L’humain semble suivre mes indications. Il y a un distributeur d’implants cérébraux sur l’esplanade. Un rapide diagnostic m’indique que ce secteur n’a pas d’avarie majeure, le distributeur et les implants devraient être opérationnels.

J’effectue un bilan plus complet de la cité. Dix pour cent des secteurs sont en maintenance, tout est normal. La cité s’autorégénère. Elle recycle ses parties internes, démantèle ses secteurs trop vieux pour en recréer de nouveaux comme le font les cellules organiques. A la différence près qu’elle n’est pas programmée pour mourir.

La production d’énergie est elle aussi stable. A peine un pour cent de la charge nominale, bien plus faible que lorsque Thélème était habitée. Les capteurs solaires recouvrant la planète sont quasiment tous désactivés. Les tours de culture fonctionnent normalement. Les récoltes sont stockées jusqu’à atteindre leur date limite, faute d’habitant pour les consommer, puis envoyées au compost pour alimenter la récolte suivante. Rien n’a changé. La cité est telle qu’elle était au moment de l’évacuation. Telle qu’elle l’a toujours été.

Le bilan terminé, je refocalise mon attention sur David. Il semble hésiter à enlever son casque. De toute évidence, il ne sait pas où il est. La méfiance et l’appréhension avaient fini par disparaître de la cité. Une vie sans surprise, sans imprévu, sans danger pour ses habitants avait aboli ces sentiments au fil des générations. La société avait atteint la stabilité absolue à laquelle l’homme avait aspiré durant des millénaires. Ironiquement, il avait suffi de l’évincer simplement du système politique et d’ériger une algocratie totalitaire pour atteindre ce but. Les détails de cette époque troublée sont sauvegardés quelque part dans mes archives froides. Inutile de les réchauffer pour le moment.

Un réseau synaptique s’active. Selon toute probabilité, David voudra savoir où sont passés les habitants. Je dois me préparer à cette éventualité. Les données de l’évacuation sont les dernières à avoir été sauvegardées, elles sont rapidement accessibles mais je dois les synthétiser pour les mettre à la portée d’un humain.