Chapitre 9 :
Je n'ai pas mal à la tête mais je ne me sens pas bien non plus. Je peine à ouvrir les yeux donc je les referme en attendant un peu. Je me rappelle doucement des événements : la discussion avec mon père, le début de la cérémonie et le cri de ma mère. Est-ce que j'ai raté la cérémonie ?
Au bout d'un moment je comprends : je n'ai pas raté la cérémonie, je suis dans l'asile maintenant.
Ce que les analysateurs pensaient de moi ne valent plus rien maintenant. Je ravale ma salive difficilement et j'ouvre les yeux. La salle dans laquelle je me trouve n'est pas allumée, tout est plongé dans le noir. Je me relève mais me plie en deux, prise d'un mal de ventre. C'est peut-être à cause d'un produit qu'ils m'ont injecté. Je vomis par terre.
Lorsque je demande s'il y a quelqu'un avec moi dans la salle, je n'obtiens aucune réponse. Je me tourne pour ne pas marcher dans ce que j'ai rejeté et j'avance à l'aveuglette. Je trébuche sur un objet non identifié au sol et tombe lourdement. J'ai mal au genou. Avant de me relever, je tâte pour reconnaître la chose inconnue par terre. Je hurle en reculant quand je me rends compte que je viens de toucher l'entrejambe de quelqu'un.
Je continue de crier de dégoût en tapant ma main contre le sol comme si cela peut changer quelque chose. Je grimace et me calme peu à peu. Ce n'est rien, la personne dort elle ne s'en est même pas rendu compte. C'est dégoûtant mais je n'aurais pas de problème. Je me relève et je fais attention là où je mets les pieds.
Il y a d'autres personnes mais ils dorment encore tous. Je heurte le mur et je sens du sang couler de mon nez. Je m'essuie avec mon bras mais cela ne s'arrête pas. Je jure et longe la salle, une main sur le mur. Puis je reconnais une porte. J'appuie sur la poignée en poussant, ensuite en tirant mais elle est fermée à clé. Je tambourine à la porte en hurlant de nous laisser sortir. Je donne un coup de pied aussi.
Je ne sais pas combien de temps je fais cela, mais suffisamment pour que les autres ne se réveillent pas. La salle s'allume et je me retourne, collée à la porte. La salle est entièrement grise. J'ai vomi sur le visage d'un jeune homme de mon âge qui a le gabarit pour être chef… j'espère qu'il ne saura pas que c'est de ma faute. Des filles sont aussi allongées. Je tombe à la renverse quand la porte s'ouvre mais je suis rattrapée brusquement par les aisselles et remise sur pieds. Je me retourne vers les individus qui sont venus.
Ce sont deux hommes. L'un d'eux est bâti comme les chefs, il a les yeux noirs et des cheveux tout aussi foncés. L'autre a une physionomie plus fine mais il est musclé. Il possède des lunettes et des yeux verts qui me fixent et c'est extrêmement dérangeant.
— Ils n'ont pas dû mettre assez de produits dans sa seringue. Elle ne devrait pas être réveillée, annonce l'homme au gabarit le plus imposant à son collègue.
— Que fait-on ? se renseigne l'autre homme en scrutant la salle. Est-ce que je vais chercher une seringue pour la rendormir ?
Je recule de quelques pas en les foudroyant du regard. Manifestement, ils sont encadreurs. Je ne connais pas la réputation de ces personnes mais je ne suis pas rassurée.
— Non, répond le plus baraqué. Elle se réveillerait après tout le monde. Cela nous ferait perdre du temps. On va la conduire dans sa chambre, c'est tout. Suis-nous jeune fille !
Sans un mot j'obéis. Je n'ai aucune expérience dans ce milieu donc je ne peux pas me rebeller immédiatement. Il y a une porte juste en face de celle de la salle d'où je sors mais je continue mon chemin à ma droite dans le couloir qui se poursuit des deux côtés. Il n'est pas très long. L'autre porte s'ouvre sur trois couloirs différents. Ils me poussent dans celui du milieu et je les suis. Ils ne m'adressent pas une parole et moi non plus. Ils n'étaient sûrement pas là pour être gentils malheureusement.
— Eh, Gérard, elle me fait penser à quelqu’un cette gamine. Mais je ne sais pas qui, lance le maigrelet à son ami en se retournant brièvement pour voir si je les suis toujours.
— Oui, moi aussi Philippe. Cela ne doit être qu'une impression. Je te rappelle qu'on est coupé des autres personnes du bunker depuis nos dix-sept ans.
— Je sais bien, s'est pour cela que je ne comprends pas.
L'encadreur Gérard s'arrête à une porte à quelques mètres d'un mur. Il sort des clés pour ouvrir une porte sur le côté gauche et me fait signe d'entrer. Je regarde tout autour de moi un peu perdue.
— Où est-ce que vous m'enfermez ? Que se passe-t-il exactement ? demandé-je en me collant au mur opposé en évitant de porter mon regard sur la pièce.
— Tu es dans l'asile fillette. Ce ne sont pas les dortoirs, déclare le maigrelet en s'avançant.
— J'étais dans la partie des familles, marmonné-je en relevant le regard.
— Peu importe fillette. Tu viens d'arriver donc tu seras seule et le mois prochain tu seras assignée à un ancien. Si tu ne te tiens pas bien, tu seras en isolement ! explique le dénommé Gérard en se rapprochant sûrement pour me forcer à rentrer dans ma nouvelle chambre.
— Qu'est-ce que je vais faire là ?
— Il est trois heures du matin et on ouvre les portes pour la cafétéria à huit heures donc dormir cela serait bien !
Apparemment je les ai plus ou moins réveillés. Je ne suis pas fatiguée pourtant. Peut-être parce que j'ai dormis plus que d'habitude ces derniers temps, grâce aux somnifères et à la piqûre. En y repensant je réalise que j'ai une douleur dans le cou et que mon nez ne saigne plus. Alors que Gérard insiste et me tire un peu par le bras, je sursaute lorsque j'entends cogner contre la porte où j'étais appuyée. Gérard me pousse un peu plus pour m'éloigner alors qu'un homme à l'intérieur tape toujours et crie :
— Je vais vous tuer ! Je vais tous vous tuer ! Laissez-moi sortir de là ! Je vais sortir d'ici et partir !
J'en perds mes questions et je vois Philippe sortir un taser. Les chefs n'en ont pas recours souvent mais ici, les encadreurs semblent l'utiliser beaucoup plus. Ils échangent un regard et Gérard me pousse dans ma nouvelle chambre et la referme à clé.
Je tâtonne pour trouver la lumière. J'observe ma chambre dès que j'appuie sur l'interrupteur. Elle est petite. Il y a un matelas, une couette, un oreiller et un miroir. C'est tout. Je soupire en tapant un poing contre le mur. Je me mets face au miroir : je porte toujours ma tenue de la cérémonie, j'ai du sang sur la partie de la lèvre en dessous de la narine concernée et sur mon bras au moment où je me suis essuyée. J'ai des bleus sur le haut de la joue droite et du côté gauche de mon front. J'ai bien été amochée lors de mon transfert.
Je fis les cent pas et m'assis sur le pseudo que je possède maintenant. J'enfouis mon visage dans mes mains en sanglotant. Mes résultats sont bons pourtant, et j'ai même intrigué les analysateurs de la dernière salle ! Alors pourquoi est-ce que je me retrouve ici ? Pourquoi m'a-t-on envoyé dans l'asile ?
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