Faux Patrimoine

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Madame Dubosquet, professeur de Français qui passait par là pour balancer quelques classiques mille fois relus pour évangéliser les incultes passés au travers des mailles du filet, s’offusqua à la vue de cette infâme collection ! Nous voilà revenus dans le passé, pesta-t-elle, exaspérée. Je le croyais mort celui-ci ! Il n’a pas suffi qu’il peuple nos étagères quand j’étais gosse, voici qu’il s’incruste dans cette merveilleuse boîte communiste ! Et qui sera le suivant : Steph-Anne King ? Mussolevy ? Quelle horreur ! Quelle faute de goût impardonnables ! Et surtout : quel déni de notre si beau patrimoine.

Il fallait faire quelque chose, frapper vite, et fort. Hélas, quelques grand-mères stagnaient sur les bancs, devisant varices, cancer et météo. Nonchalants, des hommes et des femmes qui venaient de se baigner passaient par là, serviettes tenues par la couenne. Impossible d’agir. Maintenant que la boîte à livres dégorgeait, personne ne semblait s’y intéresser. Même Gigi et Josy, qui surveillèrent son actualité avec une assiduité de concierge, n’en parlaient plus, préférant revenir à leurs cancans habituels. Oui, il fallait régler ce problème littéraire somme toute préoccupant. Et fissa !

La nuit venue, Madame Dubosquet prit soin de revêtir une tenue de plongée pour singer les cambrioleurs des vieux films. Avec une discrétion étonnante, un silence que personne ne lui connaissait, elle se pointa devant la boîte à livres et vida tous les Gay des Bars dans un grand carton. Elle le porta à bout de bras, sens propre et figuré étant donné sa force de chaton.

Elle tournait la tête de tous les côtés, comme une petite voleuse qui débute, inquiète d’être découverte en possession de telles horreurs. La honte s’abattrait sur elle si un collègue, voire un élève plus intelligent que la moyenne, s’apercevait de son larcin. Une voiture de police la dépassa, mais rien ne se passa : téléguidée, elle poursuivit sa route, avec ses deux mannequins à bord, le regard rivé sur l’horizon.

Une fois chez elle, Madame Dubosquet souffla enfin. Elle reposa ce carton qui lui sciait les bras puis se demanda ce qu’elle en ferait, de cette œuvre colossale.

1. Conserver les romans dans le carton, et les léguer à sa mort à une collègue méprisée.

2. Attendre l’hiver pour se chauffer : un bon café, et un autodafé.

3. Les dévorer avec honte sous la couette, parce que la honte, c’est trop bon.

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