Héritage
Quand la grand-mère d’Andréa décéda, cette dernière se noya dans ses larmes de crocodiles : elle qui pensait hériter de quelques bijoux disgracieux et d’une épargne solide fut étonnée de découvrir son legs, couché noir sur blanc dans une liste improbable et longue comme le bras : l’intégrale de Gay des Bars !
Bien sûr, elle essaya tant bien que mal de s’en débarrasser en multipliant les annonces sur des sites de ventes en ligne. Elle ouvrit même un stand Gay des Bars à Maxiville, mais le romancier tant aimé jadis n’avait guère de succès que dans les greniers, dévoré par la poussière. Aussi, quand elle découvrit la boîte à livres, Andréa se posa une question sur une valeur essentielle : l’altruisme, le partage !
Elle se sentit pousser des ailes, et du zèle : chaque jour, qu’il vente ou qu’il pleuve, elle déposait un roman pour instruire les masses de nos gloires oubliées. Curieusement, ces offrandes disparaissaient : une âme peu charitable les échangeait avec des versions poches rongées par les mites, si bien que la boîte à livres devint, au fil des jours, la boîte à Bars. Cela fut embêtant, parce qu’il était difficile d’en fermer la porte. Pire : la boîte en souffrait. Elle avait beau crier à l’aide, personne ne l’entendait.
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