Épilogue
L’artefact s’illumina au bout du chemin.
Elles étaient parvenues dans les entrailles du monde, dans des profondeurs insondables. Deux aventurières s’arrêtant en bas d’une interminable série de marche, forcées de reprendre leur souffle. Or leur cœur palpitait tant qu’elles restèrent immobiles moins d’une minute.
Il ne pouvait en être autrement en présence d’un reliquat des temps anciens.
Un étroit couloir se déroulait devant Héliandri et Wixa. Le long des parois, d’une solidité incomparable, un flux atavique se mit à vibrer. Jadis des courbes y avaient été ciselées, désormais elles brillèrent de plus belle, comme si elles avaient attendu ce moment durant une éternité.
Déjà les exploratrices furent tentées de s’arrêter. Jamais, dans aucune ruine, n’avaient-elle cheminé avec une telle lenteur. Des peintures rupestres se dessinèrent sur cette voie. Y étaient principalement représentées des bipèdes, d’un tracé si rudimentaire qu’elles ne savaient reconnaître s’il s’agissait d’humains ou de ludrams. Il en allait de même pour les animaux préhistoriques qu’elles échouèrent même à relier à leurs descendants. Mais ce qui les abasourdit le plus fut l’esquisse de bâtiments, pourtant issus d’une époque supposée précéder la sédentarité.
Tout au plus examinaient-elles ces portraits quelques secondes.
Car à chaque pas s’intensifiaient leurs pulsations. Car chaque foulée les rapprochait d’une création sans nulle autre pareil, sculptée d’un matériau jamais vu, d’une forme relevant presque de l’abstrait.
De l’artefact émanait une magie préservée par les millénaires. Un halo si fulgurant l’enveloppait qu’il éclipsait toute autre source de lumière. Inévitablement, les deux aventurières étaient happées. Immanquablement, les deux aventurières admirèrent cette fabrication jusque dans ses infinis détails, bouche bée.
Wixa et Héliandri se consultèrent. Des plis d’hésitation ravinaient leur visage, que bientôt cette flamme occulta. À force de se regarder, cet éclair mutuel finit par jaillir, énergie invisible néanmoins prompte à les ébranler. Immobiles, droites, elles s’éternisèrent dans leurs réflexions.
Puis hochèrent à l’unisson.
Chaque geste, chaque mouvement subséquent était synchronisé. Héliandri et Wixa avancèrent d’un ultime, réprimant frissons et tremblements, chassant tout questionnement. Et au même instant, leur main saisit les extrémités de l’artefact.
Instantanément s’en libéra une puissance faramineuse. Peut-être que le grondement les aurait rendus sourdes, si Wixa ne le contrecarrait pas avec son propre flux. Peut-être que cet éclat éblouissant les aurait annihilées, si Wixa n’y opposait pas résistance. De cela elles ne pouvaient être certaines, tant cette magie adoptait un aspect sibyllin. Les aventurières devaient mobiliser leurs forces, garder leurs doigts enroulés autour de l’artefact, et ainsi l’accueilleraient-elles dans des conditions idéales.
Elles étaient submergées. Un flot riche en nuances, marqué par les âges, les engloutit, mais elles ne bougèrent aucunement.
Il les transporta dans un biome paisible, comme figé dans l’espace et le temps.
Elles se trouvaient dans cette vallée sans s’y situer. Comme si leur esprit appartenait intégralement aux cieux, leur corps laissé à Kazgorat. D’ici elles apercevaient les montagnes couronner ce contrebas, couvertes d’une jungle foisonnante sur toute leur déclivité.
Une vision restreinte s’alternait avec une vision d’ensemble. Un paradoxe qu’elles ne réalisèrent pas directement.
Elles se focalisèrent sur ce temple de pierre et de métal, érigé au cœur de cette vallée, autour duquel marchaient des bipèdes analogues à ceux des peintures. Tant leurs habits rustiques que leur langage primitif contrastaient avec la précision de cette bâtisse.
Soudain Héliandri et Wixa comprirent à quel lieu et à quelle époque elles avaient été projetées.
Cent-quarante et une mille années auparavant. Quand ludrams et humains vivaient ensemble, sur un même, unique continent.
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