Confiance

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"La confiance à l'âme est semblable en un point : Une fois envolée, elle ne revient point."

                                                                                                                                                       Publilius Syrus


La journée avait déjà bien démarré lorsque Marie entra dans la chambre d'Ovide pour le réveillé. Lorsqu'elle ouvrit la porte, elle le vit allongé sur son lit, toujours marqué par ses blessures de la veille. Il avait l'oeil droit gonflé ainsi que plusieurs ématomes sur le visage et les bras. La jeune femme laissa échapper un petit cri et elle s'approcha :

— Ovide ! Ovide ! Mon dieu ! Mais que s'est-il passé ?

— J'ai... Je... Suis battu... chuchota le jeune garçon.

— Quoi ? Mais contre qui ? Mon père... Il est au courant ?

— C'est lui qui a organisé ça... ajouta-t-il difficilement.

— Mais...

Les larmes montèrent aux yeux de Marie.

— Comment a-t-il pu ?

— Il m'a emmené dans un endroit où ils font combattre des noirs les uns contre les autres. J'ai... J'ai tué un homme, avoua Ovide en gémissant.

Marie le regarda sans rien dire, se contentant de pleurer à chaudes larmes. Il lui raconta alors toute la soirée avant qu'elle ne s'approche pour le prendre dans ses bras et le serrer contre sa poitrine.

— Ça va aller... Je te le promet, lui dit-elle.

— Mais comment ? Il a tenté de me tuer, et c'était à peine déguisé. Juste avant de me laisser hier soir, il m'a parlé d'une surprise... Qu'est-ce que ça va être encore ? Il compte peut-être me mettre une balle directement dans la tête.

— Non ! Ne dit pas ça. Tu sais quoi ? On s'en va ! Il est midi, on va donc descendre manger et j'annoncerai à mon père que nous ne restons plus. Tu n'auras pas à parler, je te le promet. Après ça, on fait nos valises, on prend la dilligence et on s'en va.

— D'accord... Merci, Marie.

Sur le pas de la porte, Joseph pesta doucement. Il descendit voir son maître, alors en train de boire du vin sur sa terasse, qu'il s'empressa de mettre au courant :

— Maître ! Maître ! Il se passe quelque chose !

— Calme toi, Joseph. Pas la peine de crier, répondit calmement Harold.

— Votre fille et ce foutu négro veulent s'en aller ! Ils ont dit qu'ils partiraient après manger.

— Allons, voilà qui est fâcheux. Mais ne t'en fais pas, il ne pourront pas partir.

— Comment ça ? La dilligence est dehors ! Il peuvent partir quand ils le veulent !

— Ne t'inquiètes pas, je t'ai dit, affirma l'homme en finissant son verre. Tu n'as rien remarqué ce matin ? Peu importe. Bien, allons manger ! Appelles les, veux-tu ?

Le vieux serviteur se retira sur ces mots et partit appeler les deux tourtereaux afin qu'ils descendent manger. Ils descendirent tous les trois et Ovide et Marie s'installèrent à table. Le repas commença doucement, sous un silence macabre. Alors que le plat de résistance était bien entamé, la jeune femme pris la parole :

— Père, je dois vous prévenir... Nous avons décider de nous en aller. Nous partirons en début d'après-midi.

— Puis-je savoir pourquoi ?

— Vous le savez. Cette situation ne peut plus durer. Je suis navrée d'en arriver là, mais je pense que c'est le mieux. Nous reviendrons sans doute vous voir plus tard...

— Je crains malheureusement ne pas pouvoir accéder à ta requête, ma fille.

— Pourquoi ?

— Les chevaux qui étaient attachés à votre carosse se sont tous enfuis. L'abruti qui les a accrochés a du mal serrer le noeud d'attache. De plus, le cocher a disparu. Les gars ont dit l'avoir vu partir en ville, il doit être en train de se saouler à l'heure qu'il est.

— Quoi ? Mais comment est-ce possible ? Dans ce cas... Ne serait-il pas possible de nous prêter des chevaux ?

— Non. Je les utilises tous et puis, si tu m'en prend deux, comment vais-je faire pour faire tourner mon domaine ? J'ai besoin de tous mes chevaux...

— Père... Nous allons partir.

— Excusez-moi... demanda un serviteur.

— Quoi ? rétorqua froidement Harold.

— Pouvons-nous servir les desserts ?

— On a l'air d'avoir fini nos assiettes ?

— Eh bien... Elle me paraissent toutes vides...

— Alors qu'attends-tu ? Bouge toi ! cria-t-il.

— Oui monsieur...

Tous les esclaves autours d'eux se dépêchèrent de retirer les assiettes et d'amener une dizaine de pâtisseries diffférentes. Le maître des lieux en prit une qu'il commenca à manger, tandis qu'Ovide regarda Marie pour lui intimer de finir la conversation. Sa femme continua :

— Père, on pourrait finir cette conversation ?

