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Leur descente sembla sans fin et l'écho de leurs cris se réverbéra sur les parois du puits. Enfin, ils heurtèrent une surface molle aux relents putrides. Leurs sacs s'ouvrirent, le contenu s'éparpilla autour d'eux.

Assomés, endoloris, pourtant vivants, ils restèrent sans bouger quelques brefs instants. Yséov, la première, se redressa. Elle proféra à la suite toute une série de jurons. Son compagnon, plus calme, leva la tête. Au-dessus d'eux une lumière distante lui faisait de l'œil. Il réalisa leur chance de ne pas s'être rompu le cou et remarqua également les escarpements sans aspérités.

Comment parvenir à remonter à la surface ?

À tâtons, autant que la faible clarté pouvait le permettre, il chercha sa lampe de poche parmi les objets épars. Ses mains s'engluèrent dans une matière visqueuse et peu ragoutante. Du bout de ses doigts poisseux, il identifia enfin l'ustensile convoité. Il s'en saisit, l'alluma, puis balaya les alentours d'un regard étonné. Une vaste caverne d'ombres et d'humidité s'étendait à leurs pieds. Ils supplantaient cette étendue perchée sur un belvédère singulier ; un monticule spongieux vaguement jaunâtre, dans lequel chaque mouvement les enfonçait un peu plus. L'homme se reprit le premier et entreprit de rassembler leurs affaires disséminées. Après un court moment de flottement sa compagne plongea à son tour les mains contre le sol moite pour l'épauler.

Ceci terminé, Yséov soupira :

— Et à présent ? On fait quoi ?

Son compagnon fixa le trou, lointain et suintant.

— Nous ne pouvons pas atteindre la surface par là, nous devons chercher une autre sortie.

Simultanément, leur attention se porta sur la grotte. Ce n'était guère engageant de ce côté, non plus. Tous deux sentaient une vague menace peser sur eux. Seulement, quel choix restait-il ? Ils rendossèrent leurs paquetages et, avec précaution, descendirent de la butte fongueuse.

*

Les senseurs du véhicule aérien n'enregistraient plus aucune présence. Interrompant sa manœuvre d'atterrissage, il élargit son champ d'investigation et accentua la puissance des détecteurs. Un signal venait du sous-sol ; cependant, le groupe d'intervention n'avait pas l'autorisation de quitter la surface. Instructions furent donc demandées, la réponse arriva, impérative ; il devait poursuivre l'opération.

Le transport se posa près du boqueteau, une porte latérale s'ouvrit et trois androïdes bardés d'acier et armés surgirent. Dans un même élan cybernétique, ils passèrent sous les arbres...

*

Malgré sa démarche erratique, la gynoïde quitta la ferme dès ses réparations effectuées. Mais, elle gardait ses capacités d'analyses et n'eut pas besoin de chercher longtemps les traces laissées par le couple. Sous le soleil cuisant, elle emprunta la route menant au nord. Aussi vite que sa mobilité défaillante pouvait le lui permettre, elle se hâta. Ses priorités perduraient ; elles tournaient en boucle en sa mémoire partiellement disponible :

Protection du nouveau peuple.

Localisation du couple diurne, réévaluation de la menace.

Confirmation de la violence, élimination.

Ce leitmotiv circulait au sein de ses circuits déliquescents telle une obsession.

*

La descente effectuée, Le couple réalisa que, tout comme sur le monticule, le sol s'enfonçait sous leurs pieds. Le faible rayon de la lampe leur révéla son aspect bistre ; une ambiance malaisante les entourait, une vague exhalaison de pourriture imprégnait l'air. L'homme entraîna sa compagne en direction d'une vague lueur qu'il apercevait vaguement droit devant. Yséov le suivait l'instinct en éveil.

Au-dessus d'eux la béance se refermait lentement ; le tertre vibra.

Ça s'éveillait, percevait la chaleur des proies venues s'égarer en sa tanière. Une manne inespérée pour iel qui se mit en filetage : le gibier ne s'en sortirait pas, il ne s'en sortait jamais. Ensuite ? Eh bien le sommeil l'emporterait. Pour l'heure, l'antre transpirait d'appétence, d'effluves impatientes, d'ondes dormantes. Point de cruauté ici, la nourriture n'aurait pas conscience d'être doucement digérées, de mourir à petit feu. Iel se préparait au festin.

Alors qu'ils venaient de s'engager dans une sorte de boyau humide, une lassitude s'empara d'eux. leur vigilance s'amenuisait. Yséov sourait béatement. Elle chancela légèrement ; un étourdissement l'emportait. Levant les yeux sur son compagnon, elle remarqua sa démarche incertaine. Avant qu'elle ne s'effondre et sombre dans l'inconscience, elle sut qu'ils étaient piègés. L'homme en s'abîmant à son tour le comprit aussi.

Un fluide sirupeux commença lentement à recouvrir leurs corps inanimés.

*

À la surface l'équipe d'androïdes arrivait à l'endroit précis où le couple avait basculé. Étrangement, le sol s'était solidifié. Mais, les senseurs des poursuivants artificiels percevaient toujours la présence de leur cible. Ensemble ils dégainèrent leurs armes et visèrent l'étrange matière.

La réaction fut immédiate, leur environnement trembla violemment, le sol s'ouvrit sous eux, la chute suivit, ils dégringolèrent.

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