Le fauve caché

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Gabrielle Ticaz tournait en rond dans son bureau, une mèche de cheveux enroulée nerveusement autour de son doigt. Elle entendit du bruit dans le couloir, s'arrêta net, tendit l'oreille, puis recommença à faire les cent pas, non sans pester en espagnol. Un coup d'oeil à l'horloge lui indiqua une heure et demie de retard sur son emploi du temps et elle n'aimait pas ça, du tout. Malgré ses origines hispaniques, Gabrielle était en contradiction totale avec les clichés, elle mettait un point d'honneur à toujours être en avance et attendait de ses employés une ponctualité exemplaire. Si Sacha n'arrivait pas dans les dix prochaines minutes, elle s'assurerait de lui faire passer un mauvais quart d'heure !

La porte s'ouvrit d'un coup, dans une tornade de tissus. Sacha, le front en sueur, serrait contre sa poitrine haletante une pile de dossiers reliés d'un ruban noir. Se rendant compte de l'impolitesse de son entrée fracassante, elle écarquilla les yeux, se racla la gorge, prête à se confondre en excuses. Mais avant qu'elle n'ait pu ne serait-ce qu'ouvrir la bouche, Gabrielle lui arracha les feuilles des mains et d'un coup de ciseau rageur, coupa le ruban. Elle s'assit dans son fauteuil de cuir sans prendre la peine de saluer sa rédactrice adjointe et commença sa lecture en fronçant ses sourcils épais. Pendant ce temps, Sacha se balançait d'un pied sur l'autre, ne sachant pas s'il lui était permis de s'assoir ou de parler.

- Mlle Line, s'écria soudain la directrice.

La jeune fille eut un sursaut de panique en entendant son nom de famille et non son prénom, comme à l'accoutumé. Elle sentit ses mains devenir moites et sa gorge se serrer.

- C'est un excellent travail, continua sa supérieure.

Bien que Sacha était fière de son travail, elle fut soulagée d'entendre ces mots, car elle s'était attendu à des reproches.

- En revanche, votre comportement est intolérable. Savez-vous combien de personnes rêveraient d'être à votre place en ce moment même ? Heureusement pour vous, peu d'entre elles ont votre talent et votre flair pour trouver ces sujets d'articles et d'enquêtes. Cependant, aucun autre retard de votre part ne sera toléré alors j'espère pour vous et pour ma santé mentale que je n'aurais plus à revenir sur ce point.

- Oui madame, répondit docilement Sacha.

- Bien. Approchez vous maintenant et prenez donc une chaise, nous avons encore du pain sur la planche. Les maquettes que vous me présentez là sont les propositions définitives ?

- Oui, je reviens tout juste de l'imprimeur mais j'ai été prise dans les bouchons sur le chemin du retou...

- Epargnez-moi vos excuses, nous perdons du temps. Je n'aime pas cette couleur et cette photo est trop grande. Prenez des notes, bon sang ! Ce numéro spécial est très attendu, nous n'avons pas le droit à l'erreur ! Mettez-vous bien ça dans le crâne, ma petite.

Sacha écrivait à toute vitesse les remarques de sa directrice et son stylo glissait entre ses doigts sous le stress. Soudain, Gabrielle arrêta de faire des commentaires. Etonnée par ce silence inattendu, Sacha leva les yeux de son calepin. Son coeur se stoppa net. Sur la page double ouverte sur les cuisses de sa supérieure, s'étalait une photo d'elle-même, nue, sans aucun texte pour l'accompagner. Une goute de sueur perla sur sa nuque.

- Voilà qui est interessant... commenta Gabrielle. Peut-être pourriez-vous m'expliquer comment vous vous êtes retrouvée ici, Sacha, hum ?

La jeune femme déglutit. Le samedi précedent, elle était allée poser pour Lou Frelet. Cette expérience l'avait troublée mais elle était impatiente de recommencer. Sur un coup de tête, elle avait même demandé l'accord de l'artiste pour ajouter la photo à son article. Celle-ci avait bien sûr accepté avec plaisir, affirmant que ce cliché inédit ferait une excellente promotion pour sa nouvelle expo. Elle avait toute fois insisté pour qu'il occupe la place centrale de l'interview, si possible en double page. Imaginer tous ces lecteurs découvrant sa nudité exposée ainsi avait électrifié Sacha, mais désormais devant le fait accompli, elle n'était plus tout à fait sûre d'assumer ce choix. Les mots peinaient à s'aligner dans son esprit, incapables de former une explication cohérente. Elle n'osait même pas croiser le regard de Gabrielle. Son poul résonnait à ses oreilles et dans une vaine tentative, elle ouvrit la bouche, mais aucun son n'en sortit.