— Nous attendons une invitée. Elle ne devrait pas tarder, vous repartirez avec elle demain dans la soirée, ça te convient ?

— Euh... C'est à dire que...

Joseph se mit à crier de dehors afin que son maître sorte, coupant ainsi la parole à Marie. Après avoir soupiré et juré plusieurs fois du fait qu'il ne pouvait manger tranquillement, Harold se leva et partit retrouver son loyal serviteur. Les deux amants l'entendirent parler de manière très détendu. Ils se levèrent et se montrèrent sur le seuil de la porte d'entrée. Devant eux, une femme ayant la trentaine bien passée, discutait avec les deux hommes. Elle était habillée d'une longue robe violette, portait un châle et avait un long ruban en guise de ceinture, de couleur blanche. Un grand chapeau ornait sa tête, cachant sa chevelure dorée et de nombreux bijoux étaient disposés sur ses poignées et ses mains. Aussi grande que Jospeh, elle avait les yeux bleus et le visage arrondie. Elle se tourna soudainement vers le deux amoureux et s'écria d'une voix claire :

— Marie ! Marie, c'est bien toi ? Je n'arrive pas à y croire !

D'abord immobile, la jeune fille semblait perturbé par cette arrivée imprévue. Après un bref silence, elle s'exclama :

— Tante Elizabeth ! C'est bien toi ? Mais... Que fais-tu ici ?

— Je viens te voir pardi ! s'exclama-t-elle en embrassant sa nièce. J'avais bien entendu dire que tu étais aller fricoter avec un noir, mais je devais le voir de mes propres yeux ! Viens par là, mon garçon ! dit-elle en se tournant vers Ovide.

— Enchanté de faire votre connaissance, répondit-il timidement.

— Oui, oui... Moi de même. Alors c'est donc à ça que tu ressembles ? Comme c'est amusant ! Comment vous vous êtes rencontrés, Marie ?

— C'est en allant à l'université que je l'ai vu pour la première fois... Il cirait les chaussure d'un homme et avait pratiquement fini. Les miennes étaient totalement sali, j'avais marché dans de la boue juste avant ! Et pour ne pas arriver comme ça à l'école, je suis allée le voir. On s'est mis à discuter et on s'est trouver beaucoup de point commun... Je suis retournée le voir plusieurs fois après ça et il a fini par m'inviter à aller danser. J'ai accepté et c'est comme ça qu'on a fini ensemble. Je sais, ça peut paraître dingue mais... Je crois que c'est le destin qui l'a mis sur ma route.

— Ça alors ! Cireur de chaussure ! J'ai souvent l'impresion que vous, les noirs, vous n'aimez pas trop faire des boulots intellectuel. Mais cireur de chaussure... Tu n'as rien trouvé de mieux ?

— Tante Elize !

— Oh ! Je rigole voyons ! Mais quand même... Tu aurais pu te trouver quelqu'un de plus... Aisé.

— Entre son salaire et ce que père m'envoyait tous les mois, c'était largement suffisant pour deux, tu sais.

— Tout de même... Bon, Harold ! Mon cher frère ne va-t-il pas m'inviter à rentrer ? Je meurs de faim ! J'espère que tu as de la nourriture quelque part ! jacassa-t-elle en entrant dans la maison.

— Nous en étions au déssert justement ! Allons prendre le thé sur la terasse de l'autre côté ! répondit-il en la suivant. Jospeh !

— Oui maître ! Tout de suite !

Ovide regarda Marie qui ne bougeait plus. Il mit sa main sur son épaule et elle l'embrassa tendrement avant de se retourner vers lui, les larmes aux yeux. Ils se regardèrent quelques minutes, dans un long silence. Le jeune homme embrassa sa bien-aimé et ajouta :

— Demain soir... Nous partons. Ça va aller, ne t'en fais pas. Je peux bien tenir encore un petit peu et maintenant qu'il y a une invité, ton père ne pourra plus faire ce qu'il veut. Il va devoir se contrôler et c'est plutôt une bonne chose...

— Mais ce qu'elle te dit... C'est impardonnable.

— Je préfère cent fois ce genre d'insultes, j'ai l'habitude. Et puis, au moins, personne ne va essayer de me tuer ou m'obliger à faire du mal à quelqu'un. Ne t'en fais pas.

— Je suis tellement désolée, sanglota alors sa compagne qui versait désormais toutes les larmes de son corps.

— Ça va aller mon amour. Je te le promet.

Après un dernier échange de regards, ils entrèrent tous deux dans la maison, se convainquant l'un l'autre que tout va aller pour le mieux.

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