les autres vers la voiture, ressentant encore la sensation de la chaleur de son corps sur le mien.
Le soleil s'était couché quand Jimmy tourna la clé dans le contact. Mais au lieu d'un vibrant bruit de moteur, on entendit la voiture hoqueter. Jimmy laissa sa tête tomber sur le volant.
- FUCK! Mais c'est pas vrai!!!
Andreas se pencha vers le cadran et constata que la jauge d'essence clignotait rouge.
- Voilà l'explication de l'arrêt de la voiture ici et pas plus proche de la côte, sourit-il.
Dans la lueur des phares des voitures, nous nous dévisageâmes tous, attendant que quelqu'un trouve une solution. Andreas, visiblement fatigué, s'en alla sans un mot vers sa voiture, démarra et vint se garer en marche arrière devant la voiture de Jimmy. Il ouvrit le coffre et en sortit des sangles qu'il fixa avec l'aide de Jimmy aux deux voitures.
- Voilà, sourit-il. Ça devrait tenir jusqu'à la maison. La station essence du petit village à coté de notre location est fermée à cette heure-ci. On ira ensemble demain matin remplir un bidon d'essence.
En voyant Jimmy désespéré, il lui donna une accolade afin de le rassurer et prit sa femme par la taille la guidant vers sa voiture.
- Mon héros, rigola Fanny en lui donnant un baiser.
Fanny et Andreas montèrent dans leur voiture. Je m’apprêtai à les rejoindre quand je croisai son regard.
Il me fit un discret signe de la tête m'invitant à monter dans la sienne.
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