Rester chaste est épuisant pour une Subsculia. Aldjin devait se nourrir, d’une manière ou d’une autre. La mégalopole démoniaque grouillait. Ses artères lugubres se multipliaient. Les autres l’observaient. Certains caressaient de sombres desseins en frôlant ses hanches insidieusement. Elle n’y faisait même plus attention. L’estomac de la gargouille endormie la plongeait dans une morne léthargie. Les aspérités et les pouilleux de cette ville, de cette vie ici bas, n’avaient plus d’impact sur ses décisions.

Elle avait faim.

Au détour d’une ruelle, la foule semblait enfin se dissiper dans les profondeurs du monstre. Un peu de calme, des odeurs plus diluées, un peu de répit pour remettre ses idées à l’endroit.

Elle avait faim.

Elle avait froid aussi.

Un vieux lépreux faisait vibrer deux cordes sur un banjo constitué d’une targe, d’un peu de glaise et de boyaux de chats. La lumière de la Lune palissait sous un réverbère éteint. Une tour aux angles aiguisés prenait ombrage du cul-de-sac dans lequel Aldjin promenait ses doutes et ses jambes fatiguées. Il n’y avait rien par ici. Le vieux lépreux jouait une mélodie particulièrement monotone et répétitive. Trois notes sinistres, un silence agaçant, puis deux notes à peine audibles. Ses cornes effritées étaient arc-boutées sur son instrument, sa silhouette squelettique emmitouflée dans une toge grise. Derrière un grillage tentaculaire, un fantôme désorienté s’envolait le long de la tour en traversant les briques de manière sporadique, comme un insecte mourant.

Une âme égarée.

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