Est-ce que ça vous arrive de ne pas vous sentir en sécurité du tout lorsque vous sortez de la maison ? Ça fait partie de l’agoraphobie et j’ai vécu cela pendant de nombreuses années, suite à la remise de mon diplôme de fin d’études d’école secondaire (voir lycée en France).

En 2006, j’ai fait une année sabbatique avant de me décider de retourner aux études collégiales (universitaires de ce côté de l’océan Atlantique). J’ai essayé de travailler à quelques endroits, mais je me suis fait mettre à la porte de deux endroits en plus de démissionner de l’un des postes ; car je n’arrivais pas à m’intégrer ou bien à supporter certains efforts physiques qui me faisaient du mal.

J’ai ensuite replongé dans mon anxiété chronique qui m’a suivie avec toutes ces années à me faire harceler pour mon surpoids et ma facilité à perdre patience. J’ai beaucoup souffert pendant ma jeunesse parce que j’ai cru perdre ma mère durant un moment, quand elle était hospitalisée. Elle est toujours vivante aujourd’hui, mais cette expérience m’a grandement affecté, à un tel point que mon traumatisme m’a valu une sale réputation de braillard quand j’étais gamin. Puis à l’adolescence, les choses sont devenues invivables. Mes cercles sociaux ont changé, je me suis vite retrouvé dans la case sociale des geeks rejetés.

Mine de rien, mon année sabbatique s’est vite transformée en une décennie et quelques années. Ça fait maintenant près de seize ans que je m’isole de cette société. Ma souffrance psychologique m’a poussé à l’invalidité à faibles revenus et je souffre encore d’agoraphobie, même si j’admet que c’est moins difficile qu’avant de sortir de chez moi. Je suis médicamenté et j’ai eu suffisamment de thérapie pour apprendre à gérer plusieurs de mes émotions négatives lorsque je sors parmi le public.

Seulement… vous l’aurez remarqué, je ne suis plus vraiment actif sur l’Atelier des auteurs et je m’isole dans mon coin. J’ai commencé à me rendre compte que j’évite de fréquenter des étrangers quand c’est possible, alors que je le fais déjà hors ligne depuis seize ans. Je venais en ligne pour m’y réfugier. Mon monde était devenu virtuel. Puis graduellement, plusieurs de mes endroits préférés sont devenus hostiles. Beaucoup de haine envers les personnes LGBTQ+ et les artistes qui créent des choses que j’apprécient.

Je me retrouve parmi ces créateurs que l'on accuse de wokisme en ligne et j’ai de moins en moins envie de créer des choses et de les partager. Je suis fier de mon alignement politique, loin de moi l’idée de cracher sur mes idéaux… mais j’ai peur. J’ai de plus en plus peur de me manifester en ligne. J’ai tout le temps l’impression que j’attire la poisse et que je suis quelqu’un qui irrite les gens facilement. Je ne fais pas confiance aux autres naturellement et c’est pour cette raison que je forme souvent un mur autour de moi ; afin de me protéger des langues de vipères et des brutes qui ne pensent qu’à blesser les autres par plaisir. C’est cette armure qui me force continuellement à prendre mes distances avec les gens avec qui je n’arrive pas à m’entendre. Mais, là ce n’est plus de l’agoraphobie, mais de l’aversion pour l’espèce humaine. Ainsi donc suis-je en train de devenir misanthrope.

Toute cette haine et cette colère envers les minorités raciales ou bien d’orientations sexuelles, d’identités transgenres… c’est injustifié. J’en ai marre qu’on nous accuse de toiletter les jeunes alors que l'on essaie seulement de créer des espaces inclusifs pour celles et ceux qui ne sont pas encore sortis du placard. J’en ai aussi marre qu’on compare mes préférences romantique et sexuelle à la zoophilie ou bien la pédophilie. Je suis fatigué de ces gens qui rependent de fausses informations sur les enfants transgenres et ces histoires de mutilation de parties génitales avant les dix-huit ans d’un mineur. Marre de tous ces gens qui n’arrêtent pas de râler sur les bloqueurs d’hormones alors qu’ils sont déjà difficiles à obtenir pour plusieurs personnes trans.

Marre aussi des gens qui se moquent d’Halle Bailey simplement parce qu’elle est une actrice noire et qu’elle joue la princesse Arielle. Bien entendu, très écœuré des personnes qui n’arrêtent pas de se moquer des décisions trop “inclusives” des nombreuses compagnies. L’inclusivité est devenue un sujet tabou et cela me chagrine. N’ont-ils rien de mieux à faire qu’à emmerder les gens qui sont fans de cette nouvelle Arielle et de son film ?

Je suis vraiment fatigué de lutter contre les zélés et les bigots de l’extrême droite. En temps normal, je serai en train de célébrer le mois de la fierté LGBTQ, le fameux Pride Month. Mais, je vois ces rageurs partout dans les réseaux sociaux comme les forums en ligne. Et je vois en plus ces gens dans les commentaires des pages publiques de ma ville, comme une chaîne de radio ou bien d’autres boutiques. Je n’ose pas vous mentionner le nombre de personnes qui ont fini dans mon bloquédex - comme dirait Julien Dutel.

Pour en revenir à ma question initiale ; je ne me sens pas en sécurité trop souvent. J’ai l’impression que si je m’affichais ouvertement gay, avec un partenaire, que l'on deviendrait vite violent avec moi ou mon partenaire. Je n’ai pas envie de me retrouver avec des ecchymoses ou des membres brisés. Je n’ai pas encore croisé d’homme ou de femme de ma ville qui a ouvertement souhaité ma mort, mais beaucoup d’entre eux ne m’ont pas fait sentir le bienvenu, où je vis. Bref… tout ça pour dire que j’ai de moins en moins l’envie de retourner dans le monde de ces personnes… Je n’y sens pas à ma place.

Maintenant, si seulement je pouvais retrouver le courage à revenir plus régulièrement dans l’Atelier des auteurs… Ou bien me montrer plus social. J’ai la flemme…