Chapitre 7 - Les sourires de Raphael
L'eau me monte jusqu'à la taille et je ferme les yeux plusieurs minutes pour sentir la douce brise caresser mon visage. J'entends un bourdonnement se rapprocher et troubler ma paix intérieure. Je remonte mes lunettes sur la tête pour avoir une meilleure vision. Le plus gros frelon que j'ai jamais vu essaye de se poser sur moi. Je me mets à crier et sautiller les yeux fermés dans toute la piscine. Mes lunettes tombent dans l'eau.
- Oh mon Dieu ! Va-t'en ! je hurle les paupières toujours closes.
Je me cogne contre quelque chose de dur qui n'est pas censé être là mais le bruit du frelon est toujours présent, c'est tous ce qui m'importe. Je me blottis contre sans chercher à savoir de quoi il s'agit.
Quand le bourdonnement s'efface enfin, je m'autorise à me dégager de cette chose dure. Je lève les yeux et je me fige.
Raphaël me dévisage avec une expression effarée sur le visage. Mes joues deviennent aussi rouges que mon maillot de bain.
- Je... je, je bafouille en regardant ailleurs.
Il me dévisage en fronçant les sourcils puis éclate d'un rire masculin propre à un homme comme lui. Il passe une main sur sa bouche si parfaite comme pour s'obliger à reprendre son sang-froid.
Je rêve où Raphaël est en train de rire. Je viens de le faire rire ! Je ne pensais pas que c'était possible mais je ne vais pas me plaindre.
Le choc passé, moi aussi je suis hilare. Nos rires résonnent et les autres clients de l'hôtel nous regardent de travers.
- Je suis désolée mais vous étiez tellement drôle. Je n'ai pas pu résister, se justifie-t-il une fois le calme revenu.
- C'est plutôt moi qui dois m'excuser de vous avoir sauté dessus, j'avoue avec une plus grande confiance.
Il m'observe un petit sourire en coin.
- Une chose est sûre, je ne vais pas m'ennuyer avec vous, ajoute-t-il.
- On peut se tutoyer ? je demande confuse.
- Il y a bien longtemps qu'on aurait dû en arriver là.
Il place sa main dans mon dos d'un signe protecteur, puis nous allons nous changer pour le dîner.
Je sens que Raphaël et moi avons partagé quelque chose aujourd'hui. J'espère être plus proche de lui dans les jours à venir. Cet homme m'intrigue de plus en plus, j'ai envie de mieux le connaître. Je ne sais pas pourquoi je veux ça mais je le veux c'est tout. Sa vie n'a pas l'air très agréable malgré sa condition d'homme d'affaires. Il travaille beaucoup pour cacher un manque intérieur peut-être ? Le travail des filles comme moi est de combler ce manque. Je veux être celle qui le fasse rire parce qu'il semble souffrir au fond de lui.
Quand nous entrons dans notre suite. Je peux admirer un immense sapin décoré dans le coin du salon. Pour le coup, ce nouveau décor rappelle l'esprit de Noël laissé de côté par la chaleur et le soleil oriental.
J'étale plusieurs tenues afin d'en trouver une qui sera parfaite pour le dîner. Il est presque huit heures et j'opte finalement pour une jupe moulante rose pâle, un croc top en dentelle ainsi que des talons crème en diamants.
Je rejoins Raphaël dans le salon après avoir fait un maquillage simple et sécher mes cheveux.
- Tu es très jolie, comme d'habitude, me complimente-t-il.
Sa voix a perdu la chaleur de tout à l'heure mais il est toujours si aimable que je ne vais pas me plaindre.
- Merci, je réponds à la fois gênée et contente du compliment.
Nous descendons dans le hall d'entrée pour nous installer à la table de l'un des cinq bars et restaurants de l'hôtel. Le plafond est immense, les arches sont en vitraux de couleurs et les palmiers rappellent les tropiques.
Nous commandons nos plats en anglais, un peu tard à cause de la foule présente. Mon partenaire éteint son téléphone avant de le poser sur la table.
- Pourquoi travailles-tu autant Raphaël ?
Je commence à m'habituer à sa présence, ce qui me permet d'avoir plus confiance en moi.
- Castillo Corporation est l'une des boites de publicité les plus puissantes d'Europe. Nous travaillons avec de grandes marques comme L'Oréal ou Victoria's Secret. C'est grâce à moi que cette entreprise est aussi grande. J'ai travaillé d'arrache pieds jour et nuit pour en arriver là.
Il semble apprécier ma question puisqu'il y répond avec une certaine confiance. J'admire le dévouement qu'il porte à son entreprise.
Nous mangeons en silence durant plusieurs minutes lorsque Raphaël me dévisage sans gêne. Je soutiens son regard, un sourire en coin.
- Tu n'es pas comme les femmes que j'ai connues, avoue-t-il sans cesser de me regarder.
- Pourquoi tu dis ça ? Tu ne me connais pas, je réponds gentiment.
- Les femmes de mon milieu sont prétentieuses et égoïstes, avoue-t-il. Tu t'émerveilles devant chaque chose que tu vois et tu prends le temps de vivre.
