La rencontre entre la Belle et la Bête

7 minutes de lecture

Belle avait trouvé le mot de son père et fulminait contre son inconscience. Personne n’était jamais revenu du château de la Bête, personne ! Mais quelle idée il avait eu… Ce jeu commençait à devenir limite, s’il fallait risquer sa vie pour épater l’autre. C’était vraiment n’importe quoi. Aucune rose ne vaut qu’on risque sa vie…

La colère commençait à faire place à l’inquiétude. L’heure avançait et toujours pas de père à l’horizon. Le con, à tous les coups, il s’était fait choper… Tout ça pour une rose… Encore pour un inédit de Led Zep, pourquoi pas, mais une fleur ! Certes, elle les aimait aussi mais pas au péril de sa vie ! Elle aurait pu prendre de tels risques pour une guitare de Jimmy Page, ou la chemise de Robert Plant, portée lors du fameux concert Celebration Day, le 10 décembre 2007 à l’O2 Arena de Londres ou encore mieux, lors des concerts de 1970 au Royal Albert Hall de Londres ou au mythique Madison Square Garden de 1973. Mais pour quelques pétales, sans déconner…

Elle allait devoir prendre les choses en main. Impossible de compter sur ses deux sœurs : des mijaurées bonnes à rien qui tricotaient toute la journée en écoutant du Bach, du Beethoven ou du Vivaldi... Pas la peine de parler de ses trois frères, ils n’ont aucun rôle dans cette histoire et ils passaient la journée à se tripoter la nouille, c’était de leur âge. À croire qu’il y avait un lien entre les lettres et les chromosomes : XX : tricoter, XY : tripoter, vous l’avez là ?…Non, il fallait qu’elle se débrouille seule.

Elle saisit sa veste (un perfecto bien râpé) qu’elle portait sur une jupe noire effrangée, avec des bas noirs un peu déchirés et des rangers bien cirées. Sans oublier le t-shirt (noir bien sûr) d’Iron Maiden avec un joli mort-vivant dessiné. La dernière touche, c’était le noir sur les lèvres et sur les paupières. Voilà, c’était parfait, elle était prête à aller affronter la Bête et faire libérer son père.

Elle se mit en route d’un pas décidé, avec Nightwish dans les oreilles, I wish I had an Angel, chanté de façon incroyable par Tarja Turunen. Musique remplacée quelques minutes plus tard par la rythmique puissante d’Alien Weaponry et leur Hatupatu. Ah, le métal Maori, rien de tel pour partir affronter la Bête !

Galvanisée, elle avançait d’une démarche rapide en rythme. Le métal maori fut bientôt remplacé par Within Temptation et la voix fantastique de Sharon den Adel chantant Let us burn. Elle se trouva rapidement devant l'entrée du château et frappa lourdement.

  • Ouvrez là-dedans !

Silence, pas de réponse…

Elle commença à donner de violents coups de pieds avec ses rangers aux bouts ferrés, faisant un vacarme épouvantable.

  • Allez, sors de là si t’es un h…. si t’es vraiment une bête !

Ses cris finirent par attirer le maître des lieux sur place. Prudemment, ne sachant pas à qui il avait à faire, il n'ouvrit pas.

  • Oui ? C’est à quel sujet ?
  • Ouvre-moi cette putain de porte qu’on cause face à face !
  • Et qu’on cause de quoi, jeune fille ?
  • Je ne suis pas une jeune fille et je vais péter cette porte de merde si tu ne l’ouvres pas rapidement ! dit-elle en continuant de cogner violemment celle-ci.

Il entrebâilla légèrement :

  • On vient essayer de sauver son père, jeune fille ?
  • Il est là ? C’est vous qui le retenez ?
  • Et si on entrait pour en parler tranquillement ?
  • Je vous préviens, je ne suis pas certaine de rester tranquille…

Elle se jeta sur lui quand il ouvrit la porte en grand. Il lui saisit les poignets et la souleva. Elle lui décocha des ruades. Mais elle était trop petite et il avait les bras trop long pour qu’elle puisse espérer l’atteindre. Au bout de quelques minutes, elle finit par s’épuiser de ces gestes totalement inutiles.

  • Je peux vous poser, vous êtes plus calme ?
  • … Oui… fit-elle dans un souffle, toute essoufflée qu’elle était.

Il la posa délicatement au sol. Il la dominait de toute sa hauteur. Voilà, on y était, la Belle et la Bête étaient en présence l’une de l’autre. Pour une fois, il avait en face de lui quelqu’un qu’il n’impressionnait pas. C’était une première pour la Bête. D’un geste il lui montra le château :

  • Vous me suivez à l’intérieur ?

Sans répondre elle lui emboita le pas, reprenant son souffle petit à petit. Elle avait éteint sa musique, sans doute un reste de la bonne éducation donnée par son père. Elle se demandait bien ce qu’il avait pu faire de son père, enfin de ce qu’elle, la Bête… Peut-être était-elle cannibale et ne restait-il plus que quelques os mal rongés ? Un frisson d’horreur la parcourut. Non, il avait l’air poli et bien élevé. Quand on est bien élevé, on ne mange pas les gens, même s’ils viennent vous voler des roses, allons, tout de même… La pauvre, elle se rassurait comme elle pouvait.

Pénétrant dans le salon, il indiqua un fauteuil à Belle :

  • Je vous en prie, asseyez-vous.
  • Mais, et mon père ?
  • Il va bien, rassurez-vous, je ne l’ai pas encore mangé !

Elle eut un frisson d’effroi qu’elle ne put réprimer. Il avait lu dans ses pensées ou quoi ?

