Chapitre 10 - Larmes et réconfort

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Je rentre à la chambre d'hôtel, la tête basse, blessée par les propos de Kelly. Je préfère me retrouver seule et laisser Raphaël nager. Je suis décidée à ne pas m'engager sur un terrain glissant. À la fin du séjour, je couperai les ponts avec cet homme et son argent.

Mais l'idée soudaine de ne plus voir Raphaël me laisse une pointe sur le cœur. Ça fait quelques jours que nous sommes ensemble mais j'ai l'impression que ça fait des semaines que je le connais. J'ai appris à l'apprécier avec ses qualités et ses défauts.

Je passe le reste de l'après-midi à faire la sieste dans ma chambre.

- Est-ce que je peux entrer ? demande Raphaël derrière la porte.

- Je t'en prie.

Il vient s'appuyer contre le poteau du lit à baldaquin.

- Ne t'imagine pas que je ne sais pas que tu as passé le reste de la journée dans ta chambre, expose-t-il d'un ton grave. Tu es malade ?

- Non je vais bien, je mens en essayant de paraître crédible.

Raphaël m'observe quelques secondes avant de s'asseoir près de moi sur le lit.

- Ne me mens pas Alicia, dit-il d'une voix autoritaire.

Je détourne le regard avant de me noyer dans ses beaux yeux bleus.

- Ce n'est rien de grave.

- Bien, souffle-t-il peu convaincu. Nous partons dans deux heures alors vient manger avant de te préparer pour notre sortie au musée.

Je le suis dans le salon puis m'installe en face de lui sur la table de marbre. Mes vêtements décontractés jurent avec la pièce et Raphaël. Une preuve de plus qui me signale que je ne serais jamais de ce monde.

Après un dîner silencieux, je revêts la robe rouge et les escarpins vernis. Raphaël porte un smoking noir sur mesure qui lui va à merveille.

Nous roulons en Ferrari à travers la ville éveillée avant d'arriver devant un immeuble moderne. Le voiturier prend les clefs puis nous empruntons le tapis rouge comme les stars de cinéma. Encore une fois, je pénètre dans un monde nouveau.

Il y a une grande salle remplie de convives mais Raphaël me guide vers l'exposition. J'observe les tableaux d'art contemporain avec admiration.

- Tu aimes les tableaux exposés ? demande Raphaël.

- Beaucoup. L'artiste exprime ses émotions avec beaucoup de finesse et de sensibilité. Il montre sa peine et son désespoir à travers des couleurs froides, j'explique fascinée.

- Mademoiselle est connaisseuse à ce que je vois, commente un homme en français avec un fort accent arabe.

Je me tourne vers un jeune homme métis et très séduisant. Je lui souris en signe de bienveillance à son égard.

- Je m'appelle Rachid Al Assan, dit-il en me faisant un baisemain. Je suis l'un des présentateurs de l'exposition.

- Alicia Forest, j'enchaîne en rougissant.

Nous parlons quelques minutes avant que Raphaël intervienne dans notre conversation sur l'art.

- Alicia, je veux que nous montions à l'étage, ordonne Raphaël.

- Je veux terminer ma conversation d'abord, je fais part, légèrement irritée.

Je soutiens son regard courroucé en signe de protestation. Rachid semble remarquer cet affrontement.

- Je vais vous laisser. C'était un plaisir Alicia. Monsieur, j'espère que vous garderez cette charmante femme à vos côtés, intervient-il avant de s'éclipser.

- Pourquoi est-ce que tu nous as interrompus ? je gronde sans cacher ma colère.

J'étais contente de discuter avec quelqu'un spécialisé en histoire de l'art.

- Tu m'accompagne Alicia et je veux que tu sois avec moi, explique-t-il d'une voix dure.

- Je ne t'appartiens pas Raphaël ! j'explose, aveugle aux regards indiscrets. Je discute avec qui je veux ! Tu n'as pas le droit de me dire ce que je dois faire.

Durant quelques secondes, il me dévisage comme si j'étais folle. Cet homme ne doit pas être habitué à ce qu'on lui parle comme ça. Il reprend vite ses esprits mais je ne lui laisse pas le temps de parler. Oui je l'avoue, je prends la confiance avec lui. Je ne dois pas me laisser marcher sur les pieds non plus.

- Peut-être que dans ton monde, tu as l'habitude de tout contrôler mais dans la vraie vie ça ne se passe pas ainsi. Vous les riches vous êtes tellement déconnectés de la réalité, je termine en m'enfuyant dans les couloirs vides du musée.

Je reste sourde aux échos de sa voix qui m'appelle. Je m'enferme dans un placard à balais, là où se trouve ma vraie place c'est-à-dire celle d'un marginal de la société. À présent, je ne me sens plus comme une star mais plutôt comme Cendrillon lorsque le charme est rompu.

Raphaël me traite comme un objet ou comme une chose qu'il peut contrôler. Je m'en rends bien compte maintenant. Il oublie que je suis un être humain avec un esprit et des sentiments.

Après quelques minutes à laisser couler des larmes, je sors pour rejoindre la soirée. La lumière grésille avant de s'éteindre complètement.

- C'est étrange, je murmure en avançant la main contre le mur pour me repérer.

Tout à coup, j'entends des cris et des coups de feu au loin. Une alarme rouge s'allume et retentit, me permettant d'apercevoir les portes. Je me dirige vers le panneau sorti mais l'alarme et le voyant vert s'éteignent sans crier gare.

À présent, je me guide à l'aide des cris des invités. J'arrive dans la grande salle désormais sombre, vide et un silence de mort. Je pense que tout le monde a évacué. La peur commence à monter et je m'effondre par terre.

Quelques secondes plus tard, j'entends des cris qui m'appellent. Je hurle à mon tour puis un faisceau lumineux m'éclaire le visage.

- Alicia ! s'écrit Raphaël.

Je peux entendre du soulagement dans sa voix.

- Qu'est ce qui se passe ? je demande complètement effrayée.

- Des braqueurs se sont mêlés aux invités pour voler des tableaux et ont tirés dans tous les sens, explique-t-il. Il faut y aller !

- Monsieur ! tonne un policier en anglais. Vous devez évacuer immédiatement.

Nous sortons rejoindre la foule dehors, escortés par les policiers.

Dans la voiture, je préfère garder le silence. Je suis encore énervée contre Raphaël et j'ai peur de m'effondrer si je croise son regard.

Je m'enferme dans la chambre d'hôtel pour me changer. Je suis encore bouleversée par ce qu'il vient de se passer au musée. J'ai eu très peur. Je vais dans le salon pour boire un verre d'eau et espérer que ce sentiment de terreur disparaisse.

- Alicia ?

Je ne peux supporter davantage de lui faire la tête.

- Oh Raphaël ! J'ai eu tellement peur ! je m'écris en pleurant.

Il me prend doucement dans ses bras.

- C'est ma faute. Si je ne t'avais pas brusquée tu serais restée avec moi, chuchote-t-il. Je te demande pardon.

Il lève mon visage vers le sien pour sécher mes larmes. Je perçois à nouveau ce côté sensible qu'il désespère à cacher. Les actes et les paroles de Raphaël me surprennent mais me réchauffent le cœur. J'ai l'impression qu'il est comme ça qu'avec moi et ça me plaît.

- Tu es belle et indépendante. Tu n'as pas peur du monde qui t'entoure, murmure-t-il. C'est ce que j'aime chez toi.

Il me caresse doucement le visage comme s'il craignait que je disparaisse.

- Est-ce que tu veux dormir avec moi cette nuit ?

Je hoche la tête avant de le suivre dans sa chambre. Je suis envahi par son odeur masculine et rassurante. Je m'installe dans le lit puis défait les draps parfaitement tirés par les femmes de chambres.

Raphaël retire son smoking et je détourne les yeux par pudeur. Je crois percevoir un demi-sourire face à cet élan d'innocence de ma part.

- Ça ne te dérange pas que je dorme en boxeur ? demande-t-il.

- Non pas du tout, je réponds du tac au tac en bavant presque sur son corps parfait.

Il s'installe près de moi avant d'éteindre la lumière.

- Comment tu fais pour avoir un corps aussi musclé ? je demande sans gêne.

- Dès que j'ai le temps, je passe à la salle de sport, s'esclaffe Raphaël. J'y suis resté deux heures cet après-midi.

Je regrette de ne pas pouvoir apercevoir l'expression de son visage.

- Et toi, comment tu fais pour être aussi intelligente ? continu-t-il au bout de quelques minutes.

- Je travaille dur, j'explique sans trop d'enthousiasme. La vie ne m'a pas trop gâtée. D'ailleurs, je vais bientôt devoir me remettre à travailler pour les partiels de fin semestre.

- Je ne comprends pas pourquoi tu dis que la vie ne t'a pas gâté.

- Ça n'a pas d'importance, je soupire en me positionnant sur le dos.

- J'aimerais que tu puisses me parler Alicia, avoue-t-il en posant ses doigts chauds sur ma cuisse nue, ce qui ne manque pas de me faire sursauter.

- Excuse-moi, reprend-il en enlevant sa main.

- Parle-moi de toi alors, j'ose dire.

- Bonne nuit Alicia, souffle Raphaël au bout de quelques secondes.

Il n'est pas prêt à se confier. Si on est encore des inconnus l'un pour l'autre, pourquoi tous ces rapprochements physiques tout à coup ? Que se passe-t-il dans ta tête Raphaël Castillo ? J'aimerais bien le savoir. Je voudrais comprendre ses changements si soudains.

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