- Je pense qu'avec moi tu vas ralentir le rythme et profiter plus de la vie. C'est pour ça que je suis là. Mais je vis au jour le jour Raphaël.
Il esquisse un sourire pour la première fois.
- Tu as raison mais tu es là parce qu'il y a une récompense au bout, dit Raphaël en se refermant à nouveau.
- Nous ne sommes pas du même monde, je justifie. J'ai besoin d'argent, c'est une certitude mais je suis ici pour toi avant tout.
- L'argent permet d'avoir les femmes, mais on ne peut pas avoir l'argent et l'amour, affirme-t-il dans un calme glaçant. C'est impossible dans mon milieu.
Je suis piquée au vif. Finalement il n'est pas si différent des autres s'il me voit comme un gage obtenu grâce à sa fortune.
Sans montrer mes émotions, je quitte la salle d'un pas rapide. Je me précipite vers les ascenseurs dans l'espoir de m'enfermer dans ma chambre mais j'entends des pas rapides dans mon dos. On m'attrape vivement par le bras pour me forcer à me retourner.
- Je ne voulais pas te vexer, excuse-moi Alicia, dit Raphaël les yeux remplis de sincérité.
- Tu as raison Raphaël, je ne suis pas comme les autres... Parce que je ne suis pas une pute ! je hurle les larmes aux yeux.
Je commence à pleurer et j'essaye de me cacher en tournant le dos à l'homme qui m'a fait du mal.
- Parfois, tu ferais mieux de ne rien dire, je sanglote.
Il fait alors quelque chose qui m'étonne. Il me prend dans ses bras et je ne fais rien pour me dégager. Raphaël n'a pas l'air très sûr de lui pour une fois. C'est le signe que ce geste ne lui est pas familier. Je tiens compte de son effort.
Au bout de quelques minutes je me détache de lui pour essuyer mes larmes.
- J'aimerais que tu me laisses seule ce soir s'il te plait.
- Je te ferais apporter la suite du dîner, dit-il en hochant la tête.
Je grignote la fin de mon repas seule dans ma chambre. J'ai besoin de réfléchir sur toute cette situation qui me tombe dessus.
J'ai besoin de beaucoup d'argent mais je ne coucherais pas avec un homme comme Raphaël. À la fin des vacances, j'accepterais d'être son escorte pour un prix plus que raisonnable.
***
Après ma douche, j'enfile une jupe blanche et un crop top à fines bretelles ainsi qu'une chemise à fleur et des baskets Gucci. J'ai très mal dormi cette nuit mais ça ne m'empêche pas de profiter de ma jolie garde-robe.
En allumant mon smartphone je constate que j'ai deux nouveaux mails : un de Sarah et un autre de mon banquier. Ce dernier veut que je le rappelle en urgence. Je compose le numéro indiqué dans le message.
- Bonjour je suis Alicia Forest, vous...
- Mademoiselle Forest ! me coupe le banquier. Ça fait des jours que j'essaye de vous joindre. Nous avons trouvé l'argent pour vous dédommager mais il me faut votre accord pour le transfert.
- Je vous le donne, je m'agace.
- Très bien nous ferons le transfert, termine-t-il.
Je raccroche sans savoir s'il avait terminé ou non. J'envoie un mail rempli de mensonge à Sarah. Cette nuit, j'ai pris la décision de lui dire la vérité quand nous nous reverrons. C'est mon amie, elle ne mérite pas que je lui mente.
Raphaël toque à la porte et je l'invite à entrer dans ma chambre ordonnée.
- Est-ce que ça te convient de passer la journée au centre commercial ? demande-t-il.
- Mais on est dimanche tous les magasins doivent être fermés, je m'exclame.
- On est à Dubaï, tout est possible, susurre-t-il un sourire en coin.
Je crois que mon partenaire est bien décidé à se détendre. Pour cause, je vais en profiter et oublier notre altercation de la veille.
Je prends un sac à main et les lunettes de soleil d'hier. Nous descendons au parking et Raphaël s'installe au volant d'une Ferrari décapotable rouge.
- Alors là, j'ai du mal à y croire ! je m'écris les yeux brillants.
- C'est une voiture que j'ai louée. Si elle me convient, je vais l'acheter, m'indique Raphaël.
Nous roulons à grande vitesse, les cheveux au vent dans les rues de Dubaï.
La voiture s'arrête sur un parking géant près d'un immense bâtiment en verre.
- Voici le plus grand centre commercial du monde, m'indique-t-il. Il y a 1 200 boutiques. Tu devrais trouver ton bonheur.
Le téléphone de Raphaël sonne et quand il voit l'appelant il se renferme sur lui-même. Il envoie quelques textos rapides avant de se tourner vers moi.
- J'ai quelque chose d'urgent à faire, soupire-t-il. Je te donne l'une de mes cartes gold sans contact pour que tu puisses t'offrir ce que tu veux. Je t'enverrais un message quand je serais de retour. Ne quitte pas le bâtiment.
Je suis déçue par le dérangement constant dont est victime Raphaël. Il me laisse devant l'entrée avant de partir à toute allure. J'espère qu'il reviendra. Trop de personne m'ont abandonné dans la vie et je déteste ce sentiment.
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