  • N’ayez donc pas peur, je suis végan, jeune sotte, pas de viande pour moi, encore moins celle d’un voleur de rose.
  • Faut pas lui en vouloir, la B… M’sieur, c’est à cause de moi…
  • À cause de vous ? Vous incitez votre père à voler des roses ? Mais quelle sorte de fille êtes-vous donc ?
  • Nan, c’est pas ça, mais c’est un jeu entre nous…
  • Un jeu, voler des roses ?
  • C’est pas bien grave, une rose...
  • Ah si, ne dit-on pas, qui vole une rose vole…. Autre chose ? Non, c’est nul ça !
  • Non, on ne dit pas ça, enfin pas par chez nous… Et puis, c’est assez nul, j’avoue…
  • Ah je sais, qui vole une fleur, apporte le malheur, ça le fait ça, hein ?
  • Oui, si on veut mais on ne dit pas ça non plus.
  • Bon, je sais, mais je n’ai pas de bœufs, ni d’œufs, rappelez-vous, je suis végan.
  • C’est bon, on a compris, Môssieur est végan, on le saura !
  • Dîtes donc jeune fille, soyez un peu plus respectueuse, voulez-vous !
  • Et si je ne veux pas ?
  • Je vais aller m’occuper de monsieur votre père…
  • Oh non, s’il vous plait, ne lui faites pas de mal, lui dit-elle en tombant à ses genoux.
  • Nous voilà revenue à de meilleurs sentiments, on dirait.
  • Demandez-moi ce que vous voulez mais ne lui faites aucun mal, je vous en prie !
  • Je vais y réfléchir, j’avoue que votre offre me tente…
  • Une offre ?
  • Ne venez-vous pas de vous offrir en échange de votre père ?
  • Vous avez changé d’avis ?
  • Non, non, c’est bien ce que j’ai dit !

Elle se dit qu’elle n’en ferait qu’une bouchée de cette Bête qui ne mangeait que de la verdure… Finalement, il était comme une vache, une grosse vache avec des poils. A-t-on peur des vaches ? Non, elles ne font que brouter et regarder passer les trains. Franchement qui peut craindre quoi que ce soit d’une grosse vache ?

  • Bien, allons libérer votre père, donc.
  • Là, maintenant ?
  • Ben oui, ce n’est pas ce que vous désiriez plus que tout ?
  • Si, si, bien sûr… allons-y !

Elle suivit la bête jusque dans les sous-sols du château. Ils arrivèrent devant la cellule où son père était détenu.

  • Vous l’avez mis au cachot ?
  • Je n’ai pas assez de chambre d’ami, voyez-vous et puis, il venait quand même de me voler, non ?
  • Une rose… juste une rose...
  • Oui, mais MES roses... Rappelez-vous, qui vole une rose… oui, bon, vous voyez ce que je veux dire.
  • Allez, libérez-le maintenant, vous avez promis !
  • J’ai promis effectivement, mais vous avez promis aussi, jeune fille…

Avait-il un œil égrillard en disant cela ? Personne n’est plus là pour le dire, mais on peut le supposer…

  • Oui, je sais, croix de bois, croix de fer, si je mens je vais en enfer. Vous êtes content ? lui dit-elle en crachant par terre.
  • Le crachat n’était pas indispensable mais, oui, cela me convient. Allez, relâchons votre père maintenant.

Il prit une très grosse clé et ouvrit la porte. Belle entra et se jeta dans les bras de son père.

  • Mais que fais-tu là, Belle ?
  • Oh papa, je suis si heureuse de te voir vivant !
  • Ben il n’allait quand même pas me manger…
  • Non, rappelez-vous je suis v...
  • C’est bon, on a compris, non ? Vous pouvez me laisser quelques minutes avec mon père ? C’est possible d’avoir un peu d’intimité familiale ?
  • Oui, oui, je suis juste à côté si on me demande, dit la Bête en sortant de la cellule.

Le père regarda sa fille, tout ému de la retrouver.

  • Mais que fais-tu là, ma chérie ?
  • Tu l’as déjà dit, Papa…
  • Oui, mais tu ne m’avais pas répondu…
  • Oui, c’est vrai. Voilà, j’ai passé un marché avec Monsieur la Bête.
  • Un marché ?
  • Oui, il te libère et je reste avec lui…
  • Mais ça ne va pas, Belle, et que vas-tu faire avec lui ?
  • T’en fais, pas, c’est pas une grosse vache herbivore qui va me faire peur, même avec des poils partout.

Comme il était fier de sa fille si intrépide, le père :

  • Tu seras prudente quand même. Tu sais que personne n’est encore jamais ressorti vivant de ce château ?
  • Tu vas être le premier et je serai la deuxième, t’en fais pas mon Papa chéri, tout va bien se passer…
  • Tu es sûre ?
  • Mais oui, t’en fais pas, dans quelques jours, je l’aurai à ma rangers...

Belle ne portait pas de bottes...

  • Vous savez que je suis toujours là et que je vous entends ? leur dit la Bête.
  • On n’avait pas dit quelques minutes d’intimité familiale ?
  • Si si, vous avez raison, je m’éloigne. Mais je reste pas loin, appelez-moi si vous avez besoin, dit-il en s’éloignant dans le couloir.
  • C’est ça, on vous sonnera…
  • Belle, enfin, mais c’est la Bête !
  • Non, mais c’est bon, tu as vu ? Il ne m’impressionne pas, ce machin tout poilu. Allez, file à la maison. On se revoit bientôt.
  • Bientôt, tu es sure, ma fille ?
  • Mais oui, cool, papa, no stress.

Et le père quitta le château en laissant sa fille entre les griffes de la Bête (même si on sait qu’il ne mangeait pas de viande, ça fout les jetons quand même, non ?).

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 6 versions.

Vous aimez lire Fred Larsen ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0