Chapitre 51 – L'attente
R'yline n'avait pas fermé l'œil de la nuit. Elle avait entendu les chevaux pénétrés le domaine et n'avait aucun doute sur les invités récemment arrivés. S'endormir c'était abaisser sa garde. Impossible. La femme froide à la parfaite maîtrise d'elle-même avait automatiquement refait surface. Peut-être le soldat l'avait senti, peut-être avait-il reçu de nouvelles consignes ? En tout état de cause, il ne l'avait plus approchée, déposant simplement une gamelle aux premières lueurs du jour.
Personne ne vint. Le qui-vive devenait insupportable. Comme aucun visiteur n'était entré dans les geôles, elle décida de courir le risque de faire appel à son élément. Ses mains formèrent le cercle rituel et un jet d'eau jaillit au-dessus de sa tête. Peu à peu il tourbillonna pour se déformer selon la volonté de la Naïadienne et former peu à peu un visage. Voir son amant miroitant apaisa quelque peu la danseuse. Il était là, quelque part, à veiller sur elle. Il suffisait de survivre à cette journée.
Kamal avait parié sur le fait que le roi ne se manifesterait de l'intérêt qu'après la réception que Sire Guelvetor ne manquerait pas d'organiser à la volée en son honneur. Il n'était pas fréquent de recevoir l'honneur d'une visite royale et pouvoir ainsi se mettre en avant. Mais connaissant son maître, ne serait-il pas tenté de venir la soumettre avant ? Elle frissonna. Sa gorge se noua. Le visage de Kamal disparut alors que l'eau retombait en une flaque sur le sol.
Ses pensées remontèrent le cours du temps. Kamal lors de la réception des o'rocs et sa complète indifférence. Leur chemin croisé dans le couloir alors qu'il la surprenait à "emprunter" un livre. Les doutes. L'intensité de leur première fois.
Elle repartit plus loin dans le passé. Son arrivée au château. Sa place qu'elle s'était achetée entraînant la jalousie de ses sœurs. La brutalité du roi. Ses cadeaux. L'envie des autres femmes.
Avait-elle fait le bon choix ? L'idée l'effleura. Peu de temps. Elle n'était qu'une poupée de porcelaine jusqu'à leur rencontre. Un magnifique ouvrage à posséder jalousement et, parfois, à exposer fièrement. Une coquille vide. Sans âme. Oui, elle avait pris des risques, comme jamais dans sa vie : se confier, ouvrir son cœur et s'autoriser à aimer, fuir, oser la liberté. Mais, même si elle devait mourir demain, cela valait cent fois la vie qu'elle avait menée jusque-là. Non, elle n'aurait aucun regret. Un seul peut-être... Ne pas partager le bonheur avec celui qu'elle aimait passionnément. Son cœur vibra. Ses mains formèrent aussitôt un nouveau cercle et l'eau jaillit du sol pour virevolter dans les airs. L'eau pulsait au rythme de son cœur. La jeune femme créa un véritable ballet aquatique dans sa cellule pour son seul plaisir. Et elle s'oublia. Seul l'amour emplit son âme, tout son être.
Lorsqu'R'yline sentit l'air fraîchir, elle transforma l'eau en gouttelettes qu'elle fit s'évaporer d'un simple geste. Des bruits de sabots retentirent au-dehors. Comme l'avait prévu Kamal, une réception allait avoir lieu. La jeune femme se raccrocha à cette idée pour se conforter sur le fait que le souverain ne viendrait la voir que le lendemain. Un sourire étira ses lèvres en pensant que cela ne se produirait jamais.
Puis un bruit de clé. Et une voix. Le sang d'R'yline se glaça. Ce timbre, elle le reconnaîtrait entre mille. IL était finalement venu plus tôt, ne pouvant supporter l'idée de la châtier prestement. Une nausée la submergea alors que des pas résonnaient dans le couloir. Puis l'ombre massive du roi.
— Tu as cru pouvoir m'échapper ? Petite putain, tu es mienne.
Ses mains agrippèrent les barreaux. Ses yeux n'étaient qu'un brasier dont la faim embrasait tout sur son passage.
R'yline ne pouvait plus déglutir. Elle eut l'impression que toutes ses fonctions vitales s'arrêtaient peu à peu de fonctionner. Elle voyait sa tête percuter le mur alors qu'il la prenait de force dans le fond du cachot.
— Tremble en attendant que je vienne te sortir de là pour te ramener au château demain. J'ai des choses plus urgentes ce soir. Je savoure déjà nos retrouvailles demain, sale chienne !
Un jet enflammé fusa en direction de la robe déchirée de la danseuse qui s'enflamma aussitôt. Le roi tournait déjà les talons. R'yline transpira. La température augmentait déjà. Elle se forçat au calme jusqu'à ce que le silence retombe dans les geôles, seulement ponctué du crépitement. Transpirante, la Naïadienne fit jaillir de l'eau pour l'élever au-dessus de sa tête et la déverser comme si un seau d'eau se renversait sur son corps. La chaleur disparut enfin. R'yline osât un coup d'oeil sur ses jambes désormais à nues. Des traces rouges maculaient ses tibias remontant au niveau des genoux. Elle les baignât d'une eau tiède afin de ne pas aggraver les blessures et maintint ce cataplasme improvisé jusqu'à ce que le feu quitte ses jambes. Alors, son corps fut pris de soubresauts incontrôlés et des larmes ruisselèrent longtemps sur ses joues, le soulagement se mêlant à l'angoisse.
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