- Vous avez perdu votre langue, ma jolie ? Pourtant, elle semblait bien fonctionner quand Lou vous a photographiée ! Joder, regardez-moi ce regard coquin que vous donnez à la camera... Ca donne presque envie d'être ce cornet de glace que vous léchez.

Gabrielle accompagna ses paroles d'une légère caresse sur la photo, là où la crème glacée dégoulinait en noir et blanc sur la lèvre inférieure de Sacha, puis se lécha le doigt en fermant les yeux, comme si elle tentait d'en goûter la saveur.

- Ce cliché est excellent, j'espère que vous allez continuez de poser pour Lou ! La prochaine photo sera en couverture. Je veux cette magnifique chute de reins pour l'edition d'avril.

A ces mots, Gabrielle se leva d'un bond, attrapa son employé dans son élan et la détailla de la tête au pied. Elle saisit la fine bretelle de la robe de Sacha et la fit glisser sur l'épaule à la peau de porcelaine. La ficelle tomba négligemment. La directrice tourna autour de la jeune fille, une boucle brune entortillée sur son index, en intense réflexion. Sacha ne savait pas quoi faire et sa supérieure semblait inconsciente du trouble qu'elle suscitait chez son employée. Une fois derrière elle, la blonde entendit le son de la fermeture de sa robe qui s'ouvre. Puis les doigts chauds de Gabrielle dessinèrent la ligne de sa colonne vertébrale au fur et mesure que la peau se dévoilait. Plus le zip s'ouvrait, plus la bretelle tombait, si bien que son sein droit fut mis à nu. Les doigts de sa directrice étaient désormais figés dans le bas de son dos.

Sacha découvrit dans le reflet de la vitre l'image érotique qu'elles offraient à la vue des bureaux d'en face, heureusement vides. Elle ferma les yeux, espérant que ces attouchements continuent, comme elle en avait rêver depuis l'incident du métro. De nouveau prise dans sa transe sensuelle, ses hanches se mirent en mouvement. Elles cherchaient un contact plus prononcé avec Gabrielle, mais ses fesses ne rencontrèrent que le vide. La jeune femme se retourna timidement en cachant sa poitrine, honteuse d'avoir cru un instant que son fantasme se réalisait. Une fois son visage face à celui de l'envoûtante hispanique, cette dernière sourit de ses lèvres pulpeuses avant d'oter les mains de Sacha avec une fermeté impatiente. Dans ce mouvement, la deuxième bretelle tomba, révélant des mamelons roses durcis de plaisir.

- Ma chère petite Sacha, tu me sembles bien excitée... susurra Gabrielle à son oreille, frottant sa propre poitrine à celle déjà sensible de la petite blonde. Tu sais ce qui serait dommage, hum ?... Que je te laisse dans cette état.

Sacha regarda les yeux chocolat de sa directrice, sans comprendre.

- Ca t'apprendra à arriver en retard.

La belle espagnole poussa un léger rire moqueur, se délectant de la frustration de son employée.

- Oh... Pauvre petite... Tu veux quand même quelque chose ? déclara sensuellement Gabrielle en attrapant le menton de Sacha. Supplie moi, ma jolie.

Sacha laissa échapper un gémissement.

- Pardon, je n'ai pas entendu.

La claque résonna dans le silence de la pièce et laissa une marque rouge sur la peau laiteuse du sein gauche, tout prêt du téton.

- Si tu n'es pas capable de supplier, rhabille-toi.

Sacha était tétanisée.

- J'ai dit rhabille-toi, petite. Ne me fait pas le répéter encore une fois.

Sacha retrouva ses esprits et rajusta sa robe en toute hâte, attrapa son sac et s'élança vers la porte. Juste avant que celle-ci ne se referme et ne mette fin à cette folie, elle entendit la voix grave de Gabrielle mumurer en sa direction :

- Quand tu seras prête à t'abandonner, reviens me voir